Prise en charge de la drépanocytose chez l'enfant et l'adolescent

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 01 sept. 2005 - Mis à jour le 19 juil. 2006

Préciser les modalités de prise en charge, depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte, d’un enfant porteur d’un syndrome drépanocytaire majeur. Les questions traitées sont :

  1. Principes généraux de la prise en charge
  2. Prise en charge médicale (hors complications), psychologique, sociale et prise en compte du contexte culturel
  3. Traitement préventif et curatif des complications de la drépanocytose
  4. Indications des traitements « majeurs » (programmes transfusionnels, hydroxyurée, allogreffe de moelle osseuse)

 

Introduction

Définitions

La drépanocytose est une maladie génétique de transmission autosomique récessive liée à une anomalie de structure de l’hémoglobine qui aboutit à la formation d’hémoglobine S (HbS).

Elle associe trois grandes catégories de manifestations cliniques, liées :

  • à l’anémie hémolytique chronique ;

  • aux phénomènes vaso-occlusifs ;

  • à la susceptibilité extrême à l’infection,

avec une grande variabilité d’expression clinique selon les individus atteints.

Sous le terme de syndrome drépanocytaire majeur sont regroupées les manifestations cliniques observées en cas :

  • d’homozygotie SS ;

  • de double hétérozygotie SC, SD Punjab, Sb thalassémique, SO Arab.

Les porteurs du trait S (patients hétérozygotes AS) sont asymptomatiques.

 

Thème des recommandations

Les recommandations concernent la prise en charge et le suivi, de la naissance jusqu’à l’âge adulte, des enfants chez lesquels un syndrome drépanocytaire majeur a été dépisté à la naissance.

Un dépistage ciblé de la drépanocytose chez les nouveau-nés originaires des pays ou des régions à forte prévalence de la maladie a été généralisé à l’ensemble du territoire national, DOM/TOM et France métropolitaine, en 1999. Malgré la mise en place de ce dépistage, le diagnostic peut être fait à l’occasion d’une complication et est à suspecter chez un enfant originaire d’une zone de forte prévalence.

Ces recommandations sont destinées  à tous les professionnels  de santé susceptibles de prendre en charge ces enfants.
Elles ont été élaborées sous l’égide de l’Anaes à la demande de la Direction générale de la santé.

 

Gradation des recommandations

Selon le niveau de preuve des études sur lesquelles elles sont fondées, les recommandations sont classées en grade A, B, ou C selon les modalités suivantes :

  • une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études de fort niveau de preuve, par exemple des essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur et/ou méta- analyse d’essais contrôlés randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées ;

  • une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve, par exemple essais comparatifs randomisés de faible puissance, études comparatives non randomisées bien menées, études de cohorte ;

  • une recommandation de grade C est fondée sur des études de moindre niveau de preuve, par exemple études cas-témoins, séries de cas.

En l’absence de précision sur le grade, les recommandations sont fondées sur un accord professionnel au sein du groupe de travail et du groupe de lecture.

 

Principes généraux de prise en charge

Il est recommandé qu’un réseau de soins soit organisé autour de l’enfant. Il comprend, par exemple :

  • le médecin et les puéricultrices de PMI, le médecin de crèche, puis le médecin et les infirmiers scolaires ;
  • le pédiatre ou le médecin généraliste traitant ;
  • le médecin correspondant du centre hospitalier de proximité de l’enfant ;
  • les médecins et les infirmiers spécialisés, c’est-à-dire appartenant aux services hospitaliers prenant en charge la drépanocytose.

Pour les nouveau-nés et les nourrissons, les puéricultrices de secteur peuvent être les intermédiaires entre les différents membres du réseau et, par leur connaissance des familles dans leur environnement, être les premiers relais de cette collaboration.

Tous les intervenants dans ce réseau doivent assurer la continuité de la prise en charge et faire circuler l’information entre eux, grâce au carnet de santé, avec l’accord des parents et dans le respect du secret médical.

Il est recommandé que le carnet de santé mentionne :

  • le diagnostic ;
  • les données de l’hémogramme et la numération des réticulocytes ;
  • le groupe sanguin (au mieux, la carte de groupe est jointe) ;
  • les autres données du bilan annuel ;
  • le dosage de G6PD ;
  • la taille de la rate ;
  • les traitements quotidiens ;
  • les coordonnées du médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

Consultation de confirmation du diagnostic chez le nouveau-né dépisté

Cette consultation entre les parents du nouveau-né dépisté et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose a pour but :

  • d’expliquer aux parents que leur enfant a été dépisté comme porteur d’une hémoglobinopathie, mais que cela demande à être confirmé ;
  • d’expliquer la physiopathologie de la maladie ;
  • de réaliser une étude de l’hémoglobine :
    • chez l’enfant, pour confirmer le diagnostic,
    • chez les deux parents.

Une enquête familiale avec dépistage de la fratrie est recommandée du fait du caractère encore récent de la systématisation du dépistage néonatal.

Première consultation de suivi après confirmation du diagnostic

Cette consultation entre les parents du nouveau-né dépisté et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose a pour but :

  • d’examiner le nouveau-né, l’examen à 2 mois est le plus souvent normal ;
  • d’organiser avec les parents les modalités de la prise en charge médicale et sociale de l’enfant ; l’assistante sociale et le/la psychologue du service peuvent être présentés dès cette 1re consultation, même si les parents ne font appel à eux qu’ultérieurement ;
  • de remettre des documents d’informations sur la drépanocytose et d’informer les parents de l’existence d’associations de parents d’enfants drépanocytaires ;
  • d’expliquer aux parents les signes cliniques de l’enfant qui doivent les amener à consulter en urgence (cf. Éducation thérapeutique des parents) ;
  • de débuter les vaccinations (cf. Calendrier vaccinal) ;
  • de débuter l’antibioprophylaxie antipneumococcique (cf.Prophylaxie antibactérienne : prévention des infections à pneumocoque) ;
  • de récupérer les sérologies VIH, VHC et VHB de la mère.

Le bilan recommandé lors de cette première consultation comprend :

  • un hémogramme ;
  • une numération des réticulocytes ;
  • un groupe sanguin avec phénotypage étendu, à répéter entre l’âge de 6 mois et 1 an ou 3 mois après transfusion pour permettre l’établissement de la carte de groupe qui ne sera définitive qu’après l’âge de 1 an et dont un exemplaire sera remis aux parents ;
  • un dosage de G6PD ;
  • un dosage du fer sérique et de la capacité totale de fixation de la transferrine.

Ce bilan nécessite un prélèvement volumineux (5 ml) dont la nécessité doit être expliquée aux parents. Il est recommandé de prévenir la douleur liée au prélèvement par une application de crème associant lidocaïne-prilocaïne sur le site de ponction.

Conseil génétique

La possibilité d’un diagnostic prénatal lors des futures grossesses est à évoquer avec les parents, hors de la présence de l’enfant, en tenant compte des références culturelles et/ou religieuses de la famille. Le diagnostic prénatal fait l’objet d’une consultation de génétique spécifique.

Il est recommandé d’expliquer aux parents la distinction entre un enfant porteur du trait S ou porteur sain (hétérogygote AS) et un enfant porteur d’un syndrome drépanocytaire majeur et de ne pas hésiter à répéter ces explications.

Rythme de surveillance

Rythme de surveillance clinique

Les visites de surveillance, les vaccinations, la surveillance de la croissance, les conseils en matière de médecine préventive doivent être identiques à ceux de la population pédiatrique générale. Le rythme des visites médicales durant les 2 premières années doit suivre le calendrier vaccinal. Au-delà, selon les possibilités, un rythme trimestriel est recommandé.

