Médicaments utilisés dans les formes très actives de sclérose en plaques récurrente

Évaluation des médicaments - Posted on Oct 08 2019

L'essentiel

  • Quatre immunosuppresseurs peuvent être utilisés en France dans la sclérose en plaques récurrente (SEP-R) très active associée ou non à une progression du handicap : le natalizumab (TYSABRI), le fingolimod (GILENYA), l’ocrelizumab (OCREVUS) et la mitoxantrone (ELSEP – NOVANTRONE et génériques). Ces spécialités font toutes l’objet d’un plan de gestion des risques.

  • Le choix entre ces 4 médicaments s’effectue en concertation avec un centre de ressources et de compétences en tenant compte des données cliniques et d’imagerie, du profil de tolérance des médicaments et des préférences du patient.

  • Les données d’efficacité et de tolérance à long terme de ces médicaments sont encore limitées. La pertinence de la poursuite d’un traitement par ces immunosuppresseurs chez les patients stabilisés, leur tolérance à long terme, l’amplitude de leur efficacité sur la prévention du handicap, restent notamment à établir.

 

 Quels sont les différents aspects de la maladie ?

  • La SEP est une maladie chronique inflammatoire démyélinisante du système nerveux central représentant la première cause de handicap non traumatique chez l’adulte jeune en France. L’évolution générale et le pronostic des SEP sont hétérogènes et considérés comme peu prévisibles à titre individuel. Toutefois plusieurs formes de la maladie peuvent être définies selon l’activité inflammatoire et l’évolution du handicap.
    Les SEP récurrentes (SEP-R) regroupent ainsi :
    • les patients ayant présenté un seul événement démyélinisant avec mise en évidence d’une dissémination temporelle et spatiale à l’IRM ;
    • les SEP rémittentes récurrentes (SEP-RR) caractérisées par une activité inflammatoire avec des épisodes démyélinisants (poussées) entrecoupés de périodes de rémission ;
    • les SEP-secondairement progressives (SEP-SP) avec poussées, formes évolutives des SEP-RR caractérisées par une progression continue d’un handicap irréversible sur laquelle se greffent des poussées.
  • Les SEP-R sont dites actives quand la récurrence des poussées et/ou l’apparition de nouvelles lésions sur l’IRM révèlent une activité inflammatoire soutenue. Les SEP-R définies comme très actives incluent les groupes de patients suivants :
    • patients présentant une forme très active de la maladie malgré un traitement complet et bien conduit par au moins un traitement de fond de la SEP ; ou
    • patients présentant une SEP-R sévère et d'évolution rapide, définie par 2 poussées invalidantes ou plus au cours d'une année associées à 1 (ou plusieurs) lésion(s) rehaussée(s) après injection de gadolinium sur l'IRM cérébrale ou une augmentation significative de la charge lésionnelle en T2 par rapport à une IRM antérieure récente.

Quelle stratégie thérapeutique de la SEP-R très active ?

