Fin de vie

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Vous êtes médecin et l’un de vos patients, gravement malade et en fin de vie, souhaite être sédaté jusqu’à son décès ? Ou votre patient ne peut plus exprimer sa volonté mais il avait opté pour une sédation jusqu'au décès dans ses directives anticipées ? La procédure de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) peut être mise en œuvre après une procédure collégiale, en respectant les volontés du patient.

  

L’essentiel

  • Depuis la loi du 2 février 2016, tout patient majeur ou mineur (ayant la maturité et les capacités de discernement et avec consentement des titulaires de l'autorité parentale) atteint d'une maladie grave et incurable a le droit de demander une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) pour éviter la souffrance et ne pas subir une obstination déraisonnable.
  • Cette demande est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale avec le médecin qui suit le patient, les membres présents de l’équipe soignante et au moins un médecin extérieur.
  • Si la situation du patient est conforme aux dispositions de la loi, et à l’issue de la procédure collégiale, le médecin du patient met en place une SPCMD.

  

Mise en place d’une SPCMD chez un patient conscient ou inconscient

La loi du 2 février 2016 a créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle réaffirme le droit des patients et le devoir des médecins concernant le soulagement de la souffrance en fin de vie. Lorsqu’il n’y a pas d’autre solution pour apaiser la souffrance du patient en fin de vie, celui-ci est en droit de demander le recours à une SPCMD afin d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable. Selon la loi, la SPCMD peut alors être envisagée :

  • si le patient présente une souffrance réfractaire aux traitements alors qu’il est atteint d'une affection grave et incurable et que le pronostic vital est engagé à court terme ;
  • ou si le patient, atteint d'une affection grave et incurable, décide d'arrêter un traitement et que cette décision engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable.

La SPCMD peut également être envisagée chez un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté, en cas d'arrêt des traitements de maintien en vie au titre du refus de l'obstination déraisonnable, sauf s’il s’y est opposé dans ses directives anticipées.

Si, en tant que médecin, vous êtes confronté à l’une de ces situations, les étapes suivantes sont nécessaires pour respecter la volonté du malade d’une part, et la loi d’autre part :

  • écouter, comprendre et analyser la demande du patient ;
  • vérifier dans le cadre d’une procédure collégiale que les conditions prévues par la loi sont réunies, que le patient a les capacités de discernement nécessaires, et que sa demande fait suite à une information loyale, claire et appropriée, notamment à propos des autres pratiques sédatives (proportionnée, réversible, etc.).

 

La procédure collégiale en pratique

La procédure collégiale implique l’ensemble des professionnels qui interviennent dans la prise en charge du patient et dans la mise en œuvre de la SPCMD. Elle doit inclure un médecin extérieur à l’équipe, comme consultant et sans lien hiérarchique avec le médecin traitant. Les soignants se réunissent pour évaluer si la situation remplit les conditions fixées par la loi. Cette réunion peut se faire par téléconférence ou vidéoconférence.
La procédure collégiale a pour objectifs de :

  • Partager les informations sur le patient (sa personne, son contexte de vie, sa maladie et les traitements réalisés ou proposés, ses volontés) ;
  • Échanger les points de vue afin de faire une appréciation globale de la situation et une appréciation médicale de l’état du patient en référence aux recommandations de bonnes pratiques ;
  • Répondre aux questions suivantes pour vérifier que l’une ou l’autre des conditions prévues par la loi sont remplies :
    • la souffrance du patient est-elle réfractaire et son pronostic est-il engagé à court terme ?
    • ou l'arrêt du traitement demandé par le patient engage-t-il son pronostic à court terme et est-il susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ?
    • ou l’application de la sédation profonde et continue associée à une décision d'arrêt des traitements de maintien en vie est-elle réalisée conformément à la loi ?
  • Vérifier que la demande est libre et éclairée et selon les cas, apprécier les capacités de discernement du patient.

La procédure collégiale évalue les critères ci-dessus et n’a pas à porter de jugement de valeur sur la demande du patient.

Chez un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté, si l'arrêt d’un traitement de maintien en vie pour éviter une obstination déraisonnable a été décidé à l’issue de la procédure collégiale, il est nécessaire de consulter ses directives anticipées. En leur absence, vous vous entretenez avec la personne de confiance ou, à défaut, avec la famille ou l’un des proches : l’objectif est de connaître les volontés du patient lorsqu’il était encore capable de les exprimer, notamment sa volonté ou son refus d’une sédation profonde et continue.

À l’issue de la procédure collégiale, le médecin prenant en charge le patient prend seul la décision de réaliser ou non la SPCMD et en inscrit les motifs dans le dossier du patient, ainsi que l’ensemble de la procédure.  

 

Parler de la sédation avec le patient et ses proches

La communication avec le patient et les proches nécessite empathie, qualités relationnelles et écoute. Les informations transmises aux proches se font avec l’accord du patient.

Quand le sujet de la sédation est abordé avec votre patient, il convient aussi de se renseigner sur l’endroit où il souhaite que celle-ci soit réalisée, ce peut être au domicile, à l’hôpital, dans un Ehpad. Le patient peut donner des détails sur les circonstances de la sédation : à quel moment, en présence ou non des proches, après la venue d’un représentant du culte... Enfin, il est essentiel de rassurer le patient sur le soutien qui sera proposé à ses proches au cours de la sédation, car c’est souvent une source d’angoisse.

Concernant les proches, tout dépend du patient : que souhaite-t-il leur dire ? Avec qui veut-il partager les informations ? Si les proches n’étaient pas présents lors des entretiens avec le patient, il conviendra de leur expliquer les décisions qu’il a prises, les souhaits qu’il a formulés concernant le lieu et les modalités de la sédation. Dans le cas où le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté, il vous reviendra d’expliquer aux proches l’objectif de la sédation et de leur décrire l’évolution probable de l’état du patient.

