Évaluation des dimensions clinique et organisationnelle de la chirurgie robot-assistée dans le cadre d’une prostatectomie totale

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Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 22 déc. 2016

Parmi les différents traitements chirurgicaux des cancers localisés de la prostate, la chirurgie laparoscopique robot-assistée a eu un essor considérable. En France, le nombre d’établissements de santé équipés en robot chirurgical est passé de 39 en 2011 à 84 en 2015. Près de 40 % des prostatectomies totales seraient réalisées avec assistance robotique en 2015. En France, comme dans tous les pays concernés, cette diffusion s’est faite sans études pour valider cette nouvelle technologie ni règle d’organisation en termes de qualité et d’accès aux soins.

C’est pourquoi en réponse à une demande d’évaluation de la DGOS en vue de sa prise en charge par la collectivité et afin de permettre une information aux patients claire et objective, la HAS a réalisé une analyse critique de l’ensemble des données disponibles avec pour objectifs :

  • d’évaluer scientifiquement l’efficacité et la sécurité de cette technologie ;

  • de définir les modalités d’organisation et les impératifs de formation ;

  • de préciser le cas échéant quelles données manquantes à court ou long termes nécessiteraient d’être colligées.

L’analyse réalisée permet d’établir les constats suivants :

  • en termes d’efficacité, il n’existe pas de données sur la survie globale de la prostatectomie totale par chirurgie robot-assistée. L’exérèse chirurgicale de la prostate, qu’elle soit réalisée en chirurgie ouverte, par voie cœlioscopique conventionnelle ou robot-assistée, entraine fréquemment des incontinences urinaires et des dysfonctions érectiles susceptibles d’être durables ;

  • sur le plan des critères intermédiaires carcinologiques, il n’existe pas de données sur la survie sans progression. L’hétérogénéité des résultats disponibles ne permet pas de conclure quant à une amélioration ou une diminution des taux de marges chirurgicales positives ou de la récidive biologique avec la prostatectomie robot-assistée comparativement aux autres modalités ;

  • en termes de sécurité, l’analyse du faible nombre d’études comparatives rigoureuses disponibles n’a identifié aucun argument quant à un sur-risque d’effets indésirables graves lors d’une prostatectomie totale robot-assistée. L’exérèse chirurgicale de la prostate, qu’elle qu’en soit la modalité de réalisation est une intervention hémorragique. Les données disponibles s’accordent sur des pertes sanguines significativement plus faibles lors d’une prostatectomie totale robot-assistée comparativement à celle par chirurgie ouverte.

Ainsi, malgré un recul de 15 ans, le faible nombre de données probantes disponibles n’apportent pas d’argument en faveur de la supériorité ou de la non-infériorité de la prostatectomie totale robot-assistée par rapport aux techniques chirurgicales existantes notamment la laparoscopie conventionnelle.

L’analyse montre également que l’introduction de la prostatectomie totale robot-assistée implique des contraintes organisationnelles importantes pour les établissements de santé, notamment sur les plans :

  • de la gestion et maîtrise des risques compte tenu de l’environnement complexe ;

  • de la gestion et traitement des instruments chirurgicaux (nécessité d’un circuit logistique dédié et d’une stérilisation à basse température sur site);

  • de l’architecture du bloc opératoire (nécessité de disposer d’une superficie suffisante et d’une ergonomie pour permettre la circulation aisée de l’équipe et de l’anesthésiste. Si le bloc n’est pas dédié à la chirurgie robotique, il est nécessaire de disposer d’un espace supplémentaire pour le rangement du robot) ;

  • de la formation initiale et continue de l’ensemble de l’équipe chirurgicale (la courbe d’apprentissage de la prostatectomie robot-assistée serait plus rapide que celle de la prostatectomie par cœlioscopie conventionnelle, mais sans pouvoir être quantifiée).

Compte tenu de ces éléments, la HAS considère que la chirurgie robot-assistée représente une modalité possible de prostatectomie totale lors du traitement d’un cancer de la prostate localisé, si elle est réalisée selon les conditions et préconisations énoncées ci-après.

  • La HAS considère que des études prospectives comparatives bien menées et un suivi à long terme des patients demeurent nécessaires. Par ailleurs, la HAS souligne la nécessité d’un suivi de la pratique de l’activité robot-assistée par la mise en place de registre dédié. Dans tous les cas, les critères de jugement (notamment fonctionnels et carcinologiques) doivent être standardisés.

  • La HAS préconise la mise en place d’un système d’assurance qualité de procédures dédiées à la chirurgie robot-assistée au sein des établissements de santé afin de standardiser les processus organisationnels, notamment la gestion des effets indésirables graves, le traitement et la gestion des instruments chirurgicaux, le circuit de stérilisation, la planification du bloc opératoire, le protocole de prise en charge en cas d’urgence cardiorespiratoire.

  • La HAS recommande également de standardiser le contenu des formations initiale et continue de l’équipe chirurgicale. Par ailleurs, la HAS s’interroge sur la composition de l’équipe chirurgicale qui, au vu des données collectées, semble être différente selon les établissements de santé et elle estime nécessaire qu’une réflexion sur le sujet soit engagée par les professionnels de santé, notamment sur la qualification de l’aide-opératoire.

  • La HAS préconise que le choix entre les différentes modalités de prostatectomie totale repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et le patient. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale des patients sur l’ensemble des techniques disponibles et sur les incertitudes relatives à la valeur ajoutée de l’acte de prostatectomie totale robot-assistée ainsi que sur le suivi des patients traités notamment sur le long terme.

Enfin, pour les autres indications, la HAS rappelle que toute revendication d’une valeur ajoutée de la chirurgie robot-assistée ne pourra être considérée que s’il existe des études cliniques comparatives de bonne qualité méthodologique.

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