Une prise en charge spécifique à la drépanocytose est à ajouter. Il est recommandé qu’elle s’intègre dans la prise en charge pédiatrique générale après concertation entre le médecin traitant et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

Rythme de surveillance paraclinique

Il est recommandé, une fois par an, un bilan qui peut être fait en hôpital de jour pour dépister et traiter précocement certaines complications spécifiques de la maladie.
Son contenu varie selon l’âge de l’enfant et le contexte clinique.

Le bilan annuel peut comprendre :

  • un bilan biologique : hémogramme, numération des réticulocytes, dosage de l’hémoglobine foetale, fer sérique, capacité totale de fixation de la transferrine, calcémie, phosphorémie, ionogramme sanguin, bilan hépatique (transaminases, gamma GT, bilirubine totale et conjuguée), sérologie érythrovirus (parvovirus) B 19 jusqu’à positivation, dosage des anticorps anti-HbS pour vérifier l’efficacité de la vaccination, microalbuminurie ;
  • une recherche d’agglutinines irrégulières, des sérologies VIH et VHC pour les enfants ayant un antécédent transfusionnel (le bilan annuel permet une ré-évaluation du dossier transfusionnel) ;
  • à partir de 12-18 mois : une échographie-Doppler transcrânienne ;
  • à partir de 3 ans : une échographie abdominale, une radiographie de thorax ;
  • à partir de 6 ans : une radiographie de bassin, une échographie cardiaque ;
  • à partir de 6 ans chez les enfants SC et 10 ans chez les enfants SS : un bilan ophtalmologique avec un ophtalmologiste expert en pathologie rétinienne.

Éducation thérapeutique et information de l’entourage

Éducation thérapeutique des parents

Il est recommandé d’expliquer aux parents les facteurs favorisant les crises vaso-occlusives douloureuses :

  • hypoxie : effort excessif et inhabituel, altitude (à partir de 1 500 m environ), vêtements trop serrés, etc. ;
  • refroidissement : bain en eau froide, etc. ;
  • fièvre ;
  • déshydratation : vomissements, diarrhée, etc. ;
  • stress ;
  • prises d’excitants, d’alcool, de tabac ou de drogues illicites (plus chez l’adolescent que chez l’enfant).

Il est recommandé de leur rappeler la nécessité d’une hydratation abondante (« l’enfant doit garder les urines aussi claires que possible »).

Il est recommandé de leur apprendre à être attentifs :

  • à l’apparition d’une fièvre ;
  • et aux changements de comportement de leur enfant (irritabilité, pleurs incessants, perte d’appétit, etc.)

qui peuvent révéler une crise vaso-occlusive débutante ou une autre complication, et à ne pas hésiter à consulter dans ces cas-là.

Il est recommandé d’éduquer les parents à la prise en charge initiale d’une crise vaso-occlusive douloureuse (cf. Traitement antalgique à domicile).

Il est recommandé de leur apprendre à reconnaître les signes suivants qui imposent une consultation en urgence :

  • une douleur qui ne cède pas au traitement antalgique initial (cf. Traitement antalgique à domicile) ;
  • une fièvre supérieure à 38,5 °C (cf. Conduite à tenir devant une fièvre isolée) ;
  • des vomissements ;
  • des signes d’anémie aiguë, c’est-à-dire l’apparition brutale :
    • d’une pâleur (conjonctives, paumes des mains et plantes des pieds),
    • d’une fatigue,
    • d’une altération de l’état général ;
  • une augmentation brutale du volume de la rate (pour les parents qui souhaitent être entraînés à palper la rate de leur enfant) ou du volume de l’abdomen ;
  • et pour les parents de garçons, un priapisme qui ne cède pas afievreu traitement initial (cf. Priapisme).

Il est recommandé de mettre au point, en accord avec les parents, un « circuit d’urgence » et de leur remettre un document écrit récapitulant ce circuit.

L’importance d’apporter le carnet de santé à chaque consultation ou hospitalisation de l’enfant, et de l’emporter lors de chaque voyage, est à expliquer et à rappeler aux parents.

Les associations de patients ou de parents d’enfants drépanocytaires ont un rôle à jouer dans cette information et cette éducation.

Éducation thérapeutique des enfants

Une éducation thérapeutique est à proposer à l’enfant. Elle a pour but de lui permettre de se familiariser avec la prise en charge de sa maladie. Elle est à adapter à l’âge de l’enfant et aux caractéristiques cliniques du syndrome drépanocytaire majeur.

Information et éducation des enseignants

Une information sur la drépanocytose est à communiquer aux personnes impliquées dans l’éducation de ces enfants et aux enseignants dès l’entrée en maternelle, avec l’accord des familles et dans le respect du secret médical.
Un projet d’accueil individualisé (PAI) de l’enfant en milieu scolaire est à élaborer. Il précise les modalités de la vie quotidienne et les conditions d’intervention d’ordre médical au sein de l’école (cf. Scolarité et orientation professionnelle).

Aspects psychologiques, culturels, ethnologiques

Le retentissement psychologique, individuel et familial, de la drépanocytose est à prendre en compte par l’ensemble des intervenants dans la prise en charge de l’enfant drépanocytaire. Les réseaux de soins psychologiques et psychiatriques habituels (psychologues ou psychiatres des services de pédiatrie ou d’hématologie, services de pédopsychiatrie, intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile, etc.) sont à solliciter si besoin.
Les aspects culturels doivent aussi être l’objet d’attention, la drépanocytose atteignant, en France, le plus souvent des migrants ou des enfants de migrants.

Dans certaines situations, il peut être indiqué d’avoir recours à des interprètes, des médiateurs ou à des consultations de psychiatrie transculturelle.
Le recours des parents aux tradipraticiens ne doit pas compromettre la prise en charge recommandée.

Aspects sociaux

Un contact avec l’assistante sociale du service de pédiatrie spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose est à proposer aux parents dès le début du suivi. Il a pour but d’évaluer les besoins sociaux de la famille.
Le syndrome drépanocytaire majeur est pris en charge par l’assurance maladie à 100 % dès le diagnostic posé.

Régime alimentaire, supplémentation nutritionnelle et hydratation

L’allaitement maternel est recommandé comme dans la population générale. En l’absence d’allaitement maternel, n’importe quel lait maternisé peut être proposé.

Les supplémentations en oligo-éléments sont à proposer selon le contexte clinique :

  • une supplémentation quotidienne en acide folique (5 mg/j) est recommandée ;
  • une supplémentation quotidienne en zinc (10 mg de zinc/élément) peut être proposée en période prépubertaire car elle aurait un bénéfice sur la croissance staturo-pondérale (grade C) ;
  • une supplémentation en fluor et en vitamine D est donnée, selon les recommandations pour la population pédiatrique générale, en prévention de la carie dentaire et du rachitisme ;
  • une supplémentation martiale n’est pas recommandée en l’absence d’une carence avérée, du fait de la surcharge en fer liée aux transfusions potentielles de l’enfant drépanocytaire.

Une hydratation abondante est nécessaire. Elle doit être sans restriction et encouragée continuellement. Il est recommandé que les parents, puis l’enfant, soient informés que celui-ci doit boire jusqu’à « garder les urines aussi claires que possible ».

Mode de vie

Mode de garde de l’enfant préscolaire

Il n’y a pas d’arguments pour contre-indiquer la collectivité à un enfant drépanocytaire. Les parents sont encouragés à prévenir du diagnostic les personnes qui prennent en charge leur enfant mais sont aussi informés de leur droit au secret médical.

Scolarité et orientation professionnelle

Il est recommandé de tenir compte de la fatigabilité liée à la drépanocytose et d’apprécier les difficultés scolaires, afin de mettre en place un soutien scolaire dès qu’il est nécessaire.
Il est recommandé que les adolescents drépanocytaires bénéficient d’une orientation professionnelle qui leur permette d’éviter les efforts physiques excessifs et l’exposition au froid.