 

Les 3 étapes de la SPCMD : mise en place, initiation, entretien et surveillance

  • Mise en place : la réalisation d’une SPCMD impose de pouvoir faire appel à une équipe spécialisée en soins palliatifs, un médecin référent et spécialisé en soins palliatifs doit pouvoir être joignable facilement. À domicile ou en Ehpad, la mise en place d’une SPCMD nécessite de pouvoir joindre 24h/24 un médecin, un(e) infirmier(ère) devant pouvoir se déplacer. À défaut, une hospitalisation à domicile peut être envisagée. Il faut aussi pouvoir s’assurer de la présence continue auprès du malade de membres de l’entourage capables d’alerter. Mettre en place une SPCMD à domicile ou en Ehpad nécessite d’avoir un lit de repli réservé dans un établissement de santé. Enfin, les consignes en cas d’évènement inattendu ou d’urgence doivent être laissées par écrit.
  • Initiation : si vous êtes le médecin en charge du patient et responsable de la décision, vous rédigez la prescription après conseil auprès du médecin spécialisé en soins palliatifs. Le médicament recommandé en 1re intention est le midazolam injectable, voir à ce propos la recommandation de bonne pratique Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie décrivant la prise en charge médicamenteuse de la SPCMD. Les opioïdes seuls ne doivent pas être utilisés pour induire une sédation, ils seront poursuivis ou renforcés pour contrôler les douleurs et les dyspnées. L’infirmier(ère) débute alors l’administration et la titration des médicaments en votre présence. Puis vous êtes en charge de la surveillance du patient jusqu’à ce qu’il soit stabilisé.
  • Entretien et surveillance : les injections de midazolam sont poursuivies tout au long de la SPCMD. L’équipe de soins contrôle le pouls et le rythme respiratoire et assure l’évaluation clinique (profondeur de la sédation, degré de soulagement, surveillance des effets indésirables) 2 fois par jour à domicile, 3 fois à l’hôpital ou en Ehpad. Seuls les traitements qui participent au maintien du confort du patient sont poursuivis. L’hydratation et la nutrition artificielles devraient être arrêtées. Les soins de confort (soins de bouche, hygiène, etc.), auxquels peuvent participer les proches si le patient en a émis le souhait, sont essentiels.

Le désarroi des proches du patient sous sédation peut être intense : ils pourront faire part de leurs ressentis physiques, leurs craintes, leurs sentiments de culpabilité, leur colère… Une écoute bienveillante peut alléger leur souffrance. Vous pouvez les conseiller sur les moyens de continuer d’aider le patient (par la parole, le toucher, les soins de bouche…), les informer régulièrement sur l’évolution de son état, les rassurer sur le fait que, dans ce contexte, la sédation est le seul moyen pour éviter ses souffrances. Vous pouvez aussi leur proposer de bénéficier d’un soutien social, psychologique ou spirituel. À l’hôpital ou en Ehpad, les conditions de visite sont allégées en cas de SPCMD et à domicile, des bénévoles peuvent aider les proches à ne pas souffrir d’épuisement.

Les soignants aussi doivent prendre soin d’eux : faire partie d’une équipe de soins qui réalise une SPCMD peut être difficile à supporter. Des réunions de débriefing, des groupes de parole avec l’appui d’un professionnel expérimenté extérieur à l’équipe ou encore une prise en charge individuelle avec un psychiatre ou un psychologue clinicien peuvent aider à atténuer la souffrance des équipes.

 

Les médicaments de la SPCMD


En 1re intention
Le médicament recommandé en première intention est le midazolam injectable.
– La voie intraveineuse est recommandée, quels que soient l’âge et le lieu. À domicile ou en Ehpad, il peut être obtenu par rétrocession par une pharmacie hospitalière. Le ministère de la Santé a annoncé par un communiqué de presse du 10 février 2020 une modification de l’AMM du midazolam injectable dans les 4 mois pour permettre sa dispensation en ville.
– En cas d’administration intraveineuse impossible, la voie sous-cutanée peut être envisagée.
– Il est administré soit avec une dose de charge réalisée par titration suivie d’une dose d’entretien, soit avec une perfusion continue d’emblée à augmenter progressivement : les modalités d’administration sont détaillées dans la recommandation Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l'adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie.
– La possibilité d'un réveil, notamment lors des soins, est anticipée par l’injection ponctuelle d'une dose complémentaire d'antalgique et de sédatif.
En cas de difficulté d’approvisionnement du midazolam, le diazépam et le clonazépam peuvent être utilisés en recours temporaire.

En 2e intention
En cas d’efficacité insuffisante du midazolam et hors situation particulière, les neuroleptiques sont les médicaments de choix de deuxième intention, notamment :
– la chlorpromazine en cas de sédation intraveineuse ;
– la lévomépromazine, plus sédative, en cas de sédation sous-cutanée.
En fonction du médicament sédatif de 2e intention, le midazolam sera poursuivi ou progressivement arrêté.
En cas d’efficacité insuffisante des médicaments de deuxième intention, un transfert vers un service d’hospitalisation est recommandé.


                                 

Pour en savoir plus : les 2 fiches outils "Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie".
Fiche outil 1 – Antalgie des douleurs rebelles en situations palliatives chez l’adulte : en pratique pour le médecin généraliste. Cette fiche vise à définir les modalités d’utilisation des traitements antalgiques, notamment hors autorisation de mise sur le marché (AMM).
Fiche outil 2 – Pratiques sédatives chez l’adulte : en pratique pour le médecin généraliste. Cette fiche outil détaille les prises en charge médicamenteuses pour les sédations proportionnées et les sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès.


Article rédigé par Arielle Fontaine – HAS & Citizen press