Évaluation de la pertinence d'un dépistage systématique de l'infection à cytomégalovirus (CMV) au cours de la grossesse

Public Health guideline - Posted on Jun 17 2025

Le CMV, fréquent et transmissible notamment de la mère à l’enfant, peut entraîner des séquelles graves chez le fœtus en cas de primo-infection maternelle au premier trimestre. Bien que souvent asymptomatique, l’infection congénitale à CMV représente un risque important de complications auditives et neurologiques. Jusqu’en 2025, les autorités sanitaires françaises ne recommandaient pas de dépistage systématique, en raison du manque de preuves sur l’efficacité des traitements et du rapport bénéfice/risque incertain. Toutefois, la diffusion progressive du dépistage et l’usage croissant du valaciclovir, malgré l’absence d’AMM, ont conduit à une remise en question de cette position.

Dans ce contexte, la HAS a été saisie par la Direction Générale de la Santé pour réévaluer l’opportunité d’un dépistage systématique, conformément à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024.

Au terme de son évaluation, ayant tenu compte des données de la littérature sur les performances des tests sérologiques, du traitement par valaciclovir, des bénéfices potentiels du dépistage, des enjeux éthiques, des pratiques en France, des recommandations à l’étranger, d’auditions et de contributions d’experts, de parties prenantes et d’institutions, la HAS recommande :

  • De mettre en place un dépistage systématique national, à destination de toutes les femmes enceintes dont le statut sérologique est négatif ou inconnu. Cette mesure fera l’objet d’une réévaluation au terme de trois années de mise en œuvre, afin d’en apprécier la pertinence et d’envisager éventuellement sa reconduction.
  • La poursuite du dispositif, au-delà de cette période initiale de 3 ans, sera conditionnée à une évaluation reposant sur des données scientifiques complémentaires. Ces données devront être produites à travers : la mise en place d’études spécifiques, le développement de systèmes d'information adaptés, ou encore l’ajustement des dispositifs existants de collecte de données, en réponse aux incertitudes identifiées dans les considérants ci-dessus. 

La mise en place du programme de dépistage systématique devra être accompagnée des mesures suivantes :

  • Information des patientes : des supports d’information devront être diffusés auprès des femmes enceintes, pouvant être élaborés par la HAS, afin de garantir leur consentement libre et éclairé. Ces documents rappelleront notamment les mesures d’hygiène préventive destinées à limiter le risque d’infection, en particulier chez les femmes séronégatives.
  • Formation des professionnels : des actions de formation devront accompagner le déploiement du dispositif afin d’assurer une mise en œuvre homogène et conforme aux recommandations.
  • Évaluation des outils diagnostiques : une actualisation de l’évaluation de la performance des tests de dépistage devra être réalisée par la HAS.
  • Précautions particulières accompagnant le traitement par valaciclovir : chez la femme enceinte sous traitement par valaciclovir, la prévention des effets secondaires rénaux sera réalisée par le maintien d’une hydratation suffisante et l’administration du traitement en plusieurs doses réparties sur le nycthémère. De plus, l’administration concomitante de médicaments potentiellement néphrotoxiques devra être évitée. Bien que le valaciclovir n’ait pas montré de risques particuliers sur le développement du bébé dans les études disponibles, une surveillance obstétricale adaptée est recommandée à titre de sécurité.

La HAS préconise par ailleurs la réalisation d’études pour lever les incertitudes énoncées ci-avant et notamment concernant :

  • Les données épidémiologiques nationales (séroprévalence maternelle, fréquence et gravité des complications néonatales et chez l’enfant) ;
  • La sécurité du valaciclovir sur le long terme et à plus large échelle ;
  • L’effet du valaciclovir sur les infections du fœtus/nouveau-né (fréquence et gravité des complications néonatales et chez l’enfant) ;
  • La performance globale de la séquence des tests (IgG, IgM, avidité IgG) incluant le test de confirmation diagnostique ;
  • La fréquence, en vie réelle, des situations nécessitant une reprise de la sérologie chez les femmes enceintes, notamment l’avidité des IgG, à travers des études observationnelles prospectives ;
  • La surveillance du développement des complications chez le nouveau-né à moyen et long terme, pour lesquels les mères auraient été traitées pendant leur grossesse par valaciclovir, à travers des études prospectives en conditions réelles.

La HAS préconise également de ne recourir qu’à des tests d’avidité des IgG ayant des seuils minimums de performance, en termes de sensibilité et de spécificité, respectivement de 95 % et 95 % (obtenues en conditions réelles d’utilisation), dans le cadre de la séquence actuellement utilisée (IgM, IgG, avidité IgG).

Concernant les modalités organisationnelles et le consentement éclairé des femmes enceintes : la mise en place d’un dépistage systématique du CMV nécessitera une réorganisation des pratiques, incluant la formation des professionnels de santé et des protocoles harmonisés pour le suivi des femmes enceintes à risque. Il impliquera par ailleurs de développer une information adaptée aux femmes enceintes en termes de bénéfices, de risques et d’incertitudes persistantes concernant le dépistage.

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