Activité sportives et de loisirs, voyages

Les enfants d’âge scolaire peuvent participer aux activités sportives avec une autorisation de repos en cas de fatigue et la possibilité de boire sans restriction. Les risques liés à l’endurance doivent être expliqués.
La pratique du sport de compétition, du sport en apnée et de la plongée sous-marine est contre-indiquée.
La baignade en eau froide est contre-indiquée. Elle est autorisée dans une eau dont la température est supérieure à 25 °C, à condition que l’enfant sorte du bain au moindre signe de refroidissement et qu’il soit réchauffé dès sa sortie du bain.

Il est recommandé pour les voyages :

  • en avion pressurisé, de s’habiller chaudement pour éviter d’avoir froid à cause de l’air conditionné à bord, d’éviter les vêtements serrés, de boire abondamment et de bouger autant que possible ;
  • en bus, voiture ou train, de prévoir des temps de repos et des boissons abondantes.

En cas de voyage à l’étranger, il est recommandé de rappeler aux parents la nécessité de consulter le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose au moins 3 mois avant leur départ pour la réalisation des vaccins nécessaires (cf. Calendrier vaccinal).

Un voyage d’une durée supérieure à 1 mois dans un pays en voie de développement n’est pas recommandé.
Il est proposé que le médecin spécialisé indique le nom d’un correspondant sur place, quand il existe.
Quels que soient la durée et le lieu du séjour, il est recommandé de rappeler aux parents la nécessité d’emporter avec eux le carnet de santé de l’enfant.

Aspects particuliers à l’adolescence

Cette transition pour être réussie passe par une réappropriation de la maladie par l’adolescent :

  • la consultation peut se dérouler en tête à tête ;
  • de nouvelles explications sur la maladie sont à fournir ;
  • le rôle des facteurs déclenchants des crises vaso-occlusives tels que les excitants, l’alcool, le tabac ou les drogues illicites doit être ré-expliqué aux adolescents ;
  • les thèmes de la sexualité, de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, de la contraception et du conseil génétique sont à aborder ;
  • les filles doivent être informées des risques particuliers liés à la grossesse chez une femme drépanocytaire (les modalités de la contraception pour une adolescente drépanocytaire sont les mêmes que pour toute adolescente).

Les adolescents peuvent considérer leur médecin traitant comme trop proche de leurs parents et peuvent être gênés dans leur liberté d’expression. Il peut être nécessaire d’orienter ces patients vers des médecins habitués à la prise en charge des adolescents.

Une transition en service adulte nécessite d’être programmée en tenant compte des éléments clés suivants :

  • le moment : l’âge idéal n’est pas le même pour tous et dépend à la fois de l’état de croissance staturo-pondérale et pubertaire de l’adolescent et de son état de santé. La transition ne doit pas être proposée tant que l’adolescent n’a pas complètement terminé sa croissance et idéalement tant qu’il n’est pas dans une situation clinique stabilisée ;
  • le degré d’autonomie : le transfert en service adulte ne peut être efficace si l’adolescent n’a pas acquis une capacité à gérer sa maladie en dehors de ses parents et de son équipe de soins, de ce fait, la préparation doit débuter bien en amont du transfert ;
  • la coordination du procédé de transfert :
    • une visite en centre adulte peut être organisée et une double prise en charge pédiatrique-adulte transitoire instituée, au maximum pour quelques mois,
    • une attention particulière est à apporter au transfert du dossier du patient, une synthèse des points importants peut être préférée au transfert du dossier complet ;
  • un service adulte ayant des compétences et un intérêt pour la maladie drépanocytaire ;
  • la participation du médecin traitant : dans cette période « à risque », il peut être le seul élément de continuité des soins et son rôle est alors déterminant.

Prévention des infections

Prophylaxie antibactérienne : prévention des infections à pneumocoque

Une antibioprophylaxie antipneumococcique par pénicilline V est recommandée chez l’enfant atteint de drépanocytose SS (grade A) :

  • à partir de l’âge de 2 mois jusqu’à l’âge d’au moins 5 ans ;
  • à la posologie de 100 000 UI/kg/jour jusqu’à 10 kg puis 50 000 UI/kg/jour de 10 à 40 kg ;
  • en 2 prises.

Malgré l’absence de preuve dans la littérature, cette recommandation est applicable chez l’enfant atteint de drépanocytose SC et Sβ thalassémique.

L’âge d’arrêt définitif n’est pas à ce jour défini. En cas de fièvre après l’arrêt de l’antibioprophylaxie, il est recommandé de prescrire un antibiotique bactéricide sur le pneumocoque.
Les allergies vraies à la pénicilline sont exceptionnelles. Dans ce cas, il est recommandé de discuter des modalités de l’antibioprophylaxie avec un infectiologue pédiatre.

L’importance de cette antibioprophylaxie pour la maîtrise du risque infectieux doit être soulignée à chaque consultation ou visite médicale afin de diminuer la non-compliance progressive au traitement.

 

Autre antibioprophylaxie

Une antibioprophylaxie identique à celle utilisée en prévention de l’endocardite infectieuse est recommandée en cas de soins dentaires particuliers : soins endodontiques (traitement des dents à pulpe vitale, traitement des dents à pulpe non vitale y compris la reprise de traitement canalaire), soins prothétiques à risque de saignement et tous les actes chirurgicaux.

 

Calendrier vaccinal

Il est recommandé chez les enfants drépanocytaires la protection vaccinale prévue selon le calendrier vaccinal (remis à jour chaque année) contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les infections à Haemophilus inflenzae de type B, la rubéole, les oreillons, la rougeole, la tuberculose et l’hépatite B.


De plus il est recommandé les vaccinations suivantes :

  • antipneumococcique (vaccin conjugué heptavalent chez les enfants de moins de 2 ans, vaccin polyosidique 23 valent chez les plus de 2 ans avec un rappel tous les 3 à 5 ans) (grade B) ;
  • antigrippale annuelle en période hivernale, à partir de 6 mois ;
  • antiméningococcique, à partir de 2 mois (vaccin méningococcique C conjugué entre 2 mois et 2 ans, au-delà, vaccin polysaccharidique tétravalent A,C,Y,W135 ou vaccin méningococcique polyosidique A+C) ;
  • contre l’hépatite A à partir de 1 an pour les voyageurs en zone d’endémie ;
  • contre la typhoïde à partir de 2 ans pour les voyageurs en zone d’endémie.

Aucun vaccin ne dispense de l’antibioprophylaxie.

Traitement des complications

Signes cliniques imposant une consultation en urgence

Les signes cliniques qui peuvent révéler une complication nécessitant un traitement urgent sont les suivants :

  • une douleur qui ne cède pas au traitement antalgique initial (cf.Traitement antalgique à domicile) ;
  • une fièvre supérieure à 38,5 °C (cf. Conduite à tenir devant une fièvre isolée) ;
  • des vomissements ;
  • des signes d’anémie aiguë, c’est-à-dire l’apparition brutale :
    • d’une pâleur (conjonctives, paumes des mains et plantes des pieds),
    • d’une fatigue,
    • d’une altération de l’état général ;
  • une augmentation brutale du volume de la rate ou du volume de l’abdomen ;
  • un priapisme qui ne cède pas au traitement initial (cf. Priapisme).

Il est recommandé d’être particulièrement vigilant aux signes d’anémie aiguë et/ou à l’augmentation de volume de la rate ou de l’abdomen car ils peuvent révéler une séquestration splénique aiguë qui est une urgence vitale (cf. Séquestration splénique aiguë ).

 

Crise douloureuse vaso-occlusive

Traitement antalgique à domicile

Des boissons plus abondantes qu’à l’habitude sont recommandées dès la survenue d’une crise douloureuse. Une bouillotte sur la zone douloureuse peut être utile. L’application de froid est contre-indiquée.

Il est recommandé :

  • une première prise de paracétamol par voie orale (30 mg/kg ou 1 g chez l’adolescent de plus de 12 ans), si cette première prise est efficace, elle est à renouveler toutes les 6 heures à la dose de 15 mg/kg ou de 500 mg chez l’adolescent de plus de 12 ans ;
  • en cas de persistance de la douleur, après 30 à 45 minutes, l’ibuprofène (10 mg/kg/dose) ou un autre anti-inflammatoire non stéroïdien (en fonction de l’âge de l’enfant et des habitudes du prescripteur) par voie orale peut être associé au paracétamol, si cette première prise est efficace, elle est à renouveler toutes les 6 ou 8 heures, selon la molécule et la forme galénique utilisée, en poursuivant le paracétamol ;
  • en cas de persistance de la douleur, après 30 à 45 minutes, ou en cas de douleurs intenses d’emblée, la codéine par voie orale (0,5 à 1 mg/kg/dose jusqu’à 30 mg) peut être associée au paracétamol et éventuellement à l’ibuprofène, si cette première prise est efficace, elle est à renouveler toutes les 6 heures.
 

En cas de douleurs abdominales :

  • l’ibuprofène est à éviter ;
  • le phloroglucinol en lyophilisat oral et/ou le tiémonium sont recommandés.

Si l’enfant ou l’adolescent est insuffisamment soulagé ou si sa douleur est intense d’emblée, une consultation aux urgences à l’hôpital est recommandée, après un contact si possible avec le médecin spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose ou un membre de son équipe. Une application de crème associant lidocaïne-prilocaïne sur les 2 meilleures veines est recommandée.

 

Évaluation et conduite à tenir lors de l’admission à l’hôpital

Il est recommandé :

  • de prévoir un circuit d’admission rapide, évitant l’attente aux urgences, et de considérer le malade comme prioritaire ;
  • d’évaluer la douleur dès l’admission par une échelle visuelle analogique ou l’échelle des visages ou toute autre échelle d’hétéro-évaluation adaptée à l’enfant ;
  • de penser aux difficultés d’abord veineux et de prévoir des mesures spécifiques (crème associant lidocaïne-prilocaïne, MEOPA) ;
  • de réchauffer l’enfant, de l’installer confortablement, de le réhydrater (cf. Mesures associées) et de lui assurer un soutien par une présence réconfortante ;
  • d’administrer le traitement antalgique dans les 30 minutes suivant l’admission, en tenant compte des médicaments déjà pris à domicile, le soulagement devant être obtenu après 60 minutes ;
  • de surveiller toutes les 20 minutes l’intensité de la douleur, la fréquence respiratoire et le degré de sédation jusqu’à ce que le traitement antalgique soit efficace; 
  • de rechercher et de traiter le facteur déclenchant de la douleur.

 

Examens complémentaires

Les examens complémentaires recommandés sont :

  • un hémogramme ;
  • une numération des réticulocytes ;
  • une recherche d’agglutinines irrégulières ;
  • un ionogramme sanguin avec urée et créatinine ;
  • un dosage de C-reactive protein (CRP).

D’autres examens peuvent être indiqués en fonction du contexte clinique (radiographie de thorax, gaz du sang, bilan hépatique, hémoculture, examen cytobactériologique des urines, échographie abdominale, sérologie érythrovirus [parvovirus] B19, examen tomodensitométrique cérébral ou IRM cérébrale).
Les examens d’imagerie ostéo-articulaire ne sont pas indiqués en première intention, sauf en cas d’antécédents de traumatisme ou de signes locaux persistants.

Il est recommandé que la réalisation des examens complémentaires ne retarde pas la mise en route du traitement antalgique.

 

Traitement antalgique à l’hôpital

Pour la première étape du traitement antalgique à l’hôpital, il est proposé :

  • l’inhalation de MEOPA dès l’arrivée, associée à :
  • la nalbuphine, 0,4 à 0,5 mg/kg par voie intrarectale ou 0,2 à 0,3 mg/kg en intraveineuse lente, en surveillant le degré de sédation et la fréquence respiratoire dont la limite inférieure de la normale dépend de l’âge de l’enfant (10 chez l’enfant de plus de 5 ans, 15 entre 1 et 5 ans, 20 chez l’enfant de moins de 1 an).

L’efficacité de cette première étape est à évaluer au bout de 30 à 60 minutes :

  • si la douleur cède (par exemple EVA ou échelle des visages ≤ 4/10), la nalbuphine est poursuivie, par voie intraveineuse, soit discontinue (0,2 à 0,3 mg/kg toutes les 4 heures), soit continue (1,5 mg/kg/24 h) ;
  • si la douleur ne cède pas (par exemple EVA ou échelle des visages > 4 ou 5/10), le traitement par nalbuphine est arrêté et un traitement par morphine est débuté.

En cas de douleurs intenses d’emblée, la nalbuphine est remplacée par la morphine dès cette première étape.

Pour la poursuite du traitement antalgique, il est proposé d’associer à la nalbuphine ou à la morphine :

  • du paracétamol, 15 mg/kg par prise, sans dépasser 60 mg/kg/jour par voie injectable ou par voie orale ;
  • un anti-inflammatoire non stéroïdien
    • soit injectable (kétoprofène, en intraveineuse lente, 1 mg/kg, toutes les 8 heures),
    • soit par voie orale (ibuprofène, 10 mg/kg toutes les 6 à 8 heures, en fonction de la forme galénique ou autre anti-inflammatoire non stéroïdien [en fonction de l’âge de l’enfant et des habitudes du prescripteur.]).

Deux options sont proposées pour l’administration de morphine, soit la morphine par voie orale, en l’absence de vomissements, soit la morphine par voie intraveineuse.

Un traitement par morphine impose, particulièrement en cas d’utilisation de la morphine par voie intraveineuse :

  • une surveillance clinique constante par une équipe entraînée à son maniement ;
  • la disponibilité immédiate d’une mesure de la saturation artérielle en oxygène (saturomètre) et de naloxone ;
  • une réévaluation toutes les 20 à 30 minutes :
    • de la douleur,
    • du degré de sédation,
    • de la fréquence respiratoire,

compte tenu des risques d’hypoventilation en cas de surdosage.

L’association de morphine à d’autres antidépresseurs du système respiratoire (benzodiazépines) est contre-indiquée.

Pour l’utilisation de la morphine par voie orale, il est recommandé :

  • une dose de charge de 0,4 à 0,5 mg/kg sans dépasser 20 mg de morphine à libération immédiate (comprimés ou sirop) ;
  • une titration avec 0,2 ou 0,4 mg/kg de morphine à libération immédiate toutes les 30 minutes jusqu’au soulagement de la douleur, sauf en cas de sédation excessive ;
  • puis un relais par morphine à libération prolongée, 2 à 5 mg/kg/24 h, avec des interdoses de 0,2 à 0,3 mg/kg de morphine à libération immédiate toutes les 2 à 4 heures si l’enfant n’est pas soulagé.

Pour l’utilisation de la morphine par voie intraveineuse, il est recommandé :

  • une dose de charge de 0,1 mg/kg en intraveineuse lente (30 secondes minimum) sans dépasser 5 mg ;
  • une titration : 0,025 mg/kg en intraveineuse lente, toutes les 5 minutes jusqu’au soulagement de la douleur, sauf en cas de sédation excessive ;
  • puis un relais :
    • soit par voie intraveineuse continue (1 mg/kg/24 h, posologie moyenne à réévaluer régulièrement),
    • soit par PCA - Patient controlled analgesia : perfusion ou analgésie contrôlée par le patient - (bolus de 0,03 à 0,05 mg/kg avec un intervalle minimal de 7 minutes, avec un débit de base à discuter d’environ 0,02 mg/kg/h, ou en l’absence de débit de base, bolus d’au moins 0,04 mg/kg).

En cas d’absence de soulagement sous morphine, il est proposé :

  • l’inhalation de MEOPA 20 à 30 minutes, qui soulage temporairement, sans dépasser 3 inhalations par jour, associée éventuellement à de petites doses de kétamine ;
  • une analgésie locorégionale ;
  • plus rarement, le recours à une transfusion (ou à un échange transfusionnel en cas de taux d’hémoglobine supérieur à 9 g/dl) (cf. Transfusion sanguine).

La nécessité de recourir à de fortes doses de morphine (> 1,5 mg/kg/j) nécessite de réévaluer la cause de la douleur et de prendre un avis auprès d’un service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

Une fois la douleur contrôlée, il est recommandé d’évaluer dans les jours qui suivent :

  • toutes les 2 heures, la douleur, le degré de sédation, la fréquence respiratoire et la saturation artérielle en oxygène ;
  • toutes les 4 heures, la température et la fréquence cardiaque.

Les effets indésirables de la morphine sont traités ou prévenus par :

  • l’administration systématique de laxatifs ;
  • l’utilisation, en cas de prurit, de rétention d’urine, de nausées ou de vomissements, de naloxone :
    • soit par voie intraveineuse continue sur 24 heures à la dose de 0,5 à 1 μg/kg/h,
    • soit en injection unique à la dose de 1 μg/kg en bolus, par exemple en cas de rétention d’urine, à renouveler si besoin toutes les 5 minutes jusqu’à miction,
ou de nalbuphine, 0,05 à 0,1 mg/kg en intraveineuse lente ;
  • la spirométrie incitative, pour éviter l’hypoventilation alvéolaire qui peut favoriser l’apparition d’un syndrome thoracique aigu.

En cas de surdosage morphinique (enfant difficile à réveiller, bradypnée), il est recommandé :

  • d’arrêter temporairement la morphine et de reprendre à posologie moindre selon l’évolution de la douleur ;
  • de stimuler l’enfant ;
  • si l’enfant ne se réveille pas à la stimulation, de l’oxygéner et recourir à la naloxone, 2 à 4 μg/kg en intraveineuse lente à renouveler si besoin jusqu’au réveil.

Il est recommandé d’expliquer à l’enfant et sa famille le rôle et les modalités d’utilisation des antalgiques et en particulier de la morphine compte tenu des représentations qu’elle suscite.

Les modalités du traitement antalgique à l’hôpital sont résumées en annexe 1 (voir la recommandation au format pdf).


Cas particuliers

En cas de douleurs osseuses intenses, il est recommandé d’emblée l’association paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens et morphiniques.

En cas de douleurs abdominales qui peuvent entraîner un iléus réflexe :

  • l’indication des morphiniques est à discuter, et le débit continu n’est pas recommandé ;
  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à utiliser avec prudence ;
  • le phloroglucinol en lyophilisat oral et/ou le tiémonium sont recommandés.

 
Une atteinte neurologique aiguë évolutive contre-indique l’usage de la morphine.
 
En cas de douleurs abdominales ou de diarrhées chez un enfant sous traitement chélateur du fer, il est recommandé de suspecter une infection à Yersinia enterolitica et de demander en urgence l’avis d’un infectiologue pédiatre.
 

 

Mesures associées

Un échange transfusionnel (ou une transfusion en cas d’anémie mal tolérée) est rarement indiqué. Il est à discuter si la douleur est mal soulagée par la morphine (cf. Transfusion sanguine).
Une hyperhydratation est recommandée à raison de 2,5 l/m2/24 h sans dépasser 3 l/24 h. Si l’enfant est incapable de boire suffisamment, une hydratation par voie veineuse ou naso-gastrique est recommandée, à la même quantité. Le capital veineux est à préserver à chaque étape de la prise en charge. La mise en place d’une voie d’abord centrale doit être évitée et réservée aux situations où le pronostic vital est en jeu.
 
L’oxygénothérapie n’est pas systématiquement recommandée dans la crise douloureuse vaso-occlusive. Elle peut être proposée en cas de désaturation pour maintenir une saturation artérielle en oxygène supérieure ou égale à 95 %.

La spirométrie incitative, pratiquée toutes les 2 heures, peut être recommandée dans les douleurs thoraco-abdominales. La kinésithérapie pourrait jouer un rôle bénéfique en cas d’infection respiratoire en permettant une mobilisation dès la sédation de la douleur obtenue.

L’antibioprophylaxie quotidienne doit être poursuivie. Une antibiothérapie à large spectre est à débuter sur certains critères (cf. Crise douloureuse vaso-occlusive).

L’hydroxyurée n’est pas recommandée dans le traitement en urgence de la crise douloureuse vaso-occlusive. Le rôle de la méthylprednisolone n’est pas prouvé.
 

 

Complications aiguës

Toute crise douloureuse vaso-occlusive peut précéder ou être révélatrice des complications suivantes qui sont à rechercher systématiquement :

 

Prise en charge de la douleur à distance de la crise douloureuse

Une prise en charge de type cognitivo-comportemental peut être proposée pour aider l’enfant à mieux gérer sa douleur en cas de récidive de crise douloureuse car elle a montré son efficacité (grade B).
 

 

Infection

Principes généraux

Devant une suspicion d’infection, il est recommandé de débuter un traitement antibiotique de manière empirique sans attendre les résultats des cultures bactériologiques.
L’antibiothérapie probabiliste doit être :

  • bactéricide et adaptée au site infectieux suspecté ou identifié (choisir un antibiotique avec un passage méningé efficace à la moindre suspicion de méningite ou en l’absence de site infectieux identifié) ;
  • active sur les pneumocoques de sensibilité diminuée compte tenu du risque élevé d’infection fulminante à pneumocoque chez l’enfant drépanocytaire ;
  • large pour être également efficace sur Haemophilus influenzae de type B et les salmonelles.

Pour l’enfant drépanocytaire, les modalités du traitement antibiotique (posologie, durée) sont les mêmes que pour la population pédiatrique générale.

 

Conduite à tenir devant une fièvre isolée

Toute fièvre supérieure à 38,5 °C chez un enfant drépanocytaire impose une consultation médicale urgente et la réalisation des examens complémentaires suivants :

  • un hémogramme ;
  • une numération des réticulocytes ;
  • un dosage de CRP ;
  • une radiographie de thorax et/ou un examen des gaz du sang ;
  • une hémoculture, une bandelette urinaire avec en cas de positivité un examen cytobactériologique des urines.

Une ponction lombaire est indiquée chez les enfants se présentant avec une altération de l’état général ou un tableau clinique de méningite.

Une hospitalisation s’impose pour un traitement en urgence par céfotaxime ou ceftriaxone par voie parentérale :

  • pour tout enfant de moins de 3 ans, avec une fièvre supérieure à 38,5 °C ;
  • pour tout enfant, quel que soit son âge, se présentant avec une altération de l’état général et/ou de la conscience et/ou une fièvre supérieure à 39,5 °C : dans ce cas l’administration de céfotaxime ou de ceftriaxone est recommandée avant la réalisation des examens complémentaires, s’ils risquent de retarder le traitement ;
  • pour tout enfant, quel que soit son âge, ayant une température inférieure à 39,5 °C sans altération de l’état général mais avec un antécédent de septicémie et/ou présentant l’une des anomalies suivantes :
    • radiographie de thorax ou saturation artérielle en oxygène anormale,
    • hyperleucocytose > 30 000/μl ou leucopénie < 5 000/μl,
    • thrombopénie < 150 000/μl,
    • anémie avec un taux plasmatique d’hémoglobine < 6 g/dl.

Les enfants susceptibles d’être traités en ambulatoire sont :

  • ceux de plus de 3 ans avec fièvre inférieure à 39,5 °C, sans altération de l’état général ou de la conscience et sans intolérance digestive ;
  • sans antécédent de septicémie, sans anomalie à la radiographie de thorax ou à la mesure de la saturation artérielle en oxygène ;
  • avec des taux de polynucléaires neutrophiles, d’hémoglobine et de plaquettes proches des taux habituels.