  • La SEP-R très active nécessite une prise en charge globale associant des traitements médicamenteux et non médicamenteux (rééducation, prise en charge de la douleur, de la spasticité, dispositifs d’aide à la marche, éducation thérapeutique, etc.).
  • Dès le diagnostic d’une SEP-R établi, l’instauration rapide d’un traitement de fond est préconisée pour diminuer la fréquence des poussées et la progression du handicap à court terme. Le traitement de fond en 1re intention repose sur les interférons bêta (AVONEX, PLEGRIDY, BETAFERON, EXTAVIA et REBIF), l'acétate de glatiramère (COPAXONE), le diméthylfumarate (TECFIDERA), l'ocrelizumab (OCREVUS) ou le tériflunomide (AUBAGIO), en cas de SEP-R active. Le choix parmi ces traitements doit se faire en fonction de leur profil de tolérance, des modes d’administration, des préférences des patients et de l’ensemble des données cliniques et d’imagerie disponibles.
  • Lorsque l’activité inflammatoire de la maladie, évaluée par le nombre et la gravité des poussées ainsi que des critères d’imagerie, devient ou reste très élevée malgré un premier traitement de fond, l’instauration d’un traitement plus actif est recommandée. Le score modifié de Rio est validé pour évaluer la réponse à certains traitements de 1re intention. Les médicaments suivants sont utilisés en 2e intention et plus après concertation d’un centre de ressources et de compétences :
    • le fingolimod (GILENYA) et le natalizumab (TYSABRI) ont une AMM pour le traitement des formes très actives de SEP-RR, il s’agit des traitements de référence à ce stade de la maladie ;
    • l’ocrelizumab (OCREVUS) a une AMM dans le traitement de la SEP-R active (comprenant les SEP très actives). S’il n’a pas été utilisé en 1re intention, il peut être employé en alternative au fingolimod, au natalizumab, ou en cas d’échec de ces produits, toutefois il n’existe aucune donnée robuste documentant son efficacité et sa tolérance dans ces situations cliniques ;
    • la mitoxantrone (ELSEP – NOVANTRONE et génériques) est un traitement de recours qui a l’AMM dans les formes hautement actives de SEP-R associées à une invalidité évoluant rapidement lorsque aucune alternative thérapeutique n’existe.
  • La stabilisation de la maladie sous l’un de ces traitements est estimée par le nombre et la gravité des poussées résiduelles ainsi que l’apparition de nouvelles lésions à l’IRM. Il n’existe pas de donnée robuste évaluant l’intérêt de la poursuite de ces immunosuppresseurs puissants chez les patients stabilisés. Leur tolérance et leur efficacité sur la prévention du handicap à long terme restent à établir.
  • Dans de rares cas la SEP-RR est d’emblée sévère et d’évolution rapide. Un traitement par fingolimod, natalizumab, ou ocrelizumab peut alors être préconisé dès la 1re intention.
  • MAVENCLAD (cladribine) n’est pas commercialisé à ce jour en France, son intérêt clinique est insuffisant pour justifier d’une prise en charge par la solidarité nationale. LEMTRADA (alemtuzumab) peut être utilisé comme traitement de 2e ou 3e ligne des formes très actives de SEP-RR. Dans l’attente de la réévaluation par l’EMA de l’AMM de LEMTRADA suite à la survenue d’événements indésirables graves non attendus, son utilisation est temporairement restreinte aux SEP-RR très active malgré deux traitements de fond ou lorsqu'aucun autre traitement de fond n'est possible.

Quelles spécificités pour les médicaments de la SEP-R très active ?

  • Fingolimod (GILENYA) et natalizumab (TYSABRI)
    • En l’absence d’essai clinique comparant le natalizumab au fingolimod, il n’est pas possible de clairement distinguer l’efficacité de ces deux traitements de référence à ce jour.
    • Le fingolimod présente notamment des risques de troubles graves du rythme cardiaque à l’instauration du traitement ainsi que des risques de carcinomes basocellulaires et d’hypertension.
    • Le natalizumab est considéré comme très actif, mais il présente un risque de leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP) et d’infection à tropisme neurologique (zona en particulier). Le risque de LEMP doit être évalué en tenant compte des facteurs de risque identifiés : la durée du traitement, une exposition antérieure à un traitement immunosuppresseur et l’index d’anticorps anti-JC virus. Au-delà de 2 ans, la poursuite du traitement ne doit être envisagée qu’après évaluation du nombre de facteurs de risque du patient et réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque pour le patient.
    • Le natalizumab est administré par perfusion intraveineuse et le fingolimod par voie orale.
  • Ocrelizumab (OCREVUS)
    • Sa supériorité versus interféron β1a a été démontrée chez des patients majoritairement atteints de formes peu actives de SEP-R dans deux études. Seules des analyses en sous-groupes à visée exploratoire sont disponibles chez des patients avec une SEP-R très active.
    • Son profil de tolérance est marqué par un risque important d’infections et de réaction à la perfusion. Un suivi à long terme des tumeurs malignes est prévu.
    • OCREVUS a l’AMM dans la SEP-R et la SEP-PP à un stade précoce. L’AMM d’OCREVUS est plus récente que celle de ses alternatives. Par conséquent, le recul sur sa tolérance à long terme est plus limité.
  • Mitoxantrone (ELSEP, NOVANTRONE et génériques)
    • Son efficacité a été démontrée versus placebo dans des études anciennes.
    • Il est notamment associé à des risques de leucémie aiguë myéloïde, de troubles importants de la fertilité (risque d’aménorrhée définitive chez la femme de plus de 35 ans) et de toxicité cardiaque.
    • Les médicaments à base de mitoxantrone sont désormais très peu utilisés dans la SEP. Il s’agit d’un traitement de recours dans des situations d’impasse thérapeutique, dont l’utilisation est restreinte à un maximum de 6 perfusions sur 6 mois. La dose cumulée maximale de mitoxantrone ne doit pas excéder 72 mg/m².

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