Exposition environnementale à l’amiante : état des données et conduite à tenir

Rapport d'orientation
Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 26 mars 2009

Le rapport « Exposition environnementale à l’amiante : état des données et conduite à tenir » s’inscrit dans le cadre du Plan national santé environnement 2004-2008.

  • Il fait un état des lieux des données disponibles sur les risques pour la santé liés à une exposition environnementale à l’amiante et notamment une évaluation de la toxicité potentielle des rejets dans l’atmosphère, le sol et l’eau, de produits d’origine industrielle contenant de l’amiante.
  • Il liste l’ensemble des problèmes posés par la prise en charge diagnostique des sujets soumis à une expostion environnementale à l’amiante et précise les informations à fournir aux autorités sanitaires en vue de la mise en œuvre d’actions de santé, notamment en ce qui concerne les problèmes qui auraient été sous-estimés ou seraient passés inaperçus ;
  • Il propose des stratégies de prise en charge des sujets exposés ainsi que les messages à délivrer aux médecins dans le cadre d’une exposition environnementale à l’amiante.

Il ressort de cette analyse que le risque de survenue de cancers liés à l’amiante environnemental non professionnel concerne essentiellement les personnes exposées à un niveau intermédiaire fort ou élevé d’amiante. Les personnes exposées à un niveau faible ou intermédiaire faible doivent être rassurées.

 

Synthèse

Objectifs du rapport d’orientation

En réponse aux saisines ministérielles sur l’amiante, le rapport d’orientation sur le Risque sanitaire de l’exposition environnementale à l’amiante est un format d’évaluation rapide et synthétique qui a pour objet de permettre de rendre un avis qui soit : le plus objectif possible, indépendant des groupes de pression, mis en perspective avec les bénéfices attendus pour le patient et la société.


Méthode d’élaboration

Sur la base d’une analyse de la littérature (rapports d’agences et/ou de sociétés savantes, méta-analyses, revues de la littérature de bonne qualité méthodologique), une synthèse argumentée présentant les données cliniques publiées sur l’exposition environnementale à l'amiante a été rédigée. Le rapport a été relu par des professionnels de santé et des représentants d’usagers qui ont été sollicités par courrier et/ou e-mail. Il a été soumis aux membres du Collège de la HAS pour validation.


Qu’est-ce que l’amiante ?

L'amiante est un matériau fibreux obtenu par broyage de roches minérales issues de 2 familles de silicates : les amphiboles (actinolite, amosite, anthophyllite, crocidolite, trémolite) et les serpentines (chrysotile). Avant son interdiction (entrée en vigueur en France le 1er janvier 1997) l’amiante était utilisé dans les secteurs du bâtiment (amiante-ciment, flocage, clorifugeage, dalles vinyle-amiante), de l’automobile, du textile, et des matières plastiques (on estime à plus de 3 500 le nombre de produits dérivés de l'amiante).


Quand peut-on parler d’exposition environnementale ?

  • Définition
    L’exposition environnementale est définie comme une exposition à la pollution de l’air extérieur (environnement extérieur) et à celle de l’air intérieur (environnement ambiant) par des fibres d’amiante à l’exclusion des expositions professionnelles liées à un travail au contact de matériaux contenant de l’amiante.
  • Pollution de l’environnement extérieur
    • Site géologique d’affleurement de roches amiantifères qui conduisent à la libération de fibres pouvant migrer à distance du site.
    • Zone urbaine et/ou rurale polluée : 1) lors d’opérations de démolition ou d’enlèvement d’installations contenant de l’amiante ; 2) dans l’environnement de mines d’amiante ou d’usine de broyage d’amiante ; 3) liée au trafic routier (freins, embrayages, usure du revêtement routier contenant de l’amiante).
  • Pollution de l’environnement intérieur
    • Exposition paraprofessionnelle passive ou exposition « intramurale » à de l’amiante en suspension dans l’air, soit du fait de la dégradation de bâtiments qui en contenaient (exemple : flocage), soit du fait d’interventions sur ceux-ci.
    • Exposition domestique par contact avec les vêtements de travail du conjoint et/ou conjointe (dont l’activité professionnelle les amenait à intervenir sur des matériaux contenant de l’amiante) ou des objets ménagers contenant de l’amiante (planche à repasser, panneaux isolants, grille-pain, appareils de chauffage mobiles).
    • Exposition liée aux activités de bricolage comme un changement de garnitures de freins, la construction d’un abri de jardin en fibrociment ou encore le changement de joints contenant de l’amiante (fours de cuisine, gazinières, cheminées,etc..
  • Quels sont les risques d’exposition environnementale en France ?
    Des pathologies liées à l’amiante ont été observées dans les populations vivant ou ayant vécu aux alentours de sites industriels (ex. : Comptoir des minéraux et matières premières [CMMP] d’Aulnay-sous-Bois), dans les locaux comportant des flocages dégradés (ex. : université de Jussieu à Paris, tour Tripode à Nantes), près des sites naturels de gisement d’amiante (ex. : Corse).


