Avis n° 2021.0061/AC/SEESP du 23 août 2021 du collège de la HAS relatif à la définition des populations à cibler par la campagne de rappel vaccinal chez les personnes ayant eu une primovaccination complète contre la Covid-19
Depuis plusieurs semaines, la France traverse une quatrième vague de l’épidémie de Covid-19 liée notamment à l’émergence sur l’ensemble du territoire national du variant Delta. Pour anticiper les prochaines échéances de la campagne de vaccination, le Directeur général de la santé a d’abord saisi la Haute Autorité de santé le 29 juin 2021 afin d’identifier la nature des données nécessaires pour permettre d’évaluer la pertinence éventuelle d’une dose de rappel après une primovaccination complète contre le SARS-CoV-2.
Dans son avis du 15 juillet 2021, la HAS a estimé que sur la base des données disponibles mi-juillet, il n’y avait pas d’argument pour recommander l’administration d’une dose de rappel au-delà des personnes ciblées par les annonces gouvernementales, et ce, quels que soient les vaccins initiaux. La pertinence d’une dose supplémentaire en population générale pourrait être établie si une diminution de la protection contre la Covid-19 dans le temps était mise en évidence (et pas seulement sur la base d’une baisse du taux d’anticorps), ou si un nouveau variant « résistant » aux vaccins actuellement disponibles émergeait sur le territoire.
Le 12 août 2021, le ministère de la santé a confirmé la mise en place d’une campagne de rappel de vaccination pour les populations à risque à partir de mi-septembre. Les populations ciblées par cette campagne sont les résidents des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD), les personnes de plus de 80 ans vivant à leur domicile, celles qui présentent un très haut risque de forme grave selon la liste établie par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, et les personnes immunodéprimées qui ont déjà reçu 3 doses et en recevront une quatrième.
À la suite à cette annonce, la HAS a de nouveau été sollicitée par saisine, notamment sur l’opportunité d’étendre la campagne de rappel à d’autres populations.
À qui s’adresse ces recommandations ?
Elles s’adressent aux pouvoirs publics
Quels sont les objectifs de cette recommandation ?
Le 18 août 2021, le Directeur général de la santé a adressé une nouvelle saisine à la HAS pour solliciter son avis sur l’opportunité d’étendre à d’autres populations la campagne de rappel prévue à l’automne et sur la probabilité qu’à terme un rappel vaccinal en population générale soit nécessaire. La HAS est également interrogée sur le type de vaccin à ARNm à privilégier pour la campagne de rappel et sur l’opportunité en termes de santé publique d’articuler la campagne de rappel contre la Covid-19 avec la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière dès lors que les populations éligibles seraient superposables.
Dans la suite de son avis du 15 juillet 2021, la Haute Autorité de santé a poursuivi la surveillance active des nouvelles données disponibles, avec une attention particulière sur les échecs vaccinaux et les données d’efficacité des vaccins contre la Covid-19 (en vie réelle et dans les essais cliniques) permettant d’identifier rapidement d’éventuelles situations de baisse de la protection conférée par la vaccination et justifiant de ce fait d’envisager une dose de rappel.
Principales conclusions de la recommandation
Les études observationnelles récentes suggèrent une baisse de l’efficacité au cours du temps de tous les vaccins, en particulier contre le variant Delta. Cette baisse de protection concerne essentiellement l’efficacité contre l’infection et contre les formes symptomatiques, l’efficacité contre les formes graves restant à un niveau élevé, quel que soit le vaccin administré. Cette baisse ne touche pas seulement les personnes âgées et les populations à risque de formes graves, mais ces populations demeurent les plus affectées. La HAS insiste néanmoins sur le fait que ces études observationnelles présentent des limites méthodologiques qui peuvent affecter les estimations de l’efficacité des vaccins et que la moindre efficacité suggérée par certaines études récentes nécessite d’être confirmée par d’autres études et dans le temps. En outre, la HAS rappelle qu’il n’y a pas de corrélat de protection établi à ce jour et que les tests sérologiques, quels qu’ils soient, ne permettent pas de conclure à l’éligibilité ou non d’une personne à une dose de rappel.
S’il paraît très probable qu’une injection de rappel 6 à 12 mois après une primovaccination complète procurera effectivement un effet « boost » sans problème particulier de tolérance, comme c’est le cas pour la plupart des vaccins, l’administration d’une dose de rappel à distance de la primovaccination n’est toutefois pas prévue à ce jour dans les autorisations de mise sur le marché conditionnelles des différents vaccins disponibles. Ainsi, comme c’est le cas dans les différents pays ayant d’ores et déjà annoncé des campagnes de rappel en population générale, cet avis est-il rendu en amont de la validation par l’agence européenne du médicament de la possibilité d’administrer une dose de rappel, afin d’anticiper l’organisation d’une campagne couplée grippe/Covid-19 dont la mise en œuvre (à partir de la fin de l’automne), n’interviendra qu’après l’avis formel de l’EMA.
