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  Centre hospitalier de Lunéville – 192 lits + 10 places – Prises en charge : MCO et SLD
- Thomas Baum, responsable du service gestion des risques, évaluation-qualité
- Cécile Cosson, gestionnaire de risques
- Nicolas Perot, qualiticien
- Alexandre Ribes, qualiticien

Guillemet gauