Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions médicales

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 25 janv. 2018 - Mis à jour le 27 nov. 2023

Cette recommandation de bonne pratique (RBP) porte sur les modalités de prise en charge de l’accouchement normal, respectueuses du rythme et du déroulement spontané de la naissance chez les femmes présentant un bas risque obstétrical.

Elles peuvent comprendre :

  • Soit un accompagnement de la physiologie de l’accouchement (soutien continu, prise en charge non médicamenteuse de la douleur…) ;
  • Soit des interventions techniques et médicales minimales, réduites aux données de la science (administration d’oxytocine pour accélérer le travail, anesthésie loco-régionale…) destinées à assurer le confort et la sécurité de la mère et de son enfant.

Selon les préférences des femmes et en fonction de l’évolution de la situation clinique de la mère et de l’enfant, il est possible de passer successivement de l’une à l’autre de ces modalités par choix ou par nécessité.

Les principaux objectifs et enjeux de cette RBP sont de :

  • Répondre à la demande des femmes quant à une prise en charge moins médicalisée de l’accouchement, en respectant son déroulement spontané ;
  • Améliorer et garantir la sécurité des soins de la mère et de son enfant ;
  • Harmoniser les pratiques, notamment dans les lieux dédiés à la physiologie.


Messages clés

  • Il est nécessaire d’informer les femmes et les couples afin de les aider à faire des choix éclairés et d’établir une discussion avec l’équipe soignante permettant de prendre en compte au mieux leurs préférences et leurs attentes (exprimées éventuellement dans un projet de naissance, compatible avec la sécurité, l’hygiène ou les protocoles établis), et de rendre ainsi  la femme actrice de son accouchement.
  • Primum non nocere : ces recommandations visent à abandonner les pratiques systématiques pour ne garder que celles qui sont scientifiquement justifiées.
  • L’accompagnement de la physiologie d’un accouchement normal nécessite une surveillance adaptée.
  • La prise en charge de la douleur par des moyens médicamenteux ou non médicamenteux est indispensable.
  • Paradoxalement, beaucoup de données manquent dans le champ de la physiologie de l’accouchement des femmes à bas risque obstétrical. Des moyens financiers et organisationnels sont à mettre en œuvre afin d’évaluer ces pratiques.


Femmes concernées

Sont concernées les femmes enceintes en bonne santé présentant un risque obstétrical bas durant le suivi de grossesse et avant l’accouchement sur le lieu de naissance. Les critères d’éligibilité des femmes concernées sont définis dans la recommandation de bonne pratique, publiée par la HAS en 2007, sur le suivi et l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées[1].

Sont exclues notamment les femmes présentant un utérus cicatriciel, une grossesse gémellaire, une  suspicion de retard de croissance ou un petits poids selon l’âge gestationnel, un diabète gestationnel, une présentation céphaliques défléchie et par le siège ; les accouchements prématurés. Le niveau de risque obstétrical est réévalué avant le début de l’accouchement. Chez une femme enceinte en bonne santé, le déroulement de l’accouchement peut être considéré comme normal aussi longtemps qu’il n’y a pas de complication. Dès qu’une complication survient, il convient d’appliquer les recommandations spécifiques.

 

[1] Haute Autorité de Santé. Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées. Mise à jour Mai 2016. Saint-Denis la Plaine: HAS; 2016.  


Définitions

Un accouchement normal débute de façon spontanée et ne s’accompagne que de faibles risques identifiés au début du travail. Cette situation (quant aux risques évalués en continu) perdure tout au long du travail et de l’accouchement. L’enfant nait spontanément en position du sommet entre 37 et 42 semaines d’aménorrhée. L’accouchement normal est confirmé par la normalité des paramètres vitaux de l'enfant et des suites de couches immédiates pour la mère. Il permet la mise en place dans un climat serein d’un certain nombre d’attentions favorisant le bien-être maternel et familial et l’attachement parents/enfant.

