Fracture de la hanche : optimiser la prise en charge des patients âgés

Web page - Posted on Nov 06 2017 - Updated on Jun 12 2019

La HAS, en collaboration avec la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), et la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), a réalisé une fiche points clés intitulée « Orthogériatrie et fracture de la hanche ». L’objectif est d’aider l’ensemble des professionnels à s’organiser pour répondre au mieux aux besoins de la personne âgée victime d’une fracture de la hanche.
Explications du Pr Philippe Merloz, chirurgien orthopédiste et ancien président de l’Académie d’orthopédie-traumatologie et du Dr Albert Scemama, du service évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours à la HAS*.

 

Entretien avec le Pr Philippe Merloz, chirurgien orthopédiste et ancien président de l’Académie d’orthopédie-traumatologie.


Quelles sont les particularités de la prise en charge de la personne âgée après une fracture de la hanche ?
Lorsqu’on prend en charge des personnes âgées qui ont une fracture de la hanche, il faut prendre en compte leur fragilité liée à l’avancée en âge (c’est-à-dire la réduction multisystémique de leurs réserves fonctionnelles et cognitives, limitant les capacités de leur organisme à répondre au stress, même mineur). Cette fragilité implique une expertise multiple mobilisant tous les acteurs du parcours de soins : infirmières, gériatres, pharmaciens, chirurgiens, rééducateurs, … Il est essentiel de mettre en place dans les services une organisation orthogériatrique à même de répondre aux besoins spécifiques de la personne âgée. L’objectif est l’amélioration du pronostic, le maintien du statut fonctionnel et le retour du patient dans son lieu de vie antérieur.


Quels sont les points les plus importants en préopératoire ?

Dès l’admission aux urgences, un bilan de la chute et du syndrome gériatrique s’imposent. Il convient également de prendre en charge au plus tôt la douleur qui peut être à l’origine de troubles cognitifs. Rapidement, le patient doit être dirigé vers un service de chirurgie orthopédique. Si le patient est stable, on opère sans tarder et s’il est instable on organise un rapide bilan médical gériatrique et anesthésique. L’étape d’évaluation des réserves fonctionnelles et cognitives est capitale car elle permettra d’évaluer le risque de dépendance. Celui-ci est estimé entre 10 et 20 % après une fracture de la hanche. Dans tous les cas, il faut pratiquer l’intervention chirurgicale dans un délai maximal de 48 h après l’entrée aux urgences. Des travaux récents montrent que le taux de mortalité est multiplié par deux si l’on opère après ce délai. A propos de l’intervention, le souci constant du chirurgien orthopédiste doit être de choisir une technique qui permettra un appui complet le plus précocement possible (voir lien en bas de l’article).


Quels sont les points clés du suivi postopératoire ?

Après l’intervention, il faut optimiser les soins postopératoires qui prendront en compte la complexité des soins gériatriques. Il y a deux modèles pertinents : l’unité de gériatrie avec présence d’orthopédistes ou l’unité mixte gériatrique et orthopédique. Celles-ci permettent de réduire les délais d’intervention et les durées de séjour, et peuvent favoriser une mobilisation plus précoce. Faire travailler ensemble les orthopédistes et les gériatres améliore le taux de survie et réduit le taux de réadmission. A Grenoble, nous avons une unité d’orthogériatrie de 10 lits - bientôt 16 - cogérée par les orthopédistes et les gériatres. Les informations diagnostiques, thérapeutiques et de suivi sont partagées par email entre tous les acteurs de soins. Nous les mettons à jour toutes les 12 heures pour l’ensemble des patients.


Que prévoir au moment de la période de rééducation ?
La phase de rééducation est toujours longue et parfois incertaine. Aujourd’hui, seuls 50 % des patients retrouvent une activité quotidienne comparable à celle qu’ils avaient avant la fracture de la hanche. La rééducation est un moment essentiel… Il faut prévenir les nouvelles chutes en agissant sur les déficiences sensorielles, la malnutrition,  la sarcopénie et la polymédication. Il faut aussi éviter la survenue d’une nouvelle fracture de la hanche en traitant l’ostéoporose avec un bisphosphonate et une supplémentation en vitamine D. Il ne faut pas oublier d’inciter les patients à l’activité physique. La rééducation après une fracture la hanche est longue. Elle peut durer 12 mois et doit impliquer l’ensemble des acteurs en ville et à l’hôpital.

 

Le 6 novembre 2017
Pr Philippe Merloz – chirurgien orthopédiste – ancien président de l'Académie d'orthopédie-traumatologie

Déclaration d'intérêts
Consultez la déclaration d'intérêt du Pr Philippe Merloz

Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leur auteur.

 

Une coproduction HAS, Sofcot, SFGG

Ce travail est le fruit d’une coproduction de la HAS avec deux sociétés savantes. Il répond aux exigences de la HAS en matière de gestion des conflits d’intérêts, de méthode et de rigueur scientifique. Un groupe de travail, composé d’experts reconnus en chirurgie orthopédique et en gériatrie, s’est réuni. Après avoir effectué une analyse exhaustive de la littérature, il a réalisé une fiche points clés et son argumentaire. Ces documents ont été enrichis par un groupe de lecture pluriprofessionnel et multidisciplinaire. Les documents ont été adoptés par les instances représentatives de la Sofcot et de la SFGG ainsi que par le Collège de la HAS.  Ils seront portés par ces trois institutions.

 

Les objectifs de cette fiche points clés

Cette fiche a pour objectif de redéfinir avec les professionnels, et aux regards des données probantes, les soins les plus pertinents et les organisations les plus efficientes dans le parcours hospitalier d’un patient âgé victime d’une fracture de la hanche, de son arrivée au service des urgences jusqu’à son retour à domicile.

Cette fiche points clés décrit les soins pré et postopératoires d’une fracture de la hanche et les modalités de mise en œuvre d’une organisation orthogériatrique. Ils doivent permettre une prise en charge optimale du patient et une réduction du délai opératoire à moins de 48h, avec pour objectifs une réduction de la morbi-mortalité et des risques de perte d’autonomie liée à la fracture, mais aussi iatrogène liée à l’hospitalisation.

 

Les cibles de cette fiche points clés

Cette fiche s’adresse aux professionnels de santé, ainsi qu’aux directeurs des établissements hospitaliers et à leurs tutelles. La mise en place d’une organisation orthogériatrique associant orthopédistes et gériatres dans un hôpital ou une clinique, telle que décrit dans ce document, nécessite une volonté commune des services d’orthopédie et de gériatrie et  du directeur de l’établissement. Certaines ARS soutiennent déjà ce type d’organisation.

Ces documents ont notamment vocation à aider ces différents acteurs, chacun à leur niveau, à améliorer la prise en charge hospitalière des personnes âgées victimes d’une fracture de la hanche et ses conséquences.

 

  Les chiffres-clés

66 000 personnes âgées sont victimes d’une fracture de la hanche chaque année (50 000 femmes et 16 000 hommes). L’âge moyen, au moment de la fracture, est de 83 ans chez les femmes et de 80 ans chez les hommes. Dans l’année suivant la fracture :

  • 10 à 30 % deviennent dépendantes ;
  • 25 % entrent en institution ;
  • 20 à 24 % décèdent dans l’année qui suit la fracture.

En 2015, le coût direct de la fracture de la hanche, en France, était estimé à environ 1 milliard d’euros.



L’organisation orthogériatrique

L’organisation orthogériatrique est un nouveau modèle d’organisation multimodale et multiprofessionnelle. Elle vise à la remise en condition physique, psychologique et sociale du patient âgé victime d’une fracture grave. Sous le terme d’orthogériatrie, on regroupe tout ce qui concerne directement les soins périopératoires, le traitement chirurgical, la réadaptation et la prévention secondaire fracturaire de la personne âgée hospitalisée pour une fracture ou une autre affection relevant de la chirurgie orthopédique, dès lors que les gériatres sont intervenants de la filière.


* Propos recueillis par Sabine Marette (HAS) & l’Agence Citizen press

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