Violences : repérer, protéger, accompagner
[Témoignages] Prévenir la violence entre mineurs en établissement
En tant que professionnel travaillant en établissement accueillant des mineurs au titre de la protection de l’enfance confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et de la justice pénale relevant de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), vous êtes probablement confrontés à des actes de violence entre mineurs. Le point sur la prévention, le traitement et l’accompagnement de ces violences avec Renaud Hard, chef de projet à la mission protection de l’enfance de la HAS, qui a coordonné ces travaux.
L’essentiel
- Les actes de violence au sein des établissements de protection de l’enfance sont fréquents.
- Les repérer permet une intervention avant l’acte, ou à défaut une intervention suffisamment précoce pour limiter les effets délétères de l’acte violent.
- Pour permettre des interventions préventives auprès des adolescents, il est nécessaire de définir un cadre institutionnel procurant une sécurité de base aux adolescents et aux professionnels.
Explications de Renaud Hard, chef de projet à la mission protection de l’enfance de la HAS, qui a coordonné ces travaux.
Types de violences gérées ?
Nous avons identifié six types de violences que le professionnel peut être amené à gérer à tout moment :
- verbales (insultes, etc.) ;
- psychologiques (sexisme, chantage, etc.) ;
- contre les biens (dégradations, vols, etc.) ;
- sexuelles ;
- physiques (au sens large, du crachat à la tentative de meurtre) ;
- et les cyber-violences.
Le professionnel doit être en mesure d'intervenir face à ces types de violences à partir des outils développés collectivement.
Toutefois, les formes de violences sont différentes d'un établissement à l'autre et évoluent en fonction de l'évolution des modes de communication et des relations entre adolescents.
Il est donc nécessaire de se concentrer sur celles rencontrées au sein de l'établissement.
Repérer les contextes déclencheurs de violences ?
Le repérage permet une intervention avant l’acte, ou à défaut une intervention suffisamment précoce pour limiter les effets délétères de l’acte violent.
Nous recommandons des actions structurelles, comme la mise en place de reportings des incidents pour systématiser leur analyse et essayer ainsi d’identifier des éléments déclencheurs récurrents, des zones ou des temps à risques. Quels sont les actes de violences les plus souvent observés et quels en étaient les contextes ? Quelle organisation de travail dans l’établissement à ce moment-là ? Quels éléments saillants issus du parcours personnel de l’adolescent (retour de week-end, membre de la famille qui réapparaît, date anniversaire d’un évènement, etc.) ? Et comment cela s’est-il traduit en termes d’attitude dans les minutes précédant l’acte de violence ? Ces reportings, fondés sur les observations quotidiennes des équipes éducatives, devraient permettre de restituer cette « montée » vers le passage à l’acte afin d’en identifier le mécanisme de déclenchement. Si l’on parvient à déconstruire ce mécanisme, il sera plus facile ensuite pour l’éducateur d’anticiper, de prévenir la prochaine situation de risque de passage à l’acte.
Comment intégrer la problématique des violences entre mineurs en établissement social ?
Le premier fondement d’une politique de prévention est l’affirmation dans le projet d’établissement de l’interdit de toute forme de violence. Cet interdit doit être porté par l’ensemble des professionnels, en toute occasion.
Le deuxième fondement consiste à soutenir l’action des professionnels de l’établissement dans l’objectif de prévenir les effets négatifs engendrés par la confrontation à la violence, et de préserver leur capacité d’analyse et d’intervention pour protéger les adolescents lors d’un épisode violent. À titre d’exemple, l’organisation de temps d’analyse de la pratique professionnelle est considérée comme une bonne pratique par la littérature scientifique étudiée.
Enfin, l’individualisation de l’accompagnement de l’adolescent, dès la phase d’admission, facilite le repérage des ressources du mineur, de ses facteurs de risque et de protection, de ses capacités d’adaptation à un nouveau cadre, etc. Ce repérage permettra de construire des pratiques éducatives adaptées aux besoins de l’adolescent et prenant en compte ses ressources personnelles.
Trois grands champs d’intervention préventive auprès des adolescents
Personnaliser l’accompagnement de l’adolescent. Selon les cas, cette action peut se traduire par le renforcement de ses compétences psycho-sociales, par des actions de prévention relatives à la consommation de substances psychoactives, ou par une aide spécifique à l’usage des supports numériques. Il existe par exemple des programmes d’aide au développement de l’estime de soi, à la gestion des émotions, etc.
Mobiliser les ressources familiales, relationnelles et institutionnelles de l’adolescent. Il s’agit d’associer à la démarche toute personne issue de sa famille (parents ou famille élargie) ou de son réseau d’amis, ayant été identifiée comme bienveillante envers l’adolescent. Recueillir leur avis sur les objectifs et les actions envisagées pour prévenir les comportements violents de l’adolescent peut ainsi se révéler précieux.
Agir avec le collectif adolescent pour modérer les risques liés au groupe. À titre d’exemple, puisque l’influence des pairs est déterminante à cet âge, les hiérarchies existantes ou en voie de constitution dans les groupes de jeunes doivent être repérées et régulées par les professionnels.
Chiffre clé
3 870 incidents entre mineurs ont été relevés en 2015 dans les établissements de la Protection de l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse selon le récent rapport de la HAS relatif à la bientraitance.
Infographie " Prévenir, traiter et accompagner les violences entre adolescents dans les établissements d’accueil en protection de l’enfance "
Consulter les documents de référence sur La prévention de la violence entre les mineurs adolescents au sein des établissements d’accueil.
* Propos recueillis par Citizen press. Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leur auteur.