Episodes de violence des patients hospitalisés en psychiatrie : comment les éviter ? comment mieux les gérer ?
Dans un service de psychiatrie, trois incidents violents se produiraient chaque semaine, soit environ 500 000 incidents par an en France*. Ces épisodes de violence de patients hospitalisés, signes d’une souffrance psychique profonde, ont des conséquences délétères sur les professionnels comme sur les autres patients qui en sont victimes ou témoins. Ils pourraient pourtant être évités dans plus de la moitié des cas, mais aussi mieux pris en charge lorsqu’ils surviennent, en évitant le recours aux mesures de restriction de liberté. La HAS publie aujourd’hui un travail sur ce sujet longtemps tabou et victime de nombreux clichés, pour aider les professionnels à délivrer les meilleurs soins possibles.
En France, 400 000 personnes sont hospitalisées chaque année dans des établissements et services psychiatriques. Il s’agit du secteur hospitalier le plus touché par la violence. Les épisodes de violence des patients hospitalisés y sont fréquents, affectent autant les professionnels que les patients, et donnent souvent lieu à des mesures de contention ou d’isolement, alors qu’il s’agit de mesures d’ultime recours. Si peu d’incidents entraînent des atteintes physiques graves, les impacts psychologiques sont très importants : accroissement de l’angoisse, tristesse et colère chez les patients et symptômes de stress post-traumatique, sentiment de culpabilité, d'impuissance et d'abandon chez les professionnels.
La question des incidents violents en psychiatrie est un sujet qui fait l’objet d’une stigmatisation injustifiée des personnes souffrant de troubles mentaux et véhicule de nombreux clichés sur le fonctionnement au quotidien des services psychiatriques. Dans le cadre de son programme "Psychiatrie et santé mentale" initié depuis 2013, la HAS publie aujourd'hui des outils destinés aux professionnels pour comprendre, prévenir et mieux gérer – individuellement, collectivement et en alliance avec le patient – les épisodes de violence.
Tout patient peut participer à la prévention de ses propres moments de violence
Il est important de rappeler qu'une personne atteinte de troubles mentaux graves n'est pas nécessairement violente, ni dans la vie quotidienne ni dans le cadre d'une hospitalisation. On sait par exemple que seuls 2% des patients hospitalisés ont des moments de violence répétés. A l'origine de ces moments, on retrouve une combinaison de 3 facteurs :
- l’état de santé du patient et l’évolution de sa maladie,
- le contexte de son hospitalisation : l’institution, l’environnement physique, le fonctionnement du service, ...,
- les interactions individuelles avec les autres patients et les professionnels de santé.
C'est pourquoi il est indispensable de s'allier avec le patient pour comprendre l'impact de ces différents facteurs sur lui et élaborer des stratégies personnalisées de prévention de la violence (repérer avec lui les signes précurseurs, les circonstances déclenchantes, les facteurs de protection,…). Le patient hospitalisé en psychiatrie, même dans les cas les plus graves, conserve une certaine capacité d’échange et de relation.
Eviter avant tout les moments de violence : écouter le patient, identifier les signaux d’alerte qui lui sont propres, tirer les enseignements
On estime que plus de la moitié des épisodes de violence serait évitable et que les autres pourraient faire l’objet d’une prise en charge plus adaptée. C'est pourquoi il faut agir à 3 niveaux différents :
- Dès l’admission et tout au long de la prise en charge : écouter le patient et connaître ses antécédents et son histoire dès son arrivée en faisant preuve de bienveillance et de considération, l’associer dans la construction d’un projet de soins individualisé et de prévention de la violence.
- Lorsqu’il y a une montée de tension : identifier les signaux d’alerte propres au patient, l'écouter et mettre en place les solutions efficaces repérées en amont avec lui pour éviter l’escalade vers la violence (et si un épisode de violence se produit : identifier le risque et les réponses relationnelles, de « désescalade » ou médicamenteuses, ajuster ses réponses de façon proportionnée en n’employant les mesures de contention et d’isolement qu’en ultime recours).
- Après une montée de tension ou si l'incident violent n'a pu être évité : rassurer le patient quant à ses capacités de contrôle et éviter qu'il ait un vécu négatif du moment, restaurer le lien de confiance et revenir sur ce moment en équipe et avec le patient afin de comprendre les éléments déclencheurs.
S’organiser au quotidien pour ne plus subir la violence et se recentrer sur le soin
La prévention et la gestion des épisodes de violence doivent toujours faire partie des priorités du projet d’établissement, élaboré autour de valeurs communes avec les professionnels et les représentants des usagers. Au sein de chaque équipe, une stratégie de prévention de ces épisodes doit guider le quotidien des professionnels et chaque moment de violence doit faire l'objet d'une analyse collective. Une gestion des conséquences des incidents violents doit aussi être systématisée, avec un accompagnement des personnes qui en sont victimes par l’institution.
* Il s’agit d’une estimation calculée pour le cas de la France à partir d’une revue de la littérature internationale qui identifie plus d’une centaine d’études Bowers L, Stewart D, Papadopoulos C, et al. Inpatient violence and aggression: a literature review. Report from the Conflict and Containment Reduction Research Programme. London: King's College; 2011.
http://www.kcl.ac.uk/iop/depts/hspr/research/ciemh/mhn/projects/litreview/LitRevAgg.pdf
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