Dépistage néonatal : Réévaluation de l’opportunité d’intégrer cinq erreurs innées du métabolisme au programme de DNN

Public Health guideline - Posted on Feb 13 2024

Le dépistage néonatal est une intervention de santé publique visant à détecter dès la naissance certaines maladies rares mais graves dont l’enjeu est de mettre en œuvre, avant l’apparition de symptômes, des mesures appropriées afin d’éviter ou de limiter les conséquences négatives de ces maladies sur la santé des enfants.

En France, ce dépistage fait l’objet d’un programme national. Treize maladies sont actuellement recherchées par des tests biologiques réalisés à partir d’une goutte de sang séchée sur papier buvard : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, la drépanocytose, l’hyperplasie congénitale des surrénales et la mucoviscidose. Suite à la recommandation de la HAS de 2011, le déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaines moyennes (MCAD) a été intégré au programme en 2020., 7 erreurs innées du métabolisme (EIM) ont été rajoutés en janvier 2023 :  la leucinose (MSUD), l’homocystinurie (HCY), la tyrosinémie de type 1 (TYR-1), l’acidurie glutarique de type 1 (GA-1), l’acidurie isovalérique (IVA), le déficit en déshydrogénase des hydroxyacyl-CoA de chaîne longue (LCHAD), et le déficit en captation de carnitine (CUD), recommandés par la HAS en 2020.

L’arrivée de la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS), rend possible le dépistage à la naissance de nombreuses EIM. Dans ses travaux publiés ce jour, la HAS a réévalué l’opportunité d’élargir le programme à cinq EIM par MS/MS n’ayant pas été recommandées en 2020.

Cinq maladies devaient être réévaluées : la Citrullinémie de type 1-(CIT-1), l’Acidurie propionique (AP), l’Acidurie méthylmalonique (AMM), le déficit en VLCAD et le déficit en ornithine transcarbamylase (OTC). Cette dernière n’a pas été incluse dans la présente évaluation en raison de l’absence de marqueur biologique spécifique permettant de l’identifier par la technique de MS/MS.

La HAS a développé en 2020 une démarche d’évaluation pour l’inclusion de maladies dans le programme national du DNN. Publiée en 2023 sous forme de guide méthodologique, c’est cette démarche, s’appuyant sur une méthode d’analyse décisionnelle multicritères, qui est suivie dans ce travail. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision sous forme de logigramme qui permet, pour chaque maladie évaluée, de vérifier la validité de l’ensemble des critères de choix permettant ainsi juger de l’opportunité de l’intégrer au programme national du DNN.

La présente recommandation a été structurée en trois étapes.

La première a consisté à mettre à jour l’état des connaissances et des pratiques pour les quatre maladies examinées (CIT-1, AP, AMM et VLCAD). Pour chacune d’entre elles, une fiche de synthèse a été réalisée par la HAS, afin de documenter chacun des critères dans la mesure du possible. Ces fiches de synthèse ont été relues, amendées et validées par les membres du GT.

Lors d’une deuxième étape, 22 experts (cliniciens et biochimistes/biologistes) ont noté chaque critère pour chaque EIM à l’aide de la grille d’évaluation et des synthèses bibliographiques produites à cet effet.

Enfin, en se fondant sur les fiches bibliographiques et les résultats du panel d’experts, la HAS en lien avec le GT en séance délibérative a abouti à une proposition d’EIM à intégrer au programme national du DNN et pouvant être dépistées par MS/MS. L’analyse et la discussion ont tenu compte des critères décisionnels majeurs, en considérant qu’il devait y avoir un consensus de plus de 85 % pour chaque critère pour que la maladie soit éligible.

Pami les quatre maladies évaluées, l’état actuel des connaissances pour trois d’entre elles (CIT-1, AP, AMM) ne permet pas de les proposer au programme national de DNN.

Ces maladies qui sont relativement bien connues ne font pas de consensus en raison du manque de preuves sur l’efficacité du DNN, pour lequel la technique de MS/MS risque de produire un nombre élevé de faux positifs. De plus, pour ces trois maladies les symptômes peuvent se déclarer brutalement avant le rendu des résultats. Notamment, les raisons ci-dessous déjà évoquées dans la précédente évaluation sont toujours des arguments d’actualité, en particulier :

Citrullinémie : le bénéfice individuel du dépistage de cette maladie n’est pas évident. Il apparaît que les patients atteints des formes les plus sévères feront un coma néonatal hyperammoniémique avant le rendu du résultat de dépistage tandis que d’autres cas resteront asymptomatiques. Il n’y a pas pour le moment de preuves sur l’efficacité du DNN, pour lequel la technique de MS/MS risque de produire un nombre élevé de faux positifs.

Aciduries propionique et méthylmalonique : pour ces deux pathologies, il apparaît que même si le dépistage à la naissance pourrait diminuer la mortalité liée au coma initial, il semble que le nombre de crises ne serait pas réduit, la morbidité ne serait pas diminuée ni la qualité de vie améliorée. Ainsi, dans l’état actuel des connaissances, le bénéfice du DNN n’est pas très clair et ne fait pas consensus. Des difficultés techniques sont soulevées pour différencier ces deux maladies par MS/MS. Une confirmation par biologie moléculaire est nécessaire.

Dans le cas de la quatrième maladie évaluée, le déficit en déshydrogénase des acyl-coA à chaîne très longue (VLCAD), la plupart des patients sont symptomatiques après le rendu des résultats. Bien que pour ce déficit le nombre de faux positifs ne soit pas négligeable, l’intérêt de dépister la pathologie dès la naissance pour pouvoir agir en cas de décompensation métabolique est souligné par les experts. Les symptômes sont variés et la maladie peut évoluer très rapidement entrainant le décès. Le dépistage à la naissance contribuera à réduire l’errance diagnostique et le retard à la mise en place d’un traitement qui vise à prévenir les épisodes de décompensation (hypoglycémie hypocétotique, rhabdomyolyse) et qui semble améliorer le pronostic des formes sévères.

Cette évaluation a pris en compte les données de la littérature disponibles ainsi que les avis d’experts.

A ce jour, toutes les conditions ne sont pas réunies pour recommander certaines pathologies évaluées. Ces recommandations pourront être actualisées en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, de la disponibilité de marqueurs fiables et d’un bénéfice individuel démontré pour l’enfant dépisté.

Recommandations

La HAS recommande d’élargir au déficit en VLCAD le DNN en population générale en France. Ce dépistage implique nécessairement l’utilisation de la technologie de MS/MS.

Modalités de mise en œuvre

  • La HAS recommande que le dépistage du déficit en VLCAD prévoie l’utilisation du marqueur C14 :1-carnitine afin de réduire le nombre de faux positifs.
  • La HAS recommande aux maternités de transmettre les cartons/buvards de prélèvement sanguin aux CRDN dans les 24h (y compris les weekends et les jours fériés), ceci afin de réduire le délai de rendu des résultats.
  • La HAS recommande que la proposition d’élargissement du DNN soit accompagnée d’une formation de l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le DNN. Cette formation devra porter tant sur les aspects techniques que sur les aspects relationnels, en particulier sur la délivrance de l’information.
  • La HAS recommande qu’une première information sur le DNN soit donnée aux parents pendant la grossesse, au cours des consultations prénatales du troisième trimestre.

La HAS insiste sur la nécessité de fournir les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre de ce dépistage et au suivi des nouveau-nés dépistés sur tout le territoire.

 

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