Éducation thérapeutique – Patients et soignants, tous engagés !

Article HAS - Mis en ligne le 29 nov. 2018 - Mis à jour le 12 juin 2019

Dix ans après une première évaluation, la HAS a passé en revue la littérature internationale consacrée à l’efficacité des stratégies d’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour les maladies chroniques les plus fréquentes. Les conclusions montrent que la plus-value de l’ETP est rarement mesurée dans de bonnes conditions. Néanmoins, la HAS a relevé plusieurs conditions favorables à sa mise en place. Elle propose des orientations pour renforcer la place de l’éducation thérapeutique dans le parcours de soins du patient et des repères pour les professionnels afin d’évaluer et analyser son efficacité. Explications d’Anne-Françoise Pauchet-Traversat*, du service évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours de la HAS.

 

À quelles conditions un programme d’éducation thérapeutique fonctionne-t-il ?

Les interventions éducatives apportent de réels bénéfices si elles sont couplées à une stratégie thérapeutique acceptée mutuellement et à un suivi médical régulier. Les informations délivrées au patient sont indispensables, pour autant elles ne sont pas suffisantes pour s’adapter au mieux à la maladie, aux changements de mode de vie et à la contrainte des traitements.

En effet, le programme d’ETP offre de meilleurs résultats lorsqu’il est personnalisé : les patients nouvellement diagnostiqués et ceux qui ont une expérience de la vie avec la maladie n’apprendront pas la même chose, c’est évident ! Il y a également des moments plus opportuns que d’autres pour l’apprentissage de la gestion de la maladie. Ainsi, le professionnel de santé doit bien connaître le patient afin de lui proposer des objectifs thérapeutiques et éducatifs atteignables. Le programme doit également être renforcé dans le temps. Enfin, un plan d’action clair, écrit, doit être établi pour une bonne gestion de la maladie au quotidien ou encore en cas d’urgence. L’ETP peut parfois sauver une vie !

 

Vous parlez de moments plus opportuns pour proposer des interventions éducatives : quels sont-ils ?

Oui, les interventions doivent être précoces, spécifiques et se poursuivre tout au long de la maladie chronique pour actualiser les compétences acquises par le patient.

Elles peuvent ainsi être proposées :

  • dès les suites de l’annonce du diagnostic de la maladie pour développer des compétences de sécurité ;
  • dans une période de stabilisation de la maladie pour aller progressivement vers l’apprentissage de la gestion de la maladie et un processus dynamique et continu d’adaptation ;
  • dans les suites précoces d’un incident, d’une crise, d’une décompensation, d’une hospitalisation ;
  • en cas de difficultés dans l’autogestion de la maladie, de repérage du moment où les effets des interventions éducatives diminuent ;
  • en cas d’apparition de complications ou lors de tout changement du contexte de vie qui peut avoir une influence sur l’autogestion de la maladie ;
  • et pour renforcer les compétences acquises, les actualiser, les maintenir dans le temps.

 

Pouvez-vous citer un exemple concret d’une approche personnalisée mise en place ?

Parlons de l’asthme, par exemple. Chez l’adulte, l’apprentissage de la technique d’inhalation seul a rarement conduit à des bénéfices cliniques importants et à une amélioration de la qualité de vie. Il est plus efficace que le professionnel de santé l’associe à l’observation régulière de la technique en face-à-face. C’est l’occasion d’aborder avec le patient le plan d’action personnalisé de l’asthme, notamment la prévention, la gestion des symptômes au jour de jour et les actions en cas de crise d’asthme et de promouvoir une éducation plus large à l’autogestion de la maladie.

 

Qu’en est-il des patients atteints de polypathologies ? L’ETP peut-elle être adaptée ?

Oui, pour permettre à un patient de gérer de manière concomitante plusieurs traitements, des symptômes, des changements de mode de vie, des auto-surveillances, d’exercer une vigilance au quotidien tout en faisant face à des limitations fonctionnelles et de vie sociale, en gardant une qualité de vie acceptable. Cependant, cela nécessite davantage du « cousu-main » pour accompagner le patient pas à pas. Une réflexion sur les stratégies éducatives spécifiques de la polypathologie est nécessaire et la HAS va y travailler.

 

Quelle est la place du professionnel de santé (médecin, infirmier, etc.) dans la réussite d’une intervention éducative ?

Elle est essentielle. Comme nous l’avons dit, l’ETP nécessite un suivi régulier ; les effets sur la santé se voient sur le long terme. Ainsi, le rôle des professionnels de santé est de s’assurer que le patient est en capacité de suivre le programme, de tenir compte de ses difficultés, de valoriser ses efforts ou au contraire, de lui redonner confiance lorsqu’il se décourage. Si le patient est insuffisamment accompagné, il abandonnera le programme, c’est une certitude.

