[Interview] Chirurgie de l’obésité : ce qu’il faut savoir avant de se décider !

Actualité - Posted on Jan 07 2020

La chirurgie de l’obésité aide à perdre du poids durablement et à contrôler certaines maladies. Néanmoins, se faire opérer est une décision importante et nécessite une bonne préparation. Le point avec le Dr Judith Aron-Wisnewsky, service de Nutrition, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université et Claudine Canale, vice-Présidente du Collectif national des associations d’obèses, Présidente de l'association les Poids Plumes France.

Quand envisager une chirurgie de l’obésité ?

Dr Judith Aron-WisnewskyDr J.A-W. La chirurgie de l’obésité peut être envisagée lorsqu’une personne qui a été suivie pendant 6 à 12 mois pour modifier son mode de vie (équilibre alimentaire, activité physique adaptée) ne parvient pas à perdre du poids. Elle concerne les personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40 mais aussi celles dont l’IMC est supérieur à 35 en présence de complications dont on sait qu’elles vont s’améliorer après l’intervention (par exemple le diabète, l’arthrose, l’apnée du sommeil…). La recherche de contre-indications est fondamentale. Elles peuvent être temporaires et nécessiter une préparation spécifique plus longue. Lorsqu’elles sont définitives, une prise en charge alternative est proposée au patient. Tout ceci est évalué au cours de la préparation dont la durée est variable d’un patient à l’autre afin d’espérer des résultats pérennes. L’intervention est enfin décidée lors d’une réunion pluridisciplinaire (qui regroupe médecin nutritionniste ou endocrinologue, diététicien, chirurgien, psychologue ou psychiatre et parfois anesthésiste).

Dr. Claudine canaleC.C. Oui, c’est important cette préparation en amont de la chirurgie. Quand on est patient, on trouve toujours que c’est trop long mais après, on en comprend tout l’intérêt pour ne pas reprendre du poids. J’ajouterais que, avant l’opération, il faut prendre le temps de discuter avec l’équipe, sentir qu’elle est à notre écoute, s’assurer qu’on a bien compris toutes les conséquences. Parler avec d’autres personnes qui ont bénéficié de cette intervention, déjeuner avec elles pour voir comment ça se passe concrètement, est également très utile. Il existe des associations dans toute la France qui peuvent nous accompagner dans cette démarche.

Quelles sont les techniques chirurgicales actuelles ?

Dr J.A-W. Il existe deux types de techniques : les techniques restrictives qui diminuent la quantité d’aliments ingérés et les techniques mixtes qui, en plus, diminuent l’assimilation des aliments par l’organisme.
La sleeve est la principale technique restrictive utilisée aujourd’hui.
Parmi les techniques mixtes, le bypass en Y, qui existe depuis plus de 30 ans, est la plus utilisée. La dérivation biliopancréatique est, quant à elle, réservée à des situations spécifiques (IMC supérieur à 50 et/ou échec d’une autre technique) mais très peu réalisée en France ou dans le monde car elle engendre des risques de dénutrition supérieur à toutes les autres techniques. Enfin le bypass en oméga (improprement appelé mini bypass) est une technique récente, qui n’a pas encore fait ses preuves.

C.C. Avant l’opération, le médecin ou le chirurgien doit nous informer sur le type de chirurgie envisagée en précisant bien les éventuelles complications possibles, de façon que nous puissions prendre la décision en toute connaissance de cause. Quelle que soit la technique, il faut garder en tête que l’objectif n’est pas seulement la perte de poids mais aussi l’amélioration de sa santé et de sa qualité de vie.

Pourquoi doit-on être suivi à vie après cette opération ?

Dr J.A-W. La chirurgie de l’obésité n’est pas une solution miracle. C’est une solution qui fonctionne quand on a mis en place un nouveau mode de vie et que, de surcroit, on est suivi à vie. Le suivi sert à s’assurer qu’il n’y a pas de complications médicales ou chirurgicales, à dépister et prendre en charge les complications nutritionnelles (comme le manque de vitamines), à aménager les traitements des pathologies existant avant l’opération mais aussi à prendre en charge une éventuelle reprise de poids. C’est le rôle de l’équipe spécialisée mais aussi du médecin traitant, voire d’autres spécialistes.

C.C. C’est vrai qu’au bout de quelques années de suivi, on peut avoir envie de vivre « normalement », on peut se laisser aller et reprendre du poids. Si c’est le cas, il faut reprendre contact très rapidement avec l’équipe pour ne pas laisser le poids s’installer. Il faut bien comprendre que c’est un changement de vie radical pour soi et pour l’entourage, que beaucoup de choses vont changer et qu’il est important de suivre le protocole mis en place avant la chirurgie en termes d’équilibre alimentaire et d’activité physique.

Les conseils à retenir

  • Bien se renseigner et discuter avec l’équipe spécialisée avant de prendre sa décision
  • Rencontrer des personnes ayant été opérées
  • Accepter d’avoir un suivi régulier à vie notamment avec la prise de vitamines
  • Modifier avant et après l’intervention son mode de vie et ses habitudes alimentaires

Zoom sur la technique du bypass en oméga

Les techniques de bypass gastrique sont fréquemment utilisées dans la chirurgie de l’obésité en France. Mais si le bypass dit en Y a été évalué et validé, le bypass dit en oméga ne l’avait encore jamais été. Au terme de son évaluation, la Haute Autorité de santé préconise de ne plus avoir recours au bypass en oméga lorsque l’anse fait 200 cm ou plus et est défavorable à son remboursement dans le traitement chirurgical de l’obésité en raison de données insuffisantes pour établir son efficacité et des complications graves associées.

Elle recommande que les patients qui ont déjà été opérés bénéficient du même suivi que ceux opérés selon la technique du bypass en Y, avec une vigilance particulière sur la survenue des complications nutritionnelles. La HAS précise qu’une fibroscopie doit également être réalisée cinq ans après l’intervention en bypass en oméga.

En 2020, la HAS va continuer son travail d’évaluation des techniques chirurgicales pour le traitement de l’obésité avec un état des lieux des techniques actuellement en cours de développement.

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