Éléments pour élaborer une aide à la prise de décision partagée entre patient et professionnel de santé

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 06 avr. 2018

Cette fiche méthodologique3 a pour objectif d’apporter des repères méthodologiques aux professionnels ou associations d’usagers qui souhaitent élaborer un outil d’aide à la prise de décision partagée entre un patient et un professionnel de santé concernant une question de santé individuelle.

Les aides à la décision sont des outils qui soutiennent les patients1 et les professionnels de santé dans leur prise de décision partagée2 concernant une question de santé individuelle. Elles ont pour objectif de faciliter un temps d’échange et de délibération où patient et professionnels de santé discutent les différentes options disponibles au regard des attentes et préférences du patient, de l’expérience des professionnels et des données de la science.

Les décisions peuvent concerner les situations cliniques suivantes :

  • la prévention, par exemple participer ou non à un dépistage organisé ;
  • la surveillance, par exemple surveiller sa maladie par auto-mesure ou lors d’une consultation ;
  • les traitements, par exemple choisir entre un traitement médical et un traitement chirurgical.

L’élaboration d’une aide à la décision s’appuie sur les mêmes principes méthodologiques que celle d’un document d’information. Toutefois, sa structure comporte des éléments spécifiques décrits ci-dessous, centrés sur les déterminants qui fondent la décision du patient.

Définir le public cible

Une aide à la prise de décision partagée, dans un contexte clinique, peut avoir pour public cible :

  • le patient seul, voire ses proches ou la personne de confiance ;

  • le patient et le professionnel de santé, afin d’aider les deux parties à conduire le temps de délibération aboutissant à un accord mutuel sur la décision prise.

Décider du format et du moment d'utilisation de l'aide

Les aides à la prise de décision partagée peuvent prendre des formes variées : document papier, vidéo, outil multimédia interactif, réponses courtes aux questions les plus fréquentes, échanges sur les forums, etc.
Selon le contexte, elles peuvent être conçues pour être utilisées avant, pendant, voire après une consultation médicale ou par une équipe pluriprofessionnelle, lorsqu’un temps de réflexion est proposé au patient avant une décision qu’il n’est pas nécessaire de prendre dans l’instant.

Centrer le contenu sur la décision à prendre

Le contenu d’une aide à la prise de décision partagée concerne les points suivants :

- Clarifier les décisions à prendre :

  • reconnaître qu’une ou plusieurs décisions doivent être prises, en comprendre les raisons et leur temporalité (délai possible ou non avant de se décider, décisions successives, caractère réversible ou non de la décision, etc.) ;

  • identifier ce qui peut être difficile pour le patient d’une part et le professionnel d’autre part.


- Présenter l’ensemble des options disponibles
et non une seule option comme pourrait le faire un document d’information, lorsque son objectif est de valoriser un message clé.
Pour une situation clinique donnée, il s’agit pour chaque option de présenter les mêmes informations, fondées sur les preuves scientifiques disponibles (bénéfices, inconvénients, incertitudes éventuelles pour chacune).
L’outil d’aide à la décision doit permettre au patient de :

  • comprendre qu’il y a plusieurs options raisonnables dans sa situation ;

  • être informé sur les différentes options, y compris celle de ne rien faire, leurs risques, bénéfices et conséquences ;

  • comprendre le degré d’incertitude associé à certaines options.


- Guider le patient dans l’identification de ses besoins, préférences, contraintes et ressources.
Il s’agit d’aider le patient à hiérarchiser ce qui compte le plus pour lui dans cette décision et à discuter de ses choix, préoccupations, contraintes et de ses préférences avec les professionnels de santé. Cela doit l’inciter à :

  • lister les activités qu’il mène actuellement et qu’il pourra ou non poursuivre malgré la maladie (vie sociale ; travail ; études ; activités de la vie quotidienne, sport ou occupations ; aides ou soutien apportés à d’autres personnes, etc.) ;

  • lister les questions ou les inquiétudes au sujet des options disponibles ;

  • estimer l’impact de chaque option sur la poursuite des activités qui sont importantes ou incontournables pour lui ;

  • identifier les autres personnes concernées par la décision et les possibilités de soutien ou risque de pression de leur part.