Quelles sont les pathologies liées à l’amiante ?

  • Les fibroses circonscrites de la plèvre
    Elles sont de deux types :
    • 1) les plaques pleurales qui correspondent à une fibrose de la plèvre pariétale. Elles sont un témoin de l’exposition à l’amiante et ne sont pas considérées en 2008 comme associées à un sur-risque de cancer ;
    • 2) les épaississements pleuraux qui corresondent à une fibrose de la plèvre viscérale. Ces fibroses peuvent générer, selon leur localisation, des douleurs thoraciques, parfois une réduction de la capacité respiratoire fonctionnelle.
  • L'asbestose
    Il s’agit d’une fibrose pulmonaire, pneumopathie interstitielle diffuse d'évolution chronique (elle peut se stabiliser ou continuer d’évoluer après arrêt de l’exposition) qui est observée pour des niveaux élevés d’exposition à l’amiante. Son pronostic est variable : de la simple gêne respiratoire à l’insuffisance respiratoire. Elle est associée à un sur-risque de cancer bronchopulmonaire.
  • Le mésothéliome malin diffus
    C’est un cancer rare qui se développe au niveau des séreuses : plèvre pulmonaire dans 89 % des cas (péritoine dans 10 % des cas). Le risque de mésothéliome est d’autant plus élevé que l’exposition à l’amiante a été prolongée et importante, mais il existe un excès de risque pour des expositions cumulées faibles, ainsi que pour des expositions ponctuelles intenses (pics d’exposition). Le pronostic est sévère, la médiane d’espérance de vie étant inférieure à 1 an.
  • Le cancer bronchopulmonaire
    Ce cancer lié à l’amiante n’a pas de particularité clinique, radiologique ou histologique qui le différencie des cancers bronchopulmonaires d’une autre étiologie. Le risque de cancer bronchopulmonaire augmente avec le degré d’exposition mais il n’est pas possible de définir une valeur seuil. Les effets cancérogènes du tabac et de l’amiante se multiplient.
    Le délai de latence entre l’exposition à l’amiante et ces pathologies est de 20-40 ans.



Quelles sont les données françaises issues des observations en milieu professionnel ?

Le nombre d'affections professionnelles reconnues au titre de l’exposition à l'amiante (tableaux 30 et 30 bis des maladies professionnelles du régime général) sont les plaques pleurales dans 70 % des cas, un cancer (cancer bronchopulmonaire, mésothéliome) dans 23 % des cas et une asbestose dans 7 % des cas. Ces pathologies liées à une exposition professionnelle donnent lieu à réparation.

  • Mésothéliome
    La fraction de risque attribuable (FRA) à une exposition à l’amiante en milieu professionnel a été estimée à 83,2 % pour le mésothéliome chez l’homme et 38,3 % chez la femme (le risque varie selon le type de milieu professionnel). Les données du PNSM, sur la période 1998-2008, rapportent un nombre total de 961 cas de mésothéliome liés à une exposition professionnelle à l’amiante.
  • Cancer bronchopulmonaire
    25 000 cancers du poumon sont diagnostiqués en France par an dont 10 % seraient liés à l’amiante mais il est très difficile de distinguer son influence de celle du tabac chez le fumeur.

 

Quelles sont les données françaises issues des observations environnementales ?

  • Niveaux d’exposition
    Selon la source d’exposition, les niveaux d’exposition environnementale à l’amiante varient de manière importante, pouvant parfois atteindre les niveaux de l’exposition professionnelle (une valeur limite de 5 F/l a été fixée par le CSP, article R 1334-18) : de 6 à 100 F/l près des sites géologiques, de 1 à 13 F/l à proximité de sites industriels, de 0,08 à 3,5 F/l en zone urbaine ou rurale et de 0,06 à 25 F/l pour les expositions passives à l’intérieur des locaux.
  • Cas observés
    Sur les 21 cas signalés à Aulnay-sous-Bois (population ayant vécu à proximité du CMMP) 3 cas de mésothéliome seraient liés à une exposition environnementale. Cinq cas de mésothéliome pleural ont été diagnostiqués entre 2001 et 2002 parmi le personnel du campus universitaire de Jussieu (à Paris) pouvant être liés à une exposition passive à l'amiante. Aucun décès par mésothéliome n’a été enregistré par le CepiDc au 01er janvier 2005 parmi les personnels ayant fait l’objet d’une exposition passive intra-murale chez les personnels du Tripode (tour Beaulieu) à Nantes, mais 1 cas de décès par fibrose pulmonaire a fait l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle.