Les modalités de prise en charge de l’accouchement normal respectent le rythme et la physiologie du travail et de l’accouchement. L’accouchement normal exclue donc le déclenchement et se caractérise par un déroulement spontané qui peut s’accompagner, selon les préférences des femmes et en fonction de l’évolution de la situation clinique de la mère et de l’enfant, de l’une ou l’autre (voire successivement, par choix ou par nécessité) des modalités suivantes :

  • un accompagnement de la physiologie de l’accouchement, qui peut cependant inclure des interventions telles que l’amniotomie, l’antibioprophylaxie, l’administration prophylaxique d’oxytocine au 3e stade du travail ou encore la pose d’une voie veineuse ; 
  • des interventions techniques et médicamenteuses minimales réduites aux données de la science qui, lorsqu’elles sont nécessaires, sont destinées à assurer la sécurité et le confort de la mère et de l’enfant. Elles peuvent comprendre, par exemple, l’administration d’oxytocine pour accélérer le travail et l’analgésie locorégionale.

Les différents stade du travail

stades

 

Tableau 1. Accompagnement de la physiologie et interventions médicales possibles à l’admission et au cours du premier stade de l’accouchement normal

  Admission Premier stade du travail
Définition  

Début : 1res contractions régulières / Fin : dilatation cervicale complète

Passage de la phase de latence à la phase active : 5 - 6 cm de dilatation cervicale

Surveillance de la femme Il est recommandé de :

  • prendre connaissance du dossier de suivi de grossesse et de l’éventuel projet de naissance;

  • réaliser une anamnèse;

  • évaluer la fréquence, l’intensité et la durée des CU;

  • enregistrer la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la température et le résultat de la BU;

  • demander si la femme a eu un écoulement vaginal;

  • mesurer la HU et réaliser une palpation utérine;

  • proposer un TV si la femme semble être en travail.

Utiliser un partogramme au plus tard au début de la phase active, avec une échelle adaptée à l’histoire naturelle, sans lignes d’alerte / d’action.

En l’absence d’évènements intercurrents, il est recommandé :

  • d'évaluer la fréquence des CU toutes les 30 minutes et durant 10 min au cours de la phase active,

  • d'évaluer la fréquence cardiaque, la tension artérielle et la température toutes les 4h,

  • de surveiller et noter les mictions spontanées,

  • de proposer un TV toutes les 2 à 4h, avant si la patiente le demande, ou en cas de signe d’appel.

Adapter la surveillance en cas d’ALR ou d’aministration d’oxytocine pendant le travail.

Surveillance du RCF

S’assurer que la femme a perçu des mouvements fœtaux dans les 24 h avant l’admission (C).

Évaluer l’état initial de l’enfant à naître :

  • soit à l’aide d’une AI durant une contraction et immédiatement après, pendant au moins 1 min (à répéter plusieurs fois de suite si changement), en palpant le pouls maternel (un praticien par femme);
  • soit à l’aide d’un enregistrement continu par CTG pendant 20 min (à interpréter à l’aide d’une classification (cf. FIGO ou CNGOF).

Après avoir préalablement informée la femme des bénéfices / risques de chaque technique, laisser le choix à la femme d’une surveillance continue (par CTG), ou discontinue (par CTG ou AI) si les conditions d’organisation de la maternité et la disponibilité permanente du personnel le permettent (un praticien par parturiente en cas d’AI).

Surveillance discontinue pendant la phase active du 1er stade du travail : toutes les 15 min pendant la contraction et immédiatement après durant au moins 1 min (si AI au Doppler), en vérifiant le pouls maternel et lors de la survenue de tout évènement (avec un praticien par femme).

Surveillance en continue par CTG : interpréter à l’aide d’une classification (cf. FIGO ou CNGOF).

Assurer la traçabilité du RCF quel que soit le mode de surveillance.

Bien-être de la femme S’enquérir des souhaits / demandes et besoins physiologiques et émotionnels.  

Favoriser les appareils de monitorage permettant une mobilité et le confort des femmes.

Autoriser la consommation de liquides clairs (eau, thé sans lait / café noir sucrés ou non, boissons gazeuses ou non, jus de fruit sans pulpe) sans limitation de volume, chez les patientes ayant un faible risque d’anesthésie générale (B).

Ne pas autoriser la consommation d’aliments solides durant la phase active.

Mettre en œuvre les moyens humains et matériels nécessaires permettant aux femmes de changer régulièrement de position afin d’améliorer leur confort et de prévenir les complications neurologiques posturales.

Sous ALR la femme peut se mobiliser ou déambuler sous réserve de l’existence d’un protocole formalisé et spécifique incluant la traçabilité et la durée des postures, la surveillance et la prévention des compressions (C).

Interventions non médicamenteuses    

Faire bénéficier toutes les femmes d’un soutien continu, individuel et personnalisé, adapté à leur demande (B).