Ils pourront être traités et surveillés en ambulatoire à condition :

  • qu’un site infectieux ait été identifié ;
  • que les parents soient éduqués et fiables, fassent preuve d’une bonne compliance vis-à-vis de l’antibioprophylaxie par la pénicilline V, puissent avoir un accès facile aux urgences ;
  • qu’une réévaluation de l’état de l’enfant puisse être faite au cours des 24 heures suivantes ;
  • que l’antibiotique prescrit :
    • soit bactéricide et actif sur les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline et soit bien absorbé par voie orale (l’amoxicilline ou l’association amoxicilline-acide clavulanique peuvent donc être recommandées),
    • soit adapté au site infectieux identifié et à l’âge de l’enfant,
    • ait été bien supporté lors d’une 1re prise à l’hôpital.

 

Cas particulier de la douleur osseuse fébrile :

cf. Complications osseuses et ostéo-articulaires

 

Syndrome thoracique aigu

Le syndrome thoracique aigu associe, de façon variable :

  • les signes cliniques suivants : signes respiratoires (tachypnée, anomalies à l’auscultation pulmonaire, hypoxie), fièvre, douleur thoraco-abdominale ;
  • un foyer pulmonaire de novo à la radiographie de thorax.

Il peut être isolé ou secondaire à une crise vaso-occlusive.

 

Traitement en urgence

Le traitement recommandé comprend :

  • une transfusion simple (ou un échange transfusionnel en cas de taux plasmatique d’hémoglobine > 9 g/dl et/ou de défaillance viscérale), la transfusion doit être lente, par exemple 2 à 3 ml/kg/h ;
  • un traitement antalgique (cf.Traitement antalgique à l’hôpital)
  • une hydratation, en tenant compte des besoins de l’enfant et des risques de surcharge pulmonaire (soit 1,5 à 2 l/m2/24 h sans dépasser 3 l/24 h) ;
  • une antibiothérapie à large spectre active sur les germes intracellulaires et le pneumocoque (macrolides et céfotaxime ou ceftriaxone) ;
  • une oxygénothérapie pour maintenir une saturation artérielle en oxygène > 95 % ;
  • une spirométrie incitative.

Le recours aux β2-mimétiques est à évaluer au cas par cas.

En cas d’échec du traitement et d’aggravation de l’hypoxémie une prise en charge en unité de soins intensifs est recommandée pour une assistance cardio-respiratoire adaptée.

 

Prévention des récidives

La recherche de facteurs favorisants tels qu’une hypoxie nocturne, une obstruction chronique des voies aériennes supérieures, une affection broncho-pulmonaire associée est recommandée.

Au-delà de 2 épisodes de syndrome thoracique aigu, l’hydroxyurée ou un programme transfusionnel peuvent être proposés, au cas par cas. L’indication est posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

 

Anémie aiguë

L’anémie aiguë chez l’enfant drépanocytaire est due le plus souvent à :

  • la séquestration splénique aiguë ;
  • l’érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infection à érythrovirus (parvovirus) B 19.

 

Séquestration splénique aiguë 

C’est une urgence absolue car elle met en jeu le pronostic vital. Il est donc recommandé que les parents d’un enfant drépanocytaire soient entraînés :

  • à faire le diagnostic d’une anémie aiguë chez leur enfant (pâleur, fatigue et altération de l’état général apparues brutalement) ;
  • à savoir détecter, devant des signes d’anémie aiguë, une augmentation brutale de volume de la rate (s’ils souhaitent apprendre à palper la rate de leur enfant) ou une augmentation brutale du volume de l’abdomen ;
  • et à consulter en urgence dès la survenue de ces signes (grade C).

Une séquestration splénique aiguë impose la réalisation d’une transfusion sanguine pour corriger l’anémie et l’hypovolémie. L’urgence à transfuser peut justifier une transfusion en sang O négatif. Le volume transfusé doit viser à restaurer un taux plasmatique final d’hémoglobine ≤ 11 g/dl (ou un hématocrite ≤ 36%), en tenant compte du risque de relargage dans la circulation générale des hématies séquestrées.

Après la survenue d’un épisode de séquestration splénique aiguë, une surveillance médicale accrue est à prévoir, pour prévenir les récidives.
Après le 2e épisode, un programme transfusionnel est à discuter (transfusions simples mensuelles), jusqu’à l’âge minimal à partir duquel la splénectomie peut être discutée (2 ans pour certaines équipes[Toute anesthésie générale prolongée nécessite une préparation transfusionnelle, à discuter avec le médecin spécialiste de la drépanocytose.]).

 

Érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infection à érythrovirus (parvovirus) B 19

L’infection à érythrovirus B 19 entraîne une réticulopénie (réticulocytes < 100 000/μl).
La transfusion sanguine est indiquée dans la majorité des cas (cf. Transfusion sanguine). Le volume transfusé doit tenir compte de la durée de l’infection (7 à 10 jours).
La très forte contagiosité de l’infection à érythrovirus B 19 impose une surveillance de l’entourage de l’enfant infecté (patients drépanocytaires séronégatifs pour l’érythrovirus B 19) pendant 15 jours.

 

Complications osseuses et ostéo-articulaires

Crises vaso-occlusives

Le syndrome pied-main ou dactylite qui survient chez le nourrisson et le jeune enfant se présente comme un oedème douloureux du dos des mains ou des pieds qui s’étend aux doigts ou aux orteils. Il n’est pas recommandé d’examen complémentaires en première intention. Le traitement est symptomatique, basé sur une hydratation et un traitement antalgique (cf. § IV.2).
Il est recommandé de rassurer les parents et l’enfant, car l’évolution est le plus souvent spontanément favorable en 1 à 2 semaines, sans séquelles. Une infection est à rechercher en cas d’évolution défavorable.

Une crise vaso-occlusive osseuse est à évoquer devant une douleur osseuse aiguë, parfois accompagnée d’une fièvre modérée. Le diagnostic différentiel avec une ostéomyélite peut être difficile.
Il n’est pas recommandé de pratiquer des examens d’imagerie en première intention. Le traitement est celui de la crise vaso-occlusive.

 

Infection osseuse hématogène

L’ostéomyélite est à suspecter devant une douleur osseuse, fixe et durable malgré le traitement antalgique, chez un enfant fébrile.

En cas de suspicion d’ostéomyélite ou d’arthrite septique :

  • des hémocultures et des hémogrammes répétés sont recommandés ;
  • l’échographie osseuse ou articulaire est à discuter au cas par cas en milieu orthopédique ;
  • l’aspiration osseuse est proposée uniquement en cas d’abcès sous-périosté, ses indications sont à discuter en milieu orthopédique ;
  • la ponction articulaire est systématiquement recommandée devant un épanchement articulaire initialement fébrile.

Le traitement recommandé associe :

  • une immobilisation ;
  • des antalgiques ;
  • une antibiothérapie par voie intraveineuse, d’abord probabiliste puis basée sur les résultats des prélèvements (hémocultures, aspiration osseuse ou ponction articulaire). En l’absence de germes, l’association céfotaxime ou ceftriaxone et fosfomycine est recommandée pour être efficace sur les principaux germes habituellement en cause (salmonelles, pneumocoque, Staphylococcus aureus).

 

Ostéonécrose de la tête fémorale ou de la tête humérale

Elle est évoquée devant des douleurs subaiguës ou chroniques de la hanche ou de l’épaule, sans fièvre. La radiologie ou l’IRM permet de confirmer le diagnostic. Chez l’enfant, il est recommandé un traitement conservateur associant antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens. Une mise en décharge et les autres modalités de traitement possibles sont à discuter en milieu orthopédique.

