L’essentiel

  • Leur indication est limitée à un traitement à court-terme des troubles sévères du sommeil chez l’adulte : insomnie occasionnelle et transitoire.
  • Les traitements non médicamenteux proposés dans l’insomnie doivent précéder la prescription de benzodiazépines.
  • La prescription d’hypnotiques, benzodiazépines ou apparentés, ne doit pas être banalisée, car, si elle facilite le sommeil, elle ne résout pas les causes de l’insomnie qui doivent être recherchées. Elle peut être à l’origine de nombreux effets indésirables aux conséquences parfois graves.
  • Leur usage requiert le respect de règles précises : dose minimum utile, prescription limitée à 28 jours, information au patient.
  • Une anticipation des modalités de fin de traitement doit être mise en œuvre dès la première prescription. 

Il est rappelé que toutes les benzodiazépines ne sont pas indiquées pour prendre en charge à la fois l’anxiété et l’insomnie. Il existe une fiche de bon usage du médicament dédiée à l’utilisation des benzodiazépines dans l’anxiété : « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ? »

Quelles sont les benzodiazépines concernées ?

Il s’agit de 5 benzodiazépines et de 2 molécules apparentées qui sont remboursées dans la prise en charge des troubles sévères du sommeil (définis par une fréquence ≥ 4 nuits par semaine avec retentissement diurne) dans les cas suivants : insomnie occasionnelle et transitoire. La durée d’une prescription est limitée à 4 semaines en tenant compte de la période de réduction de la posologie.

mceclip0 - 2024-07-24 09h00m16s

Quand peut-on prescrire un hypnotique ?

La prescription d’un hypnotique doit s’inscrire dans une stratégie à court terme en seconde intention d’une prise en charge globale du trouble du sommeil et des comorbidités auxquels il est associé. Dans tous les cas, la posologie la plus faible doit être prescrite pour la durée la plus courte possible.

Ces médicaments n’ont d’intérêt que dans le traitement des insomnies aiguës (de courte durée) et ne doivent pas être utilisés dans le traitement des insomnies chroniques (qui durent plus de 3 mois). Devant toute insomnie autre qu’occasionnelle, il est rappelé que des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont à proposer en première intention.  

Dans tous les cas, il convient d’assurer que les règles de mises en conditions pour un sommeil sont réunies. Ces règles peuvent parfois suffire à restaurer le sommeil en cas d’insomnies légères et sans comorbidités associées :

Règles d’hygiène du sommeil

  • Dormir selon les besoins, mais pas plus ; éviter les siestes trop longues (> 1h) ou trop tardives (après 16h).
  •  Adopter un horaire régulier de lever et de coucher. Pour les personnes âgées, retarder le coucher.
  • Limiter le bruit, la lumière et une température excessive dans la chambre à coucher.
  •  Eviter la caféine, l’alcool et la nicotine.
  • Pratiquer un exercice physique dans la journée, mais en général pas après 17h.
  • Eviter le repas trop copieux, trop gras, le soir.
  • Il est recommandé de limiter l’utilisation des écrans avant le coucher.

Comment prescrire un hypnotique ?

  • La prescription d’un hypnotique doit s’inscrire dans une stratégie à court terme. Le traitement doit être prescrit à la posologie efficace la plus faible et pour une durée de traitement la plus courte possible.
  • Le cumul de plusieurs médicaments à effet sédatif est à proscrire : il n’apporte pas d’effet supplémentaire mais potentialise les effets indésirables parfois graves.

Le choix d’un hypnotique est fonction :

  • du profil d’insomnie du patient (insomnie d’endormissement, difficulté de maintien du sommeil ou réveil matinal prématuré) ;
  • de la demi-vie, du délai et de la durée d’action du produit;
  • du risque d'interactions médicamenteuses, notamment avec d’autres psychotropes (éviter de cumuler plusieurs médicaments psychotropes) ;
  • de l’état physiologique du patient (âge, état rénal et hépatique, antécédents psychiques) ;
  • du type d’activités susceptibles d’être pratiquées par le patient au décours de la prise.

Le patient doit être informé des conditions du traitement, de ses effets indésirables et des précautions à respecter. En particulier, il doit être informé du faible effet de ces médicaments, des risques de troubles de la mémoire, de somnolence, de troubles du comportement et de chute ainsi que de phénomènes de tolérance pharmacologique et de dépendance.

