Déclarer et analyser les évènements indésirables graves : comprendre pour agir

Article HAS - Mis en ligne le 03 févr. 2017 - Mis à jour le 12 juin 2019

Le bilan des évènements graves associés à des soins (EIGS) reste lourd[1] en France malgré le déploiement de moyens de gestion des risques depuis 20 ans. Certainement parce que l’organisation et la dispensation des soins sont des activités complexes où le facteur humain prédomine. Car il faut bien reconnaître que personne n’est infaillible. Nous faisons tous des erreurs, les professionnels de santé compris ! Cependant, ce constat n’est pas une fatalité. Il est possible d’agir et de se mobiliser ! Déclarer les évènements indésirables graves permet de tirer des enseignements et de mettre en place des actions correctives, au bénéfice des patients.

 

Un récent décret invite tous les professionnels de santé à déclarer et analyser de façon approfondie les évènements indésirables graves survenant dans leur pratique, pour les comprendre, en tirer des enseignements et ainsi mieux maîtriser les risques médicaux.

Le dispositif est articulé au niveau régional en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) et une structure régionale d’appui, ainsi qu’au niveau national avec la participation de la HAS. Cette dernière va, pour la première fois en France, stocker les déclarations d’évènements graves associés à des soins (EIGS) anonymisées dans une base informatique pour réaliser un retour d’expérience.

Le décret du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des EIGS va permettre l’application plus effective d’un article de la loi sur les droits des patients[2]. Pour rappel, depuis 2002, la loi donne obligation aux professionnels de santé de déclarer tous les évènements graves qu’ils ont constatés lors de leur exercice à leur agence régionale de santé.

Le décret d’application aura mis 14 ans pour être promulgué, témoignage de la difficulté à faire bouger les consciences et les comportements dans le domaine de la sécurité des soins. Mais le résultat est à la hauteur de la culture acquise en gestion des risques depuis une décennie.


Tous les professionnels, toutes les organisations et tous les soins sont concernés

Ce décret, ambitieux, couvre l’ensemble des soins réalisés «... lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention... »[3], quels que soient les endroits où ils sont délivrés (ville, établissements de santé ou structures médico-sociales).


Il faut déclarer quand l’évènement est inattendu et les conséquences graves

Ce décret donne une définition réglementaire de l’EIGS en précisant qu’il s’agit « d’un évènement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale ».

L’idée est de porter l’effort sur les évènements indésirables les plus graves, les moins acceptables. Mais, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas travailler sur les autres évènements. Tous les évènements indésirables touchant les patients, quelle que soit leur gravité, doivent être pris en considération par les professionnels et les organisations. C’est le message soutenu par la certification des établissements de santé ou par l’accréditation des médecins par exemple.


Une déclaration en deux temps comprenant une analyse profonde et collective

Ce décret est également novateur dans son application en positionnant les professionnels de santé, les équipes de soins, les structures régionales d’appui et les ARS, au cœur d’un dispositif de signalement les impliquant fortement dans la déclaration, l’analyse et le traitement des EIGS. 

Après une information rapide de l’ARS (partie 1 de la déclaration[4]) lui permettant d’être impliquée dans le processus immédiat de gestion de l’événement, le décret donne un délai de trois mois au déclarant pour réaliser une analyse approfondie de l’événement et chercher des mesures à mettre en place pour limiter la survenue de cet événement ou ses conséquences (partie 2 de la déclaration). Autant que possible, cette analyse est collective et réalisée en faisant participer les professionnels impliqués dans la prise en charge du patient.

L’envoi de la deuxième partie de la déclaration à l’ARS au maximum trois mois après, permet de démontrer l’autonomie et la capacité des professionnels et des organisations à analyser leur propre fonctionnement et identifier les actions correctives à réaliser.

Ayant participé à leur conception, les professionnels seront plus à même de mettre en œuvre et de respecter sur le long terme ces actions.


Un appui méthodologique régional pour les professionnels

Les acteurs de santé bénéficient de l’assistance d’une structure régionale d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients qui peut les accompagner dans l’analyse de l’événement. Pour cela, la structure doit être préalablement reconnue par l’ARS qui la mandate dans ces démarches.


Et la création d’un retour d’expérience national à la HAS

Le décret missionne la HAS dans l’exploitation d’un retour d’expérience des EIGS en France.

Après avoir été présente en amont dans la conception méthodologique du dispositif[5], la HAS va recevoir toutes les analyses des EIGS après leur traitement par les ARS. Ces évènements seront anonymisés préalablement à leur envoi à la HAS, qui les colligera dans une base de retour d’expérience (base REX-EIGS).

L’objectif assigné à la HAS est d’exploiter ces informations au niveau national, après le temps local et régional, pour en tirer des enseignements permettant de faire progresser la sécurité des soins.

En parallèle, et en cohérence avec le programme national pour la sécurité des patients[6] (PNSP) la HAS va s’attacher à développer des outils, des méthodes et des enseignements à destination des professionnels de santé pour promouvoir la déclaration et l’analyse des évènements indésirables d’une façon générale, et soutenir le développement de ce dispositif dédié à ceux qui sont graves.


Alors oui ! Il faut déclarer et analyser les évènements graves qui surviennent, pour les comprendre et les prévenir !

Si des événements graves associés à des soins auprès des patients sont amenés à survenir, l’objectif de ce décret, vous l’avez compris, est d’essayer autant que possible de tirer des enseignements de ces expériences malheureuses et de partager les actions préventives ou correctives qu’il sera possible d’identifier. Cette démarche est réalisée par les professionnels de santé à tous les niveaux : local (individuel, équipe, organisations), régional et enfin national, et dans tous les secteurs : en ville, en structures médico-sociales et en établissements de santé… bien entendu, au bénéfice de tous les patients.

Philippe Chevalier – Mission sécurité du patient – HAS

 

Dispositif de déclaration des EIGS

 


[1] Etude ENEIS I et II.

[2] Article L1413-14 du code de la Santé publique créé par la loi de 2002 sur les droits des patients et mis à jour en 2016 par la loi de Santé : « Tout professionnel de santé ou établissement de santé ou établissement et service médico-social ayant constaté une infection associée aux soins, dont une infection nosocomiale ou tout autre événement indésirable grave associé à des soins réalisés lors d'investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d'actions de prévention doit en faire la déclaration au directeur général de l'agence régionale de santé. Ces dispositions s'entendent sans préjudice de la déclaration à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé des événements indésirables liés à un produit mentionné à l'article L. 5311-1. ».

[3] Décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves modifiant l’article R. 1413-67 du code de la Santé publique.

[4] Art. R. 1413-70. Un arrêté du ministre chargé de la Santé précise la forme et le contenu des deux parties du formulaire de déclaration ainsi que les modalités de leur transmission par voie électronique. « Cette déclaration est faite dans des conditions qui garantissent l'anonymat du ou des patients et des professionnels concernés à l'exception du déclarant. Le formulaire ne comporte notamment ni les noms et prénoms des patients, ni leur adresse, ni leur date de naissance, ni les noms et prénoms des professionnels ayant participé à leur prise en charge ».

[5] Programme national pour la sécurité des patients, axe 2.

[6] Instruction DGOS/PF2/2013/298 du 12 juillet 2013 relative au Programme national pour la sécurité des patients.