- Inviter le patient à clarifier le rôle qu’il souhaite avoir dans la prise de décision
et les modalités de communication avec les autres personnes impliquées dans la décision (professionnels de santé, famille, proches).

Les acteurs et le processus d'élaboration

Groupe de travail élaborant l’aide à la décision

Composition du groupe de travail

Les déclarations d’intérêts de tous les participants du groupe de travail doivent être colligées et analysées selon le guide de déclaration des intérêts et de gestion des conflits d'intérêts HAS en vigueur. Ce groupe comprend :

  • un coordonnateur qui assure le suivi du projet. Il peut rédiger le document lui-même ou faire appel à un rédacteur ayant des compétences en communication ; il rédige le cahier des charges, en cas de document vidéo ou multimédia ; il anime le groupe, le cas échéant. S’il n’a pas lui-même des compétences d’analyse critique des données scientifiques, il s’assure du concours d’un professionnel de santé ou d’un chef de projet scientifique ayant ces compétences afin de documenter les bénéfices, risques et incertitudes concernant les différentes options concernées ;

  • au moins deux patients ou membres d’associations de patients concernés par les prises de décision. Ces patients sont réunis avec les professionnels de santé ou de manière séparée, notamment lorsque le recueil de leur point de vue est envisagé sous forme d’entretiens individuels ou collectifs. Lorsqu’il est impossible de travailler directement avec des patients, une analyse de la littérature sur les préférences des patients et des échanges sur les forums de discussion sur Internet est indispensable ;

  • des professionnels de santé concernés par la prise de décision selon la thématique ;

  • prévoir la participation d’un maquettiste et d’un illustrateur.


Missions du groupe de travail

  • Sélectionne dans le parcours du patient la/les décisions où une aide est nécessaire.

  • Identifie et sélectionne les éléments essentiels à transmettre au patient afin qu’il puisse faire un choix éclairé.

  • Identifie et sélectionne les déterminants qui impactent le plus fréquemment les décisions des patients (valeurs, préférences, contraintes, coûts, etc.).

  • Identifie et sélectionne les contacts utiles auprès desquels le patient peut s’informer ou obtenir un soutien.

  • Rédige le document écrit ou le cahier des charges en cas de vidéo ou outil multimédia ; utilise des messages concis et clairs, en langage courant et explicite.

  • Décrit les illustrations pertinentes et adaptées, ou les choisit.

  • Respecte l’équilibre entre illustrations et texte.

  • Vérifie le respect des critères de qualité d’élaboration.

  • Choisit le format approprié, notamment au regard des caractéristiques du public cible (langue, littératie en santé, accès à Internet, etc.).

  • Confie aux associations la coordination du test.

  • Prépare le test auprès du public concerné : adapte la grille du questionnaire standard, adapte la lettre aux testeurs ainsi que le diaporama.

  • Analyse les résultats du test et en propose une restitution aux testeurs.

  • Modifie le document à l’issue de la phase de test.


Groupe de test

Composition du groupe de test
Dans au moins deux sites associatifs, différents de ceux des associations pilotes ou par consultation publique avec information sur les forums discutant les enjeux de la décision :

  • un coordonnateur de test par site, responsable du test ;

  • une douzaine de patients concernés, « dans la vraie vie » ;

  • quelques acteurs de terrain en contact avec les patients ou usagers (associations de patients, d’aidants, membres des circuits de distribution).


Missions du groupe de test

Un coordonnateur local de test par site :

  • présente le test aux acteurs locaux et aux patients ;

  • s’assure du bon déroulement du test ;

  • récupère les questionnaires et les adresse au groupe de travail après avoir vérifié les anonymisations.

Chaque patient ou acteur de terrain :

  • teste un document déjà bien formalisé (format, texte et illustrations) ;

  • analyse la clarté des messages, l’adaptation des illustrations, l’intérêt du document ;

  • renseigne le questionnaire ;

  • identifie son appartenance au groupe de travail, quand c’est le cas, au groupe des patients ou au groupe des associations, en veillant à anonymiser sa réponse ;

  • remet le questionnaire au coordonnateur du site de test.