Le changement d’un médicament pour un autre n’est justifié que si le patient a des effets indésirables en rapport direct avec le produit utilisé.

  • Quel que soit le choix thérapeutique, une seconde consultation au moins est recommandée à l’issue de la durée de prescription, en vue d’une réévaluation de la situation, ne serait-ce qu’en raison d’un risque de chronicisation du trouble.
  • La nécessité de poursuivre le traitement doit être évaluée régulièrement. Dans certains cas, il pourra être nécessaire de prolonger le traitement au-delà des périodes préconisées. Ceci impose des évaluations précises et répétées de l’état du patient.
  • Aucune benzodiazépine n’est indiquée dans le traitement de l’insomnie chronique (il est à noter que seul le QUVIVIQ (daridorexant), antagoniste des récepteurs de l’orexine, est actuellement indiqué dans le cas de l’insomnie chronique).
  • Une dépendance aux hypnotiques est possible, même en l’absence de facteur de risque de dépendance.
  • es hypnotiques peuvent être un facteur d’entretien de l’insomnie, notamment en raison du rebond d’insomnie qu’ils peuvent induire à l’arrêt.
  • STILNOX (zolpidem) ou génériques : prescription sur ordonnance sécurisée, nombre de comprimés et de prises en toutes lettres, une nouvelle ordonnance ne peut être établie pendant le période déjà couverte par une précédente ordonnance.

 

Comment arrêter un traitement ?

Dès l’instauration du traitement, le médecin doit anticiper et expliquer au patient la durée du traitement et ses modalités d’arrêt.

Chez les utilisateurs au long cours, quelle que soit la stratégie choisie, en ambulatoire ou à l’hôpital, avec ou sans prise en charge spécialisée, l’arrêt doit toujours être progressif, sur une durée de quelques semaines à plusieurs mois. Une stratégie d’arrêt de la consommation de benzodiazépines ou médicaments apparentés doit pouvoir être proposée chez tout patient traité quotidiennement depuis plus d’un mois. Les traitements très brefs (2 à 5 jours) ne nécessitent pas d’arrêt progressif.

Bien que l’objectif soit l’arrêt complet, l’obtention d’une diminution de la posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable. Si la stratégie d’arrêt échoue, il est recommandé d’encourager le patient à recommencer ultérieurement après évaluation des raisons de l’échec.

Il n’y a pas d’argument pour proposer un autre traitement médicamenteux lors du sevrage. L’accent doit être mis sur les mesures d’accompagnement non médicamenteuses qui peuvent être aussi prolongées que nécessaires.

Six erreurs à éviter
  • Prescrire un hypnotique de façon systématique, sans évaluation de la situation du patient.
  • Méconnaitre une dépression ou un autre trouble psychiatrique à l'origine du trouble du sommeil.
  • Négliger un symptôme évocateur de syndrome d'apnées du sommeil (ronflements sonores, somnolence diurne, céphalées au réveil, excès de poids).
  • Associer plusieurs benzodiazépines, hypnotiques ou anxiolytiques.
  • Reconduire une prescription sans réévaluer la situation du patient.
  • Arrêter brutalement un traitement par benzodiazépine ou molécule apparentée.

Le cas particulier du sujet âgé

  • La prise en charge des troubles du sommeil chez le sujet âgé doit tenir compte de différents paramètres :
    • les conséquences diurnes de l’insomnie plus marquées qu’à l’âge moyen (ralentissement psychomoteur) ;
    • les modifications physiologiques du sommeil avec l’âge (plus léger, plus fragmenté, plus étalé sur le nycthémère) ;
    • un métabolisme moins performant, une élimination plus lente, ralentissant la pharmacocinétique des médicaments ;
    • une plus grande fréquence de comorbidités et de polymédication.
  • L’objectif général de la prise en charge de l’insomnie chez le sujet âgé doit être la promotion de l’éveil diurne, de la pratique d’activités physiques ou intellectuelles et du respect d’un rythme éveil/sommeil régulier avec un horaire de coucher retardé.
  • Les traitements non pharmacologiques sont à privilégier.
  • La prise d'un hypnotique expose tout particulièrement le patient âgé à des chutes et à leurs conséquences et complications parfois graves ainsi qu’à des altérations cognitives et à des accidents de la voie publique.
  • Certains patients âgés consomment des hypnotiques depuis longtemps. Un arrêt de traitement peut signifier pour eux la remise en cause d’un certain équilibre, voire d’un mode de vie auquel ils sont habitués. Il est donc recommandé d’analyser avec chaque patient les avantages et les risques associés à la consommation de benzodiazépine et à son interruption (Cf. Pour aller plus loin).
  • Chez le sujet âgé, il est généralement recommandé de réduire la posologie, de moitié par exemple.