Une attention particulière doit également être portée aux patients rencontrant des difficultés d’accès ou de traitement de l’information en santé, que ce soit pour des raisons sociales, culturelles ou encore linguistiques : les séances éducatives peuvent alors être plus intensives.

Dans ce sens, la HAS a promu plusieurs démarches qui permettent de s’assurer que les informations et les consignes reçues par le patient sont retenues et bien prises en compte, notamment la démarche « Faire dire » - communiquer avec son patient(1). La formation continue des professionnels et des équipes de soins est primordiale.

 

Quels besoins expriment les patients dans les études que vous avez évaluées ?

Les patients attendent une écoute active de la part des soignants pour livrer leurs difficultés, un partage des décisions pour s’accorder sur les objectifs de la prise en charge et des priorités et une reconnaissance de leur expérience de gestion de la maladie au quotidien. Par exemple, les patients atteints de diabète ou d’obésité ont besoin d’être davantage accompagnés pour gérer la maladie sur les plans émotionnel et psychologique. Certaines initiatives, comme les camps de vacances, proposent un environnement sûr pour de telles expériences, même si cela peut être perçu comme « stressant » par certains patients notamment chez les jeunes.

Aujourd’hui, les effets des programmes d’éducation sont essentiellement mesurés à partir des données cliniques et biologiques de suivi, des connaissances des patients et de l’acquisition des compétences d’auto-soins. Moins sur les capacités d’autogestion, sur le vécu : comment s’adapter en permanence à la situation et à l’évolution de la maladie, trouver un équilibre, comment mieux vivre sa maladie à l’école, au travail, comment en parler à son entourage, etc. Certains moments charnières de la vie (grossesse, adolescence, grand âge, etc.) requièrent également une attention particulière de la part du professionnel. Tout cela doit être reconnu.

 

Existe-t-il des outils pour prendre en compte ce vécu du patient ?

Des guides sont disponibles pour les équipes de soins afin d’évaluer les effets du programme d’ETP du point de vue des patients et des médecins traitants. L’objectif est d’améliorer les interventions éducatives, leur organisation et leur continuité. On y trouve des exemples de questions ouvertes qui facilitent l’évaluation.

Concernant les équipes, la démarche du « patient traceur en ville » et en établissement de santé est disponible pour recueillir, de manière rétrospective via un entretien individuel, le point de vue du patient sur sa prise en charge et de le croiser avec celui des soignants. Là encore, un guide d’entretien est proposé.

Concernant la mesure de la satisfaction des patients, des questionnaires développés par des équipes fournissent une information utile, mais difficilement généralisable. Pour aller plus loin, des outils de mesure de l’utilité des interventions éducatives pour le patient seraient à construire ou à adapter.

 

L’analyse des travaux menés depuis dix ans a confirmé la difficulté de mesurer l’efficacité et l’efficience de l’ETP et de pouvoir conclure. Quelles sont les pistes d’amélioration proposées par la HAS ?

Des efforts doivent être fournis pour que les patients aient une meilleure compréhension de l’intérêt de l’ETP afin de leur permettre de s’impliquer et de mieux gérer leur maladie dans le temps. L’ETP doit être incluse dans la stratégie thérapeutique proposée. La qualité de la prise en charge doit garantir l’intégration de l’ETP à la démarche de soin.

Nous avons également besoin de plus de retours d’expérience côté patients et professionnels de santé et de davantage de recherche de bonne qualité. La participation des patients aux côtés des chercheurs permettrait de sélectionner des critères pertinents pour faire avancer l’éducation thérapeutique.

La HAS souhaite, de son côté, renforcer la cohérence des pratiques autour des maladies chroniques en introduisant l’ETP de manière plus systématique dans ses travaux.

 

 

 L’éducation thérapeutique en chiffres

  • 4 000 programmes d’ETP mis en œuvre en 2014
  • L’éducation thérapeutique reste en majorité une pratique hospitalière : seulement 5 à 20 % des programmes d’ETP sont assurés en ambulatoire (ville, centres de santé, consultation à l’hôpital, etc.) selon les régions - jusqu’à 40 % en pédiatrie en Ile-de-France. (Données transmises par la DGS et plusieurs ARS)

 

 

 Les pathologies les plus représentées dans les programmes d’éducation thérapeutique en France

  • Les diabètes (type 1 et 2)
  • Les maladies cardio-vasculaires et respiratoires
  • Mais aussi : l’obésité, les cancers, l’insuffisance rénale chronique, les pathologies ostéo-articulaires, ou encore le VIH
  • Des programmes pour patients porteurs de polypathologies commencent à être mis en œuvre.

 

* Propos recueillis par Caroline Dubois (HAS) et Citizen Press

 

(1) Inspirée des outils internationaux existants (Teach-back, Show-me, Closing-the loop ou ASK me 3)

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