Avis des professionnels

Les professionnels de santé s’accordent sur le fait qu’il est, en 2008, impossible de proposer des estimations de risque pour la santé associé aux expositions environnementales à l’amiante pour la population française, qui permettraient de prédire des risques à venir, sur la base de données d’exposition à l’échelle populationnelle.

  • Quels sont les bénéfices attendus de l’identification des sujets exposés de manière environnementale à l’amiante ?
    D’un point de vue médical, et au regard du bénéfice thérapeutique attendu, modéré voire faible (mésothéliome et cancer bronchopulmonaire), la mise en œuvre d’un dépistage des personnes ayant été exposées de manière environnementale à l’amiante n’est pas justifiée. L’objectif d’une consultation médicale (pour les personnes ayant une pathologie liée à l’amiante ou qui consulteraient leur médecin pour une exposition environnementale à l’amiante) est de faire un bilan de leur état de santé, de les informer sur les risques liés à l’amiante, de rechercher une exposition à d’autres produits cancérigènes passée ou présente et de faire cesser un éventuel tabagisme chronique.
  • Quelle est la population le plus à risque ?
    Selon le type d’exposition environnementale, la population exposée correspond à l’ensemble d’un bassin d’agglomération, l’environnement d’un site industriel, une région comportant un site géologique. Le risque de cancers liés à l’amiante concerne essentiellement les patients exposés à un niveau intermédiaire fort ou à un niveau élevé d’amiante, en raison d’une relation dose-effet bien documentée dans la littérature. Il faut donc cibler l’information sur les personnes les plus exposées ; l’OMS a estimé en 2000 que 5 % de la population générale dans les pays industrialisés étaient exposés à des concentrations environnementales élevées d’amiante. 

 

Conclusion et préconisation de la Haute Autorité de santé

Au regard des données disponibles en 2008, il est impossible de préciser le pourcentage de la population française qui a été exposée à l’amiante et, au sein de celle-ci, le pourcentage de personnes qui développeront une pathologie liée à l’amiante. Aucune donnée ne permet d’affirmer qu’il existe un seuil d’exposition au-dessous duquel ce risque est nul. L’hypothèse la plus vraisemblable est que le risque sanitaire lié à une exposition environnementale à l’amiante est inférieur au risque lié à l’exposition professionnelle. Le mot amiante est porteur d’inquiétude : toute campagne d’information sur le risque sanitaire de l’exposition environnementale à l’amiante devra être objective et pragmatique, et mise en perspective avec les risques de la vie courante, des maladies de l’âge et des cancers.

Pour les situations d’exposition environnementale forte à l’amiante ayant fait l’objet d’une étude de l’InVS particulière et documentée les expérimentations pilotes de recherche active et de suivi de populations cibles ayant été exposées de manière environnementale à des niveaux élevés d’amiante doivent être poursuivies. Ces expérimentations, ainsi que les travaux de l’InVS et les données du Fiva, pourront permettre de déterminer des critères géographiques (populations vivant à proximité d’une zone d’affleurement d’amiante, populations ayant vécu autour des sites de broyage d’amiante ou des mines d’extraction) ou autres pour identifier les populations cibles.

Pour toutes les autres situations d’exposition environnementale à l’amiante, le niveau d’exposition est considéré comme faible à modéré et les personnes exposées doivent être rassurées.
Le bénéfice médical attendu ne justifie pas d’inquiéter les populations ayant pu être exposées à l’amiante et de leur faire subir des examens paracliniques de manière répétée dans le cadre d’une campagne de dépistage. Cependant, chez les personnes consultant leur médecin traitant pour une symptomatologie compatible avec une exposition à l’amiante, à l’exclusion de tout autre diagnostic clinique possible, le type d’exposition devra être recherché. Chez les personnes pour lesquelles une pathologie liée à une exposition environnementale aura été confirmée (sujets ayant une asbestose, un mésothéliome, un cancer bronchopulmonaire ou des plaques pleurales), il conviendra de se référer aux recommandations de suivi des sujets exposés professionnellement à l’amiante (ces recommandations doivent être prochainement actualisées par la HAS). Les malades identifiés pour lesquels une enquête rétrospective confirmerait l’existence d’une exposition environnementale à l’amiante pourront demander une indemnisation auprès du Fiva.

En complément de la mise en ligne du rapport complet, la HAS a décidé de diffuser une fiche d’information médecin sur le risque sanitaire de l’exposition environnementale à l’amiante.