Autres populations particulières

  • Les benzodiazépines et assimilés ne doivent pas être utilisés chez les enfants et les adolescents de moins de 18 ans sans une évaluation minutieuse de la nécessité du traitement.
  • Chez l’enfant, l’insuffisant rénal ou hépatique, il est recommandé de réduire la posologie, de moitié par exemple.
  • De manière générale, il n’est pas recommandé d’utiliser des benzodiazépines chez les patients présentant un trouble cognitif psychique ou neurologique.

Abus, dépendance et syndrome de sevrage

Tout traitement par benzodiazépines ou apparentés, et plus particulièrement en cas d’utilisation prolongée, peut entrainer un état de pharmacodépendance physique et psychologique. La plus grande prudence est recommandée en cas d’antécédents d’alcoolisme ou d’autres dépendances, médicamenteuses ou non.

  • Toute prescription doit préalablement écarter le risque de mésusage du patient en repérant les patients à risques de mésusage (addiction) à l’aide d’outils validés (Cf. Pour aller plus loin).
  • Les principales contre-indications sont à respecter lors de la prescription de benzodiazépines notamment : le syndrome de l’apnée du sommeil, la myasthénie, la dépression respiratoire sévère.

Données cliniques générales

Efficacité

L’efficacité des hypnotiques a été démontrée par rapport au placebo dans le traitement de l’insomnie principalement dans le cadre d’évaluations subjectives du sommeil. La quantité d’effet est faible, de l’ordre d’une vingtaine de minutes gagnée sur le temps d’endormissement. Cette efficacité a été essentiellement évaluée sur de courtes périodes (entre une nuit et 6 semaines). Le maintien d’une efficacité sur une prise à plus long terme n’a pas été démontré.

Les données ne permettent pas de conclure à une différence d’efficacité entre les molécules. Les études les ayant comparées entre elles sont pour la plupart anciennes et de faible qualité méthodologique.

Effets indésirables

Les principaux effets indésirables associés à l’usage des benzodiazépines et molécules apparentées sont des troubles de la mémoire, une baisse de vigilance voire une somnolence, des troubles du comportement et un risque accru de chutes en particulier chez le sujet âgé. Des données épidémiologiques ont montré une association entre la consommation de benzodiazépines et un risque de démence, de type Alzheimer. Il ne s'agit pas d'un lien causal mais d'une association.

L’utilisation de benzodiazépines expose à une augmentation possible de la somnolence et de l’altération des fonctions psychomotrices. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules. Les conducteurs de véhicules doivent être prévenus du risque possible de somnolence, d’allongement du temps de réaction, de vertiges, de torpeur, de vision floue ou double, et d’une diminution de la vigilance persistantes au matin suivant la prise du traitement.

L’exposition prolongée aux benzodiazépines et molécules apparentées expose à un risque de tolérance pharmacologique et de dépendance psychique et physique.

Les données ne permettent pas de conclure à une différence sur la survenue d’effets indésirables en fonction des caractéristiques pharmacocinétiques des produits.

 

 Intérêt clinique

Le service médical rendu* par les benzodiazépines hypnotiques et molécules apparentées est faible dans le traitement des troubles sévères du sommeil dans les cas suivants : insomnie occasionnelle, insomnie transitoire.

* Le service médical rendu par un médicament (SMR) correspond à son intérêt en fonction notamment de ses perforomances cliniques et de la gravité de la maladie traitée. La Commission de la Transparence de la HAS évalue le SMR, qui peut être important, modéré, faible ou insuffisant pour que le médicament soit pris en charge par la collectivité.

Pour aller plus loin