 

Accident vasculaire cérébral

Prévention de la survenue de l’accident vasculaire cérébral ischémique

Il est recommandé d’évaluer annuellement le risque d’accident vasculaire cérébral grâce à l’échographie-Doppler transcrânienne à partir de l’âge de 12 à 18 mois.
En cas de vitesse moyenne du flux sanguin cérébral > 200 cm/s confirmée lors d’un 2e examen, une prévention de l’accident vasculaire cérébral par programme transfusionnel (cf. § V.1) est recommandée (grade B).
Une greffe de moelle osseuse peut être proposée en cas de donneur HLA compatible dans la fratrie. L’indication est posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

 

Traitement de l’accident vasculaire cérébral ischémique constitué

En cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral, il est recommandé en urgence un examen tomodensitométrique cérébral sans injection ou une IRM cérébrale pour éliminer une origine hémorragique ou une étiologie non ischémique. Une cause infectieuse, traumatique (hématome sous-dural) ou toxique est toujours à évoquer, particulièrement s’il n’y a pas de signes focaux au premier plan.
Un échange transfusionnel associé au traitement symptomatique est recommandé en urgence pour diminuer le taux d’hémoglobine S à moins de 30 %.

 

Prévention de la récidive de l’accident vasculaire cérébral ischémique

Il est recommandé de prévenir la récidive de l’accident vasculaire cérébral par un programme transfusionnel (échanges transfusionnels mensuels).
Une greffe de moelle osseuse peut être proposée en cas de donneur HLA compatible dans la fratrie. L’indication est posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

 

Accidents ischémiques transitoires (AIT)

En cas d’accident ischémique transitoire avéré ou fortement suspecté, si l’imagerie révèle une vasculopathie cérébrale significative (vitesse moyenne du flux sanguin cérébral > 200 cm/s à l’échographie-Doppler transcrânienne), un programme transfusionnel est recommandé.

 

Hémorragies intracérébrales

Une suspicion d’hémorragie intra-cérébrale impose une évaluation en milieu neurochirurgical.
En plus du traitement neurochirurgical, il est recommandé une hydratation et un échange transfusionnel ou une transfusion (cf. Transfusion sanguine).
À distance de l’épisode aigu, un programme transfusionnel est recommandé.

 

Priapisme

Il est recommandé que les parents de garçons, puis l’enfant lui-même, soient :
• prévenus de sa possible survenue dès l’enfance ;
• informés de la nécessité d’une hospitalisation si le priapisme ne cède pas d’autant plus que le début est souvent nocturne ;
• éduqués à éviter les facteurs déclenchants (manque de sommeil, coucher tardif, infection, traumatisme, prise d’alcool, de drogues illicites, de testostérone ou de psychotropes).

 

Traitement initial

Il est recommandé que l’enfant :

Si le priapisme ne cède pas, une hospitalisation en urgence est recommandée.

 

Évaluation et conduite à tenir lors de l’admission à l’hôpital

Dès l’admission, il est recommandé :
• un traitement antalgique (inhalation de MEOPA puis relais éventuel par d’autres antalgiques, cf. § IV.2.4) ;
• une mise en confiance de l’enfant pour débuter le traitement spécialisé, en milieu chirurgical pédiatrique.
Il est impératif de préciser l’heure de début de l’épisode ainsi que les éventuels facteurs déclenchants.
Les examens complémentaires recommandés sont ceux prescrits devant une crise vaso-occlusive (cf. § IV.2.3). Leur réalisation ne doit pas retarder la mise en route d’un traitement spécialisé.

 

Traitement spécialisé

C’est une urgence absolue.
Ses modalités dépendent de la durée du priapisme :

  • si le priapisme dure depuis moins de 3 heures, une injection isolée d’un alpha-agoniste de type étiléfrine (10 mg), sur le bord latéral du corps caverneux, est recommandée, en surveillant la tension artérielle pendant 20 minutes ; la détumescence est obtenue après une latence moyenne de 5 minutes ;
  • si le priapisme dure depuis plus de 3 heures, ou si l’injection seule est inefficace, il est recommandé un drainage sans lavage sous anesthésie locale, jusqu’à obtention de sang rouge, associé, après un garrot à la racine de la verge, à une injection intracaverneuse d’étiléfrine (10 mg) ; si la détumescence n’est pas obtenue au bout de 20 minutes, une seconde injection peut être faite.

En cas de détumescence partielle ou de récidive du priapisme dans les heures ou les jours qui suivent, il peut être proposé des injections intracaverneuses d’étiléfrine (3 ou 4 par jour) voire une perfusion intracaverneuse continue à faible débit, et faible volume (inférieur à 20 ml/24 h) sans dépasser 1 mg/kg/j.
Un échange transfusionnel peut être proposé, surtout en cas d’échec du drainage.

 

Traitement et prévention des récidives du priapisme

En cas de récidive du priapisme, malgré un drainage des corps caverneux et des injections intracaverneuses d’étiléfrine répétées, une anastomose chirurgicale est à discuter en milieu urologique.
Un traitement préventif par étiléfrine par voie orale est recommandé (0,5 mg/kg/j) Il est à poursuivre au moins 1 mois et peut être arrêté en l’absence de récidive.
En cas de récidives fréquentes, le recours à un programme transfusionnel est controversé et sera discuté dans un service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.

 

Traitement des priapismes intermittents

À partir de 2 accès de priapisme intermittents par mois, un traitement par étiléfrine orale ou plus rarement par injections intracaverneuses est à discuter après avis spécialisé.

 

Complications hépato-biliaires

Lithiase biliaire et boue biliaire (biliary sludge)

La présence de boue biliaire doit conduire à une surveillance échographique semestrielle.
Une cholécystectomie par voie laparoscopique est proposée en cas de lithiase biliaire, même asymptomatique, a fortiori si l’enfant ou l’adolescent a déjà présenté une complication de migration calculeuse dans la voie biliaire principale (cholécystite, pancréatite). Toute anesthésie générale prolongée nécessite une préparation transfusionnelle, à discuter avec le médecin spécialiste de la drépanocytose.

 

Hépatites virales et auto-immunes

Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise en charge d’une hépatite virale ou auto-immune chez l’enfant drépanocytaire. En cas de difficultés, un avis hépatologique est recommandé. En cas d’augmentation persistante des transaminases, les indications de la ponction-biopsie hépatique, les indications et les modalités du traitement d’une hépatite chronique sont à discuter avec les hépatologues. Les risques de complications de la ponction-biopsie hépatique sont accrus chez l’enfant drépanocytaire.

 

Crise vaso-occlusive hépatique

Il est recommandé de traiter la crise vaso-occlusive hépatique par échange transfusionnel.

 

Complications ophtalmologiques

Une consultation ophtalmologique immédiate est recommandée en cas de survenue de :

  • douleur oculaire ;
  • perception de taches noires ;
  • chute brutale de l’acuité visuelle ;
  • traumatisme oculaire ou périoculaire.

Un bilan annuel avec un ophtalmologiste expert en pathologie rétinienne est recommandé dès l’âge de 6 ans pour les patients SC et 10 ans pour les patients SS.
En cas de rétinopathie proliférative, la photocoagulation au laser est proposée.
Dans le cas de maladie rétinienne non proliférative, les indications de traitement sont plus variables du fait du taux élevé de régressions spontanées et de l’absence de progression dans certains cas.
En cas d’hémorragie vitréenne persistante ou de décollement de rétine une intervention chirurgicale est à discuter. Cette chirurgie est à haut risque de complications périopératoires. Pour minimiser ces risques, il est recommandé de pratiquer un échange transfusionnel préopératoire.

 

Ulcères de jambe

Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise en charge d’un ulcère de jambe chez l’enfant drépanocytaire.
Il est proposé :

  • le repos au lit et la surélévation du membre atteint ;
  • l’application de pansements humidifiés par du sérum physiologique, appliqués 2 ou 3 fois par jour (aucun pansement spécifique à la drépanocytose ne peut être recommandé) ;
  • l’application d’antiseptiques locaux (les antibiotiques locaux ne sont pas recommandés) ;
  • un traitement antibiotique par voie générale, adapté au germe retrouvé en cas en de surinfection aiguë.

