Dépistage de l’amyotrophie spinale : Évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal à l’amyotrophie spinale en population générale en France

Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 10 juil. 2024

Le dépistage néonatal (DNN) est une intervention de santé publique visant à détecter dès la naissance certaines maladies rares mais graves. L’objectif est de mettre en œuvre, avant l’apparition de symptômes, des mesures appropriées afin d’éviter ou de limiter les conséquences négatives de ces maladies sur la santé des enfants. En France, ce dépistage fait l’objet d’un programme national.

La Haute Autorité de santé (HAS) s’est autosaisie pour évaluer la pertinence d'inclure l’amyotrophie spinale dans le programme national de DNN.

L’amyotrophie spinale (SMA) est une maladie neuromusculaire génétique rare qui se caractérise par une faiblesse musculaire progressive pouvant conduire, dans sa forme la plus sévère, au décès de l’enfant avant l'âge de 2 ans. Entre 2017 et 2021, plusieurs thérapies géniques ont émergé dans le but de limiter, voire prévenir le développement de la maladie. Ces traitements devant être administrés chez les nourrissons en phase présymptomatique pour être plus efficaces, le dépistage de la SMA en période néonatale permettrait d’identifier les cas concernés avant l’apparition et le développement irréversible des symptômes.

Recommandation de la HAS

  • Considérant les éléments suivants qui plaident pour la mise en place du dépistage à la naissance, notamment : la gravité démontrée de la SMA, en particulier le type I, forme la plus sévère, d’apparition précoce et entraînant le décès de l’enfant concerné, l’histoire naturelle de la maladie rapportant une phase présymptomatique propice au DNN, la disponibilité d’un examen de dépistage à la naissance reconnu (qPCR), l’enjeu vital d’une information reçue en temps utile permettant la prise en charge rapide avant la survenue de symptômes irréversibles, l’existence de traitements efficaces modifiant l’histoire naturelle de la maladie, le bénéfice individuel d’un diagnostic précoce pour une réduction de l’errance diagnostique et une prise en charge optimisée,
  • Prenant également en considération le fait qu’il s’agisse d’une maladie rare pour laquelle il serait très difficile d’objectiver un impact favorable du dépistage sur un échantillon même très important et que seule une mise en place exhaustive sur tout le territoire permettrait cette objectivation :
    • la HAS recommande l’extension du dépistage néonatal à l’amyotrophie spinale (SMA) par la technique de qPCR en population générale ;
    • la HAS recommande que, pour les cas de SMA ayant quatre copies ou plus du gène SMN2, une information et un soutien psychologique soient apportés aux parents et une surveillance médicale de l’enfant soit mise en place, dans l’optique d’une prise en charge rapide en cas d’apparition de premiers symptômes ;
    • la HAS considère que la mise en place de ce dépistage implique que toutes les étapes menant à l’initiation du traitement visent sa réalisation au plus tard à un mois suivant la naissance. Pour cela, un respect strict des délais de chacune des étapes de la séquence complète du dépistage à l’initiation du traitement est indispensable ;
    • il conviendra de veiller à ce que ce programme national soit harmonisé et fluidifié sur l’ensemble du territoire afin d’éviter des inégalités régionales.


Modalités de mise en œuvre

La HAS recommande que :

  • le dépistage de la SMA soit mis en œuvre, idéalement en même temps que celui du DICS, ces deux maladies bénéficiant de la même technique de dépistage ;
  • l’ajout de la SMA au programme de DNN se fasse sur le même carton buvard que les autres maladies actuellement dépistées et que le carton reste disponible au sein du CRDN pour réaliser sans délai les contrôles nécessaires ;
  • le carton buvard soit revu pour faire apparaître le consentement d’un ou des parents pour les examens génétiques de dépistage ;
  • l’ensemble des surfaces de dépôt des échantillons de sang du carton buvard soient remplies pour permettre le dépistage de toutes les maladies incluses au programme.
  • L’organisation devra être adaptée pour respecter strictement l’ensemble des délais, en particulier les délais d’instauration du traitement, condition indispensable au succès du dépistage.


Délais de rendu des résultats du dépistage et du diagnostic

La HAS recommande :

  • aux maternités de transmettre les cartons buvards de prélèvement sanguin aux centres régionaux de dépistage néonatal (CRDN) quotidiennement ;
  • que le délai de dépistage permette de rendre le diagnostic le plus tôt possible et au maximum 20 jours après la naissance pour une initiation du traitement la plus précoce possible et au maximum à 30 jours de vie. Même si le délai de mise en place du traitement tient notamment compte d’un délai d’annonce, d’assimilation de l’information et d’organisation, il ne doit pas excéder la fin du premier mois après la naissance, pour permettre une prise en charge optimale du nouveau-né concerné.

