Dépistage du cancer bronchopulmonaire par scanner thoracique faible dose sans injection : actualisation de l’avis de 2016
La Haute Autorité de santé (HAS) a publié en 2016 un rapport sur l’évaluation de la pertinence du dépistage du cancer bronchopulmonaire (CBP) en France. Ce premier rapport concluait que les conditions de mise en œuvre du dépistage (performance, qualité, efficacité, sécurité) du CBP par scanner thoracique faible dose (ou tomodensitométrie ou TDMfd), chez les personnes fortement exposées au tabac ou l’ayant été, n’étaient pas réunies. Depuis, de nouvelles publications amènent à s’interroger de nouveau sur la pertinence d’un programme de dépistage du CBP par TDMfd. Ainsi, la HAS a entrepris une actualisation de l’évaluation faite en 2016 sur la performance et l’efficacité du dépistage du CPB par TDMfd (organisé ou opportuniste) ciblé sur la population ayant un risque élevé de CBP.
La HAS estime que l’état des connaissances est encore incomplet et insuffisamment robuste pour la mise en place d’un dépistage systématique et organisé du CBP en France. Cependant, les données montrant une diminution de la mortalité spécifique et autorisent l’engagement d’un programme pilote visant à documenter : les modalités de dépistage, la performance/efficacité et l’efficience, les contraintes organisationnelles et les dimensions éthiques et sociales, ceci en testant plusieurs scénarios possibles et sur plusieurs rangs de dépistage.
Ainsi, la HAS recommande la réalisation d’expérimentation en vie réelle au regard du système de soin français pour répondre aux questions en suspens.
Les éléments de contexte
Le cancer du poumon est classé parmi les cancers de mauvais pronostic (taux de survie nette standardisée à 5 ans de 20 %), car il est le plus souvent diagnostiqué à un stade tardif (diagnostic de cancers de stade IV avec extension métastatique dans 40 % à 55 % des cas avec un taux de survie nette standardisée à 5 ans de 4 %). Ce cancer représente un lourd fardeau sur le plan de la sévérité (1ère cause de décès par cancer avec 33 100 décès annuels) et de la fréquence (3ème rang des cancers incidents avec 46 300 nouveaux cas annuels).
En France, aucun programme de dépistage organisé n’a été mis en place. A l’étranger en 2021 seuls les États-Unis (dépistage ciblé par TDMfd mis en place avec un taux de participation estimé à 15 %), la Chine (dépistage ciblé par TDMfd en cours de mise en œuvre) et la Corée du Sud (incitation au dépistage avec une prise en charge financière) proposent des programmes de dépistage en routine.
Les auteurs des recommandations des institutions étrangères (hormis les États-Unis et la Chine) publiés de 2016 à 2021 ne préconisent pas la mise en œuvre à grande échelle du dépistage du CBP par TDMfd en l’état des connaissances en 2021 , mais ils soulignent l’importance à la réalisation d’essais cliniques de grande envergure, pour vérifier la performance en vie réelle de la procédure attendue, affiner les modalités de dépistage (absence de consensus sur les modalités de dépistage) et évaluer sa faisabilité.
L’état des connaissances sur la performance technique et de l’efficacité clinique du test de dépistage TDMfd du cancer du poumon
L’actualisation de la revue de la littérature synthétique (revues systématiques avec ou sans méta-analyses publiées entre 2016 et 2021), confirme les résultats rapportés en 2016, à savoir que le dépistage du CBP par TDMfd diminue la mortalité spécifique, et entraîne aussi une diminution du taux de cancers détectés à un stade avancé avec un niveau de preuve élevé, ce qui est en faveur d’une pertinence d’un dépistage du CBP par TDMfd.
Toutefois, il reste des critères de jugement non ou insuffisamment évalués par manque de données : la VPP, les sensibilité et spécificité du test et de la procédure. L’augmentation du risque de surdiagnostic doit être confirmée par des études de meilleure qualité et le taux de faux positif et d’examens complémentaires doivent être estimés au regard des modalités de dépistage retenues.
L’absence de limitation démontrée des effets délétères du dépistage et l’absence de données sur la performance intrinsèque et extrinsèque de la TDMfd sont à documenter avant une mise en place éventuelle d’un programme national de dépistage systématique et organisé du CBP.
Les éléments restant à évaluer pour la mise en place d’un dépistage du CBP
L’ensemble des dimensions à évaluer pour la mise en œuvre d’un programme de dépistage n’a pas fait partie de l’actualisation de la littérature de ce rapport d’orientation. Les objectifs de l’analyse de ces critères sont listés ci-après à titre informatif :
Population cible : définition des critères d’éligibilité de la population cible (notamment, au regard de l’exposition à un risque élevé de CBP), acceptation de la population cible vis-à-vis du dépistage, impact psychologique de ce dépistage,
Sécurité du dépistage : conséquences de l’exposition répétée aux rayons X, classification des nodules pulmonaires et suivi, risques concernant le taux de complications graves liées aux examens de confirmation diagnostique, le taux de surdiagnostic et de surtraitement et l’impact psychologique du dépistage,
Efficience du dépistage : les modalités de dépistage qui seront les plus efficientes selon l’intervalle de temps entre les examens de dépistage, la durée totale de répétition des examens de dépistage sur la vie entière,
Procédure de dépistage : modalités et algorithme (notamment la définition et la stratégie de gestion des nodules pulmonaires suspects, impact du sexe sur le risque de CBP, apport de l’intelligence artificielle
Aspects organisationnels et éthiques dont les inégalités de santé : avantages et inconvénients de la mise en œuvre d’un dépistage systématique en France, tant du point de vue des patients, que du personnel de santé ou de l’organisation des structures de soins.
Des expérimentations en vie réelle au regard du système de soin Français nécessaires
Des expérimentations françaises d’envergure sont nécessaires pour permettre de répondre aux différents points en suspens et statuer sur les modalités de dépistage du CBP, en vue d’une part pour évaluer la performance intrinsèque et extrinsèque d’un dépistage du CBP par TDMfd appliqué à une population française, d’autre part de définir les modalités de dépistage les plus adaptées au système français (dépistage opportuniste ou organisé, fréquence et durée des cycles) et les populations cibles (catégories d’âge, exposition tabagique, autres facteurs de risque).
Différentes modalités de dépistage devront être testées en vie réelle sur une période suffisamment longue pour appréhender l’impact du rang du dépistage sur l’efficacité et les effets délétères et ainsi garantir des résultats reproductibles de façon pérenne sur la morbi-mortalité. Ces études permettront de disposer de données selon différents scénarios de dépistage (ciblé, opportuniste ou organisé) et ainsi identifier la stratégie la plus l’efficiente, les éventuels problèmes organisationnels (faisabilité et impact sur les pratiques professionnelles) et éthiques.
L’INCa et la HAS, poursuivront leur travail commun pour pouvoir répondre aux besoins et questionnements de la population et des professionnels de santé sur la pertinence du dépistage du cancer de poumon par scanner thoracique à faible dose, en particulier en ciblant les expérimentations à même de répondre aux questions encore en suspens.