 

Complications rénales

Hyposthénurie, énurésie

La diminution du pouvoir de concentration maximale des urines (hyposthénurie) est constante chez l’enfant drépanocytaire. Elle est responsable :

  • d’un risque de déshydratation, à prévenir par des boissons abondantes, jusqu’à obtention « d’urines aussi claires que possible » ;
  • d’une énurésie, souvent prolongée jusqu’à l’adolescence, pour laquelle il n’existe pas de modalités de traitement spécifique à la drépanocytose, en dehors du fait que la desmopressine est inefficace et la restriction hydrique contre-indiquée.

 

Hématurie

En cas d’hématurie macroscopique, il est recommandé de réaliser un bilan comportant une échographie rénale avec Doppler. Le traitement recommandé associe repos au lit et maintien d’un débit urinaire élevé.
Les étiologies possibles sont :

  • une nécrose papillaire ;
  • une lithiase du rein ou des voies urinaires ;
  • exceptionnellement un carcinome médullaire rénal.

 

Insuffisance rénale aiguë

Un transfert en réanimation ainsi qu’un échange transfusionnel ou une transfusion sont recommandés (cf. Transfusion sanguine).

 

Insuffisance rénale chronique

Il est recommandé de rechercher une fois par an une microalbuminurie (cf. Rythme de surveillance paraclinique).

En cas de protéinurie persistante, une consultation néphrologique est recommandée pour discuter de l’indication d’une ponction-biopsie rénale.

 

Complications cardiaques

Compte tenu de la prévalence de la douleur thoracique, plus chez l’adolescent que chez l’enfant drépanocytaire, il est recommandé :

  • de réaliser un électrocardiogramme en cas de douleur thoracique gauche inexpliquée ;
  • de faire pratiquer une échographie cardiaque lors du bilan annuel (cf. § II.4.2) à partir de l’âge de 6 ans.

 

Indications des traitements spécialisés : Transfusion sanguine

Un geste transfusionnel, transfusion simple ou échange transfusionnel, a pour but de corriger l’anémie et de diluer les hématies drépanocytaires.
Les indications respectives de chaque geste dépendent donc :

  • du taux plasmatique d’hémoglobine ;
  • de la situation clinique.

Le geste transfusionnel se fait avec des culots phénotypés, déleucocytés, compatibilisés, sauf urgence absolue.
Il est recommandé un dossier transfusionnel unique, à jour, transférable d’un site à l’autre.

La transfusion sanguine simple ou ponctuelle est recommandée :

  • en cas d’anémie aiguë, définie par une diminution de 20 % du taux plasmatique d’hémoglobine de base, surtout quand l’anémie est mal tolérée, en particulier en cas de séquestration splénique aiguë ou d’érythroblastopénie aiguë ;
  • en cas de syndrome thoracique aigu avec un taux plasmatique d’hémoglobine < 9 g/dl et s’il n’existe pas de défaillance viscérale associée (la transfusion doit être lente, par exemple 2 à 3 ml/kg/h).

L’échange transfusionnel est recommandé en cas :

  • d’accident vasculaire cérébral, pour obtenir un taux d’HbS < 30 % ;
  • de syndrome thoracique aigu avec un taux plasmatique d’hémoglobine > 9 g/dl et/ou s’il existe une défaillance viscérale associée ;
  • de crise douloureuse hyperalgique résistante à la morphine ;
  • de préparation à une anesthésie générale prolongée pour obtenir un taux d’HbS ≤ 40 % (un geste transfusionnel n’est donc pas recommandé avant une pose d’aérateurs transtympaniques, une adénoïdectomie, une cure de hernie, une circoncision) ;
  • • de priapisme résistant au drainage et à l’injection d’étiléfrine.

Un programme transfusionnel, par échanges transfusionnels chroniques, est recommandé :

  • en prévention primaire ou secondaire de l’accident vasculaire cérébral ;
  • en prévention secondaire de l’hémorragie intracérébrale ;
  • en cas d’échec de l’hydroxyurée défini par la récidive du syndrome thoracique aigu ou de crises vaso-occlusives malgré une bonne compliance au traitement.

La seule indication d’un programme de transfusions simples chroniques est la prévention de la récidive d’une séquestration splénique, après le 2e épisode jusqu’à l’âge minimal à partir duquel la splénectomie peut être discutée (2 ans pour certaines équipes).

Les objectifs post-transfusionnels sont, outre le taux d’HbS souhaité, le maintien d’un taux d’hémoglobine plasmatique < 11 g/dl et/ou d’un hématocrite < 36 % pour éviter une situation d’hyperviscosité sanguine potentiellement source de complications.

Il est recommandé une surveillance des sérologies HIV et HCV 3 mois après un acte transfusionnel ou tous les 6 mois en cas de transfusions chroniques.

En cas d’hémochromatose post-transfusionnelle, il est recommandé un traitement chélateur par voie sous-cutanée selon un protocole à discuter avec un service spécialisé.

 

Hydroxyurée

L’hydroxyurée, à la posologie initiale de 10 à 15 mg/kg/24 h, n’est recommandée que dans les formes graves de drépanocytose, chez l’enfant de plus de 2 ans (grade B).
Ses indications sont :

  • la survenue de plus de 3 crises vaso-occlusives ayant nécessité une hospitalisation ou hyperalgiques par an
  • et/ou
  • l’existence de plus de 2 syndromes thoraciques aigus.

Il est recommandé de discuter la mise en route d’un traitement par hydroxyurée avec un centre spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose.
Il n’a pas été rapporté d’évènements indésirables graves chez les enfants traités.
Il est cependant recommandé d’informer les familles et les enfants sur les risques d’azoospermie, la nécessité d’une contraception pour les adolescentes et les incertitudes à long terme de ce traitement, notamment sur l’oncogénèse.

 

Allogreffe de moelle osseuse

L’allogreffe de moelle osseuse est réservée aux formes graves de drépanocytose. Elle ne peut être proposée qu’en cas de donneur HLA identique issu de la fratrie.
Les indications faisant actuellement l’objet d’un consensus professionnel sont :

  • l’existence d’une vasculopathie cérébrale symptomatique ou non ;
  • l’échec d’un traitement par hydroxyurée, défini par la récidive d’un syndrome thoracique aigu ou de crises vaso-occlusives malgré une bonne compliance au traitement.

Ses indications et modalités relèvent de centres spécialisés dans la prise en charge de la drépanocytose.

 

Conclusions et propositions d'actions futures

La santé de l’enfant drépanocytaire suppose un suivi attentif de l’enfant afin de prévenir la survenue de complications, de les diagnostiquer pour les traiter dans les meilleurs délais car beaucoup engagent le pronostic vital ou fonctionnel de l’organe atteint.
Ce suivi doit tenir compte du contexte culturel des enfants et de leur famille et des difficultés socio-économiques de familles parfois très défavorisées.
Il serait donc souhaitable de développer :

  • une meilleure connaissance de la maladie hors des zones de France de forte prévalence ;
  • une meilleure collaboration ville-santé scolaire-hôpital avec la constitution de réseaux ;
  • une meilleure collaboration entre services spécialisés (chirurgie, anesthésie, radiologie, obstétrique), entre pédiatres et médecins d’adultes ;
  • des actions structurées d’éducation thérapeutique de l’enfant et de sa famille ;
  • une évaluation sociale plus systématisée ;
  • une information auprès des acteurs du milieu de vie de l’enfant (crèche, école, centres de loisirs) pour lutter contre la stigmatisation et l’isolement des enfants atteints et de leur famille.
 
 
Retrouvez l'annexe dans la recommandation au format pdf

 

 

Nous contacter

Service des bonnes pratiques