Les clés pour mener à bien votre projet

Évaluer la pertinence

La pertinence à élaborer une aide à la prise de décision partagée s’évalue avec les acteurs de terrain et les patients en fonction des circuits de diffusion pressentis et de l’impact attendu.

  • Identifier les associations intéressées par ce projet.

  • Identifier les attentes des patients et des associations ou acteurs de terrain concernant le thème.

  • Faire une recherche documentaire ciblée sur les aides à la décision partagée et les documents d’information des patients existants.


Envisager les modalités et sites de diffusion

Envisager précocement les modalités de diffusion est un prérequis à l’élaboration d’une aide à la décision partagée.
Une étude de faisabilité est nécessaire :

  • un mode de diffusion informatique revient à mettre à disposition des documents de format adapté à la mise sur site ou à une application mobile (tablette, smartphone) ;

  • répertorier les sites de distribution d’un dépliant permet de :
    • chiffrer la quantité initiale et le coût,
    • demander en amont aux diffuseurs potentiels leur soutien dans la promotion et la distribution des documents.

Travailler en partenariat avec les associations d’usagers

 Son élaboration avec les associations permet de reconnaître et de valoriser leur action à chaque étape :

  • en sollicitant leur avis à chaque phase d’élaboration du document ;

  • en leur proposant d’insérer leurs logos et adresses de sites ;

  • en leur réservant, si c’est utile, un encart ou un volet spécifique ;

  • en leur confiant la gestion du test « dans la vraie vie » ;

  • en validant avec eux la version finale.

En résumé

S’assurer que le document produit est bien une aide à la décision partagée
Laisse-t-il un espace pour l’expression des valeurs et des préférences du patient ?
 Oui  Non

Présente-t-il l’exhaustivité des options possibles, y compris la non-intervention ?
 Oui  Non

Présente-t-il la décision à prendre et les éventuelles décisions ultérieures qui devront être prises selon les différents parcours envisagés ?
 Oui  Non

Liste-t-il pour chacune d’entre elles :

- les bénéfices escomptés ?  Oui  Non
- les risques éventuels ?  Oui  Non
- les incertitudes pour chaque option ?  Oui  Non

 

Liste-t-il pour chacune d’entre elles les avantages et inconvénients au regard des activités et contraintes actuelles du patient :

- sur la vie sociale ?   Oui   Non
- sur la vie familiale ?   Oui  Non
- sur la vie intime ?   Oui  Non
- sur la scolarité ou la vie professionnelle ?   Oui  Non

 

La temporalité de la décision et son degré d’urgence sont-ils précisés ?
 Oui  Non

Le caractère réversible ou non de la décision est-il précisé ?
 Oui  Non

 

 



1. Pour plus de facilité le terme de « patient » est retenu de façon générique pour toute personne consultant un professionnel de santé. Concernant la démarche de distribution du document on peut préférer le terme de public cible. 

2. Article L 1111-4 du CSP « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. »

3. En l’absence de méthode stabilisée au niveau international pour élaborer les aides à la prise de décision partagée, cette fiche s’appuie sur une expérimentation menée au sein de la commission Information des patients en 2016 et sur les publications suivantes :

  • élaboration d’un document écrit d’information à l’intention des patients et des usagers du système de santé, HAS juin 2008 : recommandations, critères d’évaluation et guide ;

  • document d’information patient à partir d’une recommandation de bonne pratique. Guide et fiche méthodologiques, HAS 2012 ;

  • patient et professionnels de santé : décider ensemble - Concept, aides destinées aux patients et impact de la « décision médicale partagée ». État des lieux, HAS 2013 ;

  • guide personnel d’aide à la décision (Ottawa) © 2015 O’Connor, Stacey, Jacobsen, Institut de recherche de l’hôpital d’Ottawa et université d’Ottawa, Canada.


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