Accompagner les femmes dans leur choix en termes de moyens non médicamenteux souhaités (immersion, relaxation, acupuncture, hypnose ou massages) pour prendre en charge la douleur.

Interventions médicales possibles    

En phase active de travail, proposer une intervention si la vitesse de dilatation est inférieure à 1cm / 4h entre 5 et 7 cm ou inférieure à 1 cm /2 h au-delà de 7 cm :

  • en 1re intention, une amniotomie si les membranes sont intactes;

  • une administration d’oxytocine si les membranes sont déjà rompues et les CU jugées insuffisantes.

Antibioprophylaxie :

  • en cas de SGB + (B);

  • en cas de rupture des membranes à terme au-delà de 12 h sans mise en travail (A) ; surveillance à adapter et infection à rechercher (au minimum NFS, BU et prélèvement vaginal).

Prise en charge médicamenteuse de la douleur Évaluer la douleur à l’aide d’une échelle validée (type EVA, ENS) et proposer différents moyens de la soulager.  

La demande d’une analgésie est guidée par l’intensité  de la douleur ressentie : évaluer la douleur à l’aide d’une échelle validée (type EVA, ENS).

Offrir aux femmes qui le souhaitent une technique d’ALR (méthode la plus sûre et la plus efficace), sans limite de dilatation cervicale minimale exigée (A). Proposer une analgésie faible dose pour respecter le vécu de l’accouchement en limitant le bloc sensitivomoteur, et favoriser la mobilité (faible concentration d’anesthésique local associé à des morphiniques liposolubles et/ou clonidine) (A). L’ALR faible dose n’induit pas d’excès d’extraction instrumentale, ni de césarienne, ni d’effet secondaire pour le fœtus et le nouveau-né.

Ne pas administrer systématiquement un remplissage vasculaire (grade B). Entretenir l’ALR préférentielle- ment au moyen d’une pompe d’auto-administration par la femme (A). Proposer une rachianalgésie faible dose ou une rachianalgésie combinée à une péridurale pour obtenir une analgésie plus rapide sans bloc moteur si la dilatation cervicale est trop avancée (C).

Alternatives à l’ALR en cas de contre-indication, d’échec ou de refus de celle-ci, d’indisponibilité d’accès ou dans l’attente de celle-ci (phase de latence hyperalgique et si la femme est demandeuse) : MEOPA, opiacés, bloc honteux.

 

AI : auscultation intermittente ; ALR : analgésie locorégionale ; BU : bandelette urinaire ; CNGOF : collège national des gynécologues obstétriciens fran- cophones ; CTG : cardiotocographie ; CU : contraction utérine ; ENS : échelle numérique simple ; EVA : échelle visuelle analogique ; FIGO : International Federation of Gynecology and Obstetrics ; HU : hauteur utérine ; MEOPA : mélange équimolaire oxygène protoxyde d'azote ; NFS : numération formule sanguine ; RCF : rythme cardiaque fœtal ; SGB : streptocoque du groupe B ; TV : toucher vaginal.

 

Tableau 2. Accompagnement de la physiologie et interventions médicales possibles au cours du deuxième et troisième stade de l’accouchement normal

  Deuxième stade du travail
Troisième stade du travail
Définition  

Début : dilatation cervicale complète
Fin : naissance de l’enfant

Phase de descente / phase d’expulsion

Début : naissance de l’enfant
Fin : délivrance
Surveillance de la femme

En l’absence d’événements intercurrents :

  • poursuivre l’utilisation du partogramme;

  • évaluer la fréquence cardiaque, la tension artérielle et la température toutes les heures;

  • évaluer la fréquence des CU toutes les 30 minutes et durant 10 minutes;

  • surveiller et noter les mictions spontanées;

  • proposer un TV toutes les heures.

  • Surveillance rapprochée de la mère pendant le 3e stade et les deux heures suivant l’accouchement : mesurer à intervalle régulier le pouls, la tension artérielle, les saignements et le globe utérin.

  • Laisser à l’appréciation des équipes en salle de naissance l’utilisation systématique d’un sac de recueil pour la quantification des pertes sanguines.

