Curiethérapie interstitielle utilisée en complément d’une radiothérapie externe pour le traitement du cancer localisé de la prostate – Rapport d'évaluation technologique
Le Conseil national professionnel d’oncologie a demandé à la HAS d’évaluer l’utilisation de la curiethérapie interstitielle en complément (boost) d’une radiothérapie externe (RTE) pour le traitement du cancer de la prostate (CaP) de stade localisé, en vue d’apprécier le bienfondé de sa prise en charge par l’Assurance maladie.
Objectif de l’évaluation
L’évaluation réalisée en réponse à cette demande a eu pour but : d’évaluer la balance bénéfice/risque (efficacité, sécurité, impact sur la qualité de vie du patient) de la curiethérapie à haut débit de dose (HDD) ou à bas débit de dose (BDD) utilisée en complément d’une radiothérapie externe (RTE) (associée ou non à une hormonothérapie adjuvante) pour le traitement de première ligne du CaP localisé à risque intermédiaire défavorable et à risque élevé de récidive par comparaison à l’utilisation de la RTE associée à une hormonothérapie adjuvante.
Périmètre et méthode d’évaluation
Ce rapport a été conduit selon la méthode générale d’évaluation des actes professionnels de la HAS qui consiste en i) une recherche systématique (réalisée jusqu’à mars 2025) et une analyse critique de la littérature médicale identifiée et sélectionnée selon les critères définis dans le protocole d’évaluation (note de cadrage), ii) un recueil de l’opinion argumentée des experts professionnels concernés par le sujet, iii) une consultation en tant que parties prenantes des représentants d’organismes professionnels et d’associations de patients et d’usagers, ainsi qu’une consultation de deux institutions publiques de santé (INCa, ASNR) concernées par le sujet.
Résultats
Aucun essai contrôlé randomisé (ECR) impliquant la technique de RTE de référence (radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI) guidée par l’image (IGRT)) n’a été identifié. Après amendement au protocole d’évaluation, deux ECRs impliquant la radiothérapie en trois dimensions (RT3D) ont pu être sélectionnés ; ces deux essais portaient chacun sur une des deux techniques de curiethérapie, HDD ou BDD.
Pour ces deux ECRs, l’évaluation de l’efficacité a conclu à l’absence de différence statistiquement significative entre les deux bras de traitement en termes de survie globale (SG) et de survie sans métastase (SSM) avec un temps de suivi médian d’environ 10 ans. Une amélioration de la survie sans récidive biochimique par le boost de curiethérapie (BDD ou HDD) a été observée, mais ce critère n’est pas reconnu comme un critère d’évaluation validé.
Concernant l’évaluation de la sécurité, les résultats d’un ECR ont montré une augmentation de la toxicité urinaire tardive dans le bras RT3D + boost BDD versus RT3D. Cette augmentation de toxicité a également été observée dans trois études comparatives observationnelles ayant utilisé la technique de RTE de référence (RCMI) et portant sur les deux techniques de curiethérapie, HDD ou BDD. Les résultats portant sur la toxicité digestive étaient similaires entre les deux bras de traitement dans les deux ECRs, mais deux cas d’effets indésirables graves (grade ≥ 4), dont un cas de décès, imputés à l’association RT3D + boost BDD, ont été rapportés dans un essai ; une augmentation de la toxicité digestive tardive a également été observée dans le bras RTE + boost BDD dans deux études comparatives observationnelles impliquant majoritairement la RCMI.
Les résultats portant sur l’évaluation de l’impact sur la qualité de vie des patients étaient très peu documentés, limitant de ce fait leurs interprétations.
L’ensemble des résultats des deux ECRs et des cinq études comparatives observationnelles (non randomisées) sont à interpréter avec réserve en raison d’importantes limites méthodologiques remettant en question leur validité. En effet, les deux ECRs sont associés à un risque de biais élevé, principalement lié à la présence de données de censure en proportion élevée et de causes inconnues ; les études observationnelles présentent, quant à elles, un risque de biais élevé à très élevé, lié principalement au manque de comparabilité entre les deux bras de traitement.
Concernant l’applicabilité des résultats, ceux-ci ne sont pas représentatifs des recommandations et de la pratique actuelle au regard i) de l’hétérogénéité des populations étudiées qui ne représentent que partiellement la population cible de cette évaluation (en raison de l’évolution des systèmes de classification des groupes à risque du CaP au cours du temps), ii) des conditions de réalisation technique (dose, schéma de fractionnement, champs d’irradiation, traitement de déprivation androgénique) et iii) de l’absence d’utilisation dans les études des nouvelles techniques et technologies (e.g. imagerie multimodale, logiciel informatique) permettant de définir le schéma de planification de la radiothérapie externe (e.g. définitions des volumes cibles et organes à risque, dosimétrie).
Conclusion
Au regard des limites méthodologiques et du manque d’applicabilité des études identifiées dans cette revue systématique, la HAS ne peut statuer sur la balance bénéfice/risque (efficacité, sécurité, qualité de vie) de l’utilisation du boost de curiethérapie à HDD ou à BDD associé à une RTE chez des patients atteints d’un CaP localisé à risque intermédiaire défavorable et à risque élevé de récidive. La HAS encourage la réalisation d’études prospectives comparatives (randomisées ou observationnelles) impliquant des traitements de RTE recommandés, avec des critères de jugement oncologiques validés et des résultats stratifiés en fonction des groupes à risque représentatifs de la population cible (risque intermédiaire défavorable et risque élevé de récidive).