Ainsi, sur la base des données actuellement disponibles, la HAS propose-t-elle l’administration d’une dose de rappel pour les personnes de 65 ans et plus, ainsi que pour toutes les personnes présentant des comorbidités augmentant le risque de formes graves et de décès dus à la Covid-19. La HAS précise que ce seuil d’âge de 65 ans a été défini en cohérence avec la stratégie de priorisation de la campagne de vaccination contre le SARS-CoV-2 (personnes les plus à risque de forme grave ou de décès liés à la Covid-19) et avec la population ciblée par la vaccination antigrippale, facilitant ainsi l’articulation avec la campagne de vaccination antigrippale. Ce seuil d’âge pourra toutefois être abaissé dès lors que de nouvelles données le justifieront.
Dans ce contexte et conformément à son avis du 12 mai 2021 , et sous réserve d’absence d’interférence immune significative entre les deux types de vaccins dans les études en cours, la HAS propose, pour éviter tout retard à la vaccination antigrippale et simplifier le parcours vaccinal, de procéder à l’administration concomitante du rappel des vaccins contre la Covid-19 et du vaccin contre la grippe saisonnière dès lors qu’une personne sera éligible aux deux vaccinations, la majeure partie des publics prioritaires ciblés par la campagne vaccinale antigrippale présentant également des facteurs de risques de formes graves de Covid-19.
La HAS recommande de respecter un délai minimal de 6 mois entre la primovaccination complète et l’administration d’une dose de rappel (le début de la campagne de rappel pouvant ainsi débuter au cours de l’automne pour ces populations).
Par ailleurs, compte tenu des études observationnelles récentes démontrant la protection insuffisante conférée par une seule dose de vaccin (Comirnaty, Spikevax ou Vaxzevria) contre les formes symptomatiques liées au variant Delta, et du manque de donnée disponible permettant de confirmer l’efficacité à long terme du schéma de vaccination à une dose du vaccin Covid-19 Janssen contre le variant Delta, la HAS estime nécessaire de recommander l’administration d’une dose supplémentaire dès à présent aux personnes primovaccinées avec le vaccin Covid-19 Janssen. Ainsi, en cohérence avec son avis du 8 juillet 2021 , la HAS recommande qu’une deuxième dose avec un vaccin à ARNm (Comirnaty ou Spikevax) soit proposée aux personnes primovaccinées avec le vaccin Covid-19 Janssen à partir de 4 semaines après la première injection.
La HAS considère qu’il n’y pas, à ce jour, de donnée en faveur de l’administration systématique d’une dose de rappel au-delà des personnes ciblées dans cet avis. Toutefois, la HAS considère que l’administration d’une dose de rappel deviendra probablement nécessaire au cours des mois qui viennent, sans qu’il soit encore possible à ce stade de se prononcer précisément, ni sur la population cible ni sur le calendrier. La HAS sera donc amenée à revoir ses recommandations lorsque des données nouvelles le justifieront. De même, la HAS se prononcera sur la pertinence éventuelle de l’administration d’une dose de rappel chez les personnes qui ont fait une infection post-vaccinale à la lumière de données complémentaires sur ces situations spécifiques.
La HAS est également interrogée sur le type de vaccin à ARNm à privilégier pour la campagne de rappel. La HAS considère que, quel que soit le vaccin utilisé pour la primovaccination, un vaccin à ARNm doit être utilisé pour le rappel mais qu’il n’y a pas d’argument à ce jour pour recommander préférentiellement un vaccin par rapport à l’autre pour la dose de rappel, les deux vaccins à ARNm disponibles (Comirnaty et Spikevax) étant tous les deux très efficaces contre les formes graves de Covid-19, y compris celles liées au variant Delta. Une personne primovaccinée avec le vaccin Comirnaty pourra recevoir une dose de rappel avec le vaccin Comirnaty ou avec le vaccin Spikevax indifféremment, et inversement.
La HAS réaffirme, enfin, que la priorité pour les prochaines semaines est de tout mettre en œuvre afin d’augmenter la couverture vaccinale, en particulier dans la classe d’âge des plus de 80 ans pour laquelle la couverture vaccinale complète est encore insuffisante (79,9%) malgré leur grande vulnérabilité face à la maladie. La HAS rappelle en outre qu’une meilleure couverture vaccinale est nécessaire au niveau mondial pour endiguer la pandémie. Il est également indispensable de maintenir un haut niveau d’adhésion aux mesures barrières, y compris chez les personnes ayant reçu un schéma de vaccination complet, une baisse d’efficacité étant observée vis-à-vis du variant delta, en particulier contre l’infection et la transmission.
Ces conclusions sont établies sur la base des connaissances scientifiques actuelles et dans le contexte épidémiologique français. Elles seront donc nécessairement réexaminées à la lumière des nouvelles données à venir.