Surveillance du RCF Laisser le choix aux praticiens et aux femmes entre l’AI toutes les cinq minutes (avec un praticien par femme), et l’enregistrement continu du RCF par CTG (à interpréter à l’aide d’une classification, cf.  FIGO ou CNGOF). Cf. Fiche mémo sur l’accueil du nouveau-né en salle de naissance (2017).
Bien-être de la femme Idem 1er stade du travail.  Cf. Fiche mémo sur l’accueil du nouveau-né en salle de naissance (2017).
Interventions non médicamenteuses  Idem 1er stade du travail. Informer les femmes qu’une délivrance, sans recours à l’administration d’agents utérotoniques, augmente le risque d’HPP > 500 ml et de transfusion maternelle, ainsi que la durée de la délivrance, y compris chez les femmes à bas risque.
Interventions médicales possibles  Idem 1er stade du travail. En cas de gestes endo-utérins ou périnéaux, proposer une rachianalgésie faible dose ou une rachianalgésie combinée à une péridurale chez les femmes sans analgésie, voire renforcer l’ALR déjà établie si besoin.
Prise en charge médicamenteuse de la douleur

 

  • Interventions médicales possibles mais non systématiques :

    • aminiotomie (membranes le plus souvent déjà rompues);

    • administration d’oxytocine (au bout de deux heures à dilatation complète si la patiente ne ressent pas d’envie de pousser et que la présentation n’a pas atteint le détroit moyen, en cas de dynamique utérine jugée insuffisante);

    • rotation manuelle de la tête fœtale des variétés postérieures et transverses (en cas de prolongation du 2e stade);

    • incitation ou direction des efforts expulsifs;

    • extraction instrumentale;

    • épisiotomie;

    • césarienne.
  • Ne pas débuter les efforts expulsifs dès l’identification d’une dilatation complète mais laisser descendre la présentation du fœtus (A).
  • Afin de diminuer la durée des efforts expulsifs et le taux de naissance opératoire (césarienne ou extraction instrumentale), et si les états maternel et fœtal le permettent, débuter les efforts expulsifs en cas d’envie impérieuse maternelle de pousser ou lorsque la présentation a atteint au moins le détroit moyen.

  • Laisser pousser la femme de la manière qui lui semble la plus efficace.

  • Ne pas recourir à l’expression abdominale (B).

  • Pas de données suffisantes pour recommander : ni la technique de dégagement de la tête fœtale, ni l’accompagnement du mouvement de rotation de restitution de la tête fœtale, ni l’application de compresses chaudes. La manœuvre de Ritgen (B) et la pratique de massage périnéal (C) ne sont pas recommandées.

  • Ne pas utiliser en systématique un échographe en salle de naissance pour déterminer l’orientation de la présentation (B).

  • Informer le gynécologue-obstétricien en cas de non progression du fœtus après deux heures de dilatation complète avec une dynamique utérine suffisante.

 
  • Pour tous les accouchements par voie basse, administrer de l’oxytocine afin de diminuer l’incidence des HPP (A), au moment du dégagement des épaules ou dans les minutes qui suivent la naissance, sinon après la délivrance (B). Pas de traitement d’entretien systématique par oxytocine recommandé après un accouchement par voie basse.

  • Pour prévenir le risque d’HPP après un accouchement par voie basse, pas d’efficacité démontrée pour aucun des gestes suivants : vidange systématique de la vessie, moment particulier de clampage du cordon (B), drainage systématique du cordon, traction contrôlée du cordon (grade A), mise au sein précoce (C), massage utérin systématique (A).

  • Pas de position particulière pendant le travail ou la délivrance à recommander pour prévenir l’HPP.

  • En cas de rétention placentaire, l’administration d’oxytocine par voie intrafuniculaire ou par voie IV ou IM n’est pas efficace. Pratiquer alors une délivrance artificielle (A).

  • En l’absence de saignements, réaliser la délivrance artificielle à partir de 30 minutes suivant la naissance, sans dépasser 60 minutes.

 

AI : auscultation intermittente ; ALR : analgésie locorégionale ; CU : contraction utérine ; HU : hauteur utérine ; BU : bandelette urinaire ; CNGOF : collège national des gynécologues obstétriciens francophones ; CTG : cardiotocographie ; FIGO : International Federation of Gynecology and Obstetrics ; HPP : hémorragie du post-partum ; IM : intra-musculaire ; IV : intra-veineuse ; RCF : rythme cardiaque fœtal ; TV : toucher vaginal.

 

Grade des recommandations

A B C D

Preuve scientifique établie

Présomption scientifique

Faible niveau de preuve

Accord d’experts




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