Objectif

L’objectif de ce travail est d’évaluer la sécurité, l’efficacité et les conditions de réalisation de l’acte de transplantation d’îlots pancréatiques (ou de Langerhans) (TIL) dans plusieurs indications :

  • patients présentant un diabète insulinoprive (diabète de type 1) chroniquement instable avec fonction rénale conservée (allogreffe) ;
  • patients présentant un diabète insulinoprive et une insuffisance rénale (le plus souvent en raison d’une néphropathie diabétique) avec indication de transplantation rénale, la TIL pouvant être simultanée ou différée (allogreffe) ;
  • patients présentant un diabète insulinoprive avec greffon rénal fonctionnel et présentant un taux d’HbA1c ≥ 7 % ou des hypoglycémies sévères (allogreffe) ;
  • patients présentant un risque de diabète insulinopénique ou insulinoprive à la suite d’une chirurgie pancréatique étendue ou totale ou à la suite d'un traumatisme pancréatique entraînant une dévascularisation étendue ou totale du pancréas (autogreffe).

Ce travail a été mené en vue de l’inscription de la TIL à la classification commune des actes médicaux (CCAM) et sa prise en charge par le système national d’assurance maladie en France.


Méthode

L’élaboration de ce rapport a suivi une méthode rapide d’évaluation qui a consisté en :

  • Une analyse de la littérature scientifique :
    • pour l’indication de la TIL par allogreffe, une analyse et une mise à jour du rapport de l’INESSS publié en 2018 (qui consiste en une revue systématique de la littérature publiée entre 2000 et 2018) a été réalisée ;
    • pour l’indication de la TIL par autogreffe, une analyse critique de la littérature synthétique publiée avant mars 2020 (sans limite de début de recherche) identifiée par une recherche systématique a été réalisée ;
  • Le recueil du point de vue des parties prenantes, notamment sur les aspects organisationnels :
    • organismes professionnels : CNP d’endocrinologie, diabétologie et nutrition (CNPEDN), Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), CNP de chirurgie viscérale et digestive (CNPCVD), CNP d’anesthésie-réanimation et de médecine péri-opératoire (CNP-ARMPO), CNP de vigilance et thérapeutique transfusionnelles, tissulaires et cellulaires (CNP V3TC), CNP de radiologie et d'imagerie médicale (G4) ;
    • Agence de la biomédecine (ABM) ;
    • associations de patients : Fédération française des diabétiques, France rein.


Conclusion

Sur la base de l’ensemble des données disponibles (littérature de faible niveau de preuves, recommandations professionnelles en faveur de la technique et position favorable des parties prenantes), la HAS considérant le risque lié aux hypoglycémies sévères non ressenties, le besoin pour ces patients diabétiques de bénéficier d’un meilleur contrôle glycémique et le caractère particulièrement instable du diabète secondaire à une pancréatectomie totale, estime que la transplantation d’îlots pancréatiques (ou de Langerhans) (TIL) constitue une modalité thérapeutique dans les indications suivantes :

  • patients présentant un diabète insulinoprive (diabète de type 1) chroniquement instable avec fonction rénale conservée (allogreffe) ;
  • patients présentant un diabète insulinoprive et une insuffisance rénale (le plus souvent en raison d’une néphropathie diabétique) avec indication de transplantation rénale, la TIL pouvant être simultanée ou différée (allogreffe) ;
  • patients présentant un diabète insulinoprive avec greffon rénal fonctionnel et présentant un taux d’HbA1c ≥ 7 % ou des hypoglycémies sévères (allogreffe) ;
  • patients présentant un risque de diabète insulinopénique ou insulinoprive à la suite d’une chirurgie pancréatique étendue ou totale ou à la suite d'un traumatisme pancréatique entraînant une dévascularisation étendue ou totale du pancréas (autogreffe).


En matière de place dans stratégie de prise en charge, compte tenu de l’ensemble des données et des positions recueillies, la HAS considère que :

  • la TIL par allogreffe chez les patients non urémiques reste un dernier recours thérapeutique, elle fait partie de l’arsenal thérapeutique après échec d’une prise en charge optimale du diabète ;
  • la TIL par allogreffe fait partie de l’arsenal thérapeutique pour les patients urémiques, une indication supplémentaire de la TIL est possible, l’allogreffe d’îlots après échec du greffon pancréatique après une double greffe rein-pancréas ;
  • la TIL par autogreffe est réservée à des cas sélectionnés (enfants, patients jeunes, pancréatite chronique non alcoolique, fonction endocrine préservée, …).


La HAS précise que la TIL doit être réalisée selon les préconisations suivantes :

  • le prélèvement de pancréas doit être effectué par un chirurgien selon les recommandations techniques de prélèvement d’organes et de tissus de l’ABM, puis acheminé au centre d’isolement des îlots selon les préconisations du guide de conditionnement des organes et des échantillons biologiques de l’ABM ;
  • la préparation des îlots doit être réalisée selon la procédure et avec le plateau technique décrits dans le rapport d’évaluation technologique, au sein d’une unité de thérapie cellulaire autorisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au sein d’établissement de santé et conformément à la règlementation en vigueur ;
  • l’équipe d’isolement des îlots doit être constituée d’au minimum un ingénieur et deux techniciens ;
  • la quantité d’îlots greffés, pour obtenir une réponse optimale, doit être supérieure à 10,000 IEQ/kg de poids de receveur (provenant de deux, voire trois donneurs), avec un minimum de 200 000 IEQ ou 3500 IEQ/kg de poids de receveur à chaque greffe ;
  • le transport des îlots depuis le centre d’isolement vers le centre de greffe doit être réalisé dans des milieux de culture adaptés (milieu de transplantation (CMRL-1066) supplémenté en albumine humaine (20 %) et en héparine (35 unités/kg de poids corporel du receveur) et conditionnés dans un triple emballage agréé (poche perméable au gaz), à 24°C (avec contrôle continu de la température) dans un délai de 6 h à 8 h ;
  • la sélection, la préparation, la greffe et le suivi des patients doivent être assurés par une équipe pluriprofessionnelle formée spécifiquement à la TIL comprenant au minimum :
    • un diabétologue ;
    • un médecin spécialiste de la transplantation (ou un diabétologue formé à la gestion de l’immunosuppression) ;
    • un chirurgien et/ou un radiologue interventionnel ;
    • une astreinte 24h/24 par les équipes de diabétologie et de transplantation ; un anesthésiste-réanimateur pour la gestion peropératoire et la surveillance postopératoire (12-24 h) en unité de soins continus de chirurgie ;
    • et les collaborateurs paramédicaux (infirmier(ère) diplômé(e) d’État (IDE) de pratique avancée, infirmier(ère) de bloc opératoire diplômé(e) d’État (IBODE), infirmier(ère) anesthésiste diplômé(e) d’État (IADE), manipulateur-trice, coordinateur-trice) ;
    • un anatomopathologiste pour affirmer rapidement la bénignité de la lésion réséquée lors d’une TIL par autogreffe ;
  • le plateau technique doit être constitué, selon la voie d’abord :
    • d’une salle de radiologie interventionnelle complète (échographie, salle d’angiographie, scopie, prise de pression portale) pour la voie d’abord transhépatique ;
    • d’un bloc opératoire de chirurgie viscérale pour la voie mini-laparotomique ou d’une salle hybride ;
    • et comporter un accès au scanner 24h/24h en cas de complication postopératoire de type hémorragie ;
  • selon la voie d’abord, l’opérateur qualifié est : soit i) un radiologue formé à la radiologie interventionnelle digestive et rompu aux techniques de ponction échoguidée des branches portales et de cathétérisme vasculaire (idéalement habitué aux techniques d’embolisation portale similaires dans leur approche) mais avec monitoring de la pression portale ; soit ii) un chirurgien viscéral formé et spécialisé dans le domaine de la TIL.


La HAS souligne par ailleurs la nécessité sur le plan organisationnel :

  • de mettre en place un suivi du compagnonnage avec une traçabilité et le suivi des résultats par la technique du CUSUM mise en place par l’Agence de la biomédecine, par le biais des données CRISTAL qu’il convient de rendre obligatoire ;
  • de disposer d’une convention avec un centre d’isolement d’îlots agréé par l’ANSM et susceptible d’assurer l’isolement et l’acheminement des îlots. Ce centre pourra être situé dans le même établissement ou dans un autre établissement ;
  • de disposer, pour l’allogreffe, d’une convention avec l’ABM pour l’inscription sur la liste nationale d’attente des receveurs (CRISTAL), la gestion des organes qui leur seront proposés, le suivi des résultats des TIL ;
  • de la mise en place d’une organisation structurée et vue avec les ARS entre chirurgiens hépatiques et urologues au niveau régional, appuyée par une convention avec l’Agence de la biomédecine.


La Haute Autorité de santé préconise que le choix entre les différentes modalités de traitement repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et le patient. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale des patients sur l’ensemble des modalités de traitement disponibles en tenant compte des incertitudes relatives aux données d’efficacité et de sécurité de la TIL, notamment sur le long terme.

La Haute Autorité de santé recommande par ailleurs la réévaluation dans 5 ans de l’efficacité et de la sécurité de la TIL au regard des avancées thérapeutiques potentielles, telles que les traitements par système de délivrance d’insuline semi-automatisé, et en fonction des avancées scientifiques en matière de préparation des îlots de Langherans.

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