Plus particulièrement, la commission « dépistage néonatal » de la filière FILNEMUS vise, dans son protocole de DNN et de prise en charge de la SMA, les délais suivants :

  • délai cible de rendu du résultat positif aux parents : J7 ;
  • délai de convocation des parents : 24 à 48 h ;
  • délai pour la RCP : dans les 72 h suivant la 2e consultation ;
  • mise en route du traitement : entre J15 et J20.


Algorithme de dépistage

La HAS recommande que soit utilisé un algorithme de dépistage validé en concertation avec la filière relative aux maladies neuromusculaires - FILNEMUS.

Protocoles de prise en charge des enfants

La HAS recommande que des protocoles standards de prise en charge soient définis pour les enfants atteints de SMA, tout en précisant les étapes et la nécessité d’un traitement combinatoire et/ou d’une prise en charge non médicamenteuse, le cas échéant.

Formations et informations

La HAS recommande :

  • que l’élargissement du DNN à la SMA soit accompagné d’une formation de l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le DNN. Cette formation devra porter tant sur les aspects techniques que sur les aspects relationnels, en particulier sur la délivrance de l’information aux familles ;
  • que la délivrance du résultat positif du dépistage et du diagnostic soit assurée par un médecin expérimenté, connaissant bien la SMA et sa prise en charge ;
  • que soit proposé aux familles un accompagnement psychologique par un professionnel connaissant bien la SMA dès l’annonce du diagnostic, y compris pour les parents d’enfants ayant quatre copies ou plus du gène SMN2 ;
  • qu’une première information sur le DNN soit donnée aux parents pendant la grossesse, au cours des consultations prénatales du troisième trimestre ;
  • que soit développé du matériel d’information adapté aux différents publics (notamment des fiches FALC (facile à lire et à comprendre)), y compris les parents et les futurs parents, les professionnels de santé impliqués dans le DNN et la prise en charge des malades dépistés, les familles ainsi que le public en général.


Moyens techniques et ressources

  • La HAS recommande la mise à disposition de moyens humains, matériels et financiers suffisants dédiés à la mise en œuvre de ce dépistage, au suivi, à la remontée des données et à son évaluation (jalonnée et finale).


Suivi et évaluation

La HAS rappelle l’importance des indicateurs signalés dans l’annexe I de l’arrêté du 28 février 2018, dont le respect permettra d’évaluer le délai d’obtention du prélèvement, le délai de son acheminement, sa qualité, le délai de réalisation des examens biologiques de dépistage, le délai de rendu du résultat, les résultats du DNN, la prévalence des nouvelles maladies dépistées ici recommandées, la performance de l’examen (faux positifs, VPP, faux négatifs), etc.

La HAS recommande :

  • de vérifier que la mise en place du nouveau dépistage génétique ne nuit pas aux dépistages biochimiques déjà en place pour d’autres maladies (augmentation des refus des parents ou difficultés logistiques supplémentaires) ;
  • qu’une surveillance proactive sur les paramètres de réalisation de ce dépistage et de la prise en charge qui en découle soit instaurée pour rectifier rapidement les différents circuits si des écarts sur les délais sont constatés ;
  • que le registre national SMA France, déjà en place, s’articule avec le programme de DNN pour en améliorer l’exhaustivité et la pertinence des critères relevés. Un chaînage du registre avec le SNDS est à envisager pour recueillir davantage de données sur la prise en charge et les coûts associés ;
  • que tous les patients SMA symptomatiques, correspondant à de potentiels faux négatifs non repérés lors du DNN en raison d’une mutation ponctuelle du gène (environ 5 % des cas), soient inclus dans le registre national ;
  • que des études cliniques de suivi soient conduites pour évaluer l’efficacité et la sécurité des traitements innovants sur le long terme, en fonction du nombre de copies de SMN2 ;
  • que la surveillance médicale des patients ayant quatre copies ou plus du gène SMN2 soit définie et fasse l’objet d’un protocole permettant de standardiser les pratiques au niveau national (types d’examen, fréquence…) afin de garantir une prise en charge rapide en cas d’apparition de premiers signes cliniques ;
  • que soit réévaluée la possibilité de traiter les cas de SMA ayant quatre copies ou plus du gène SMN2 à la lumière des futures données cliniques disponibles sur la possibilité de les traiter dès la naissance.

Cette recommandation en santé publique est destinée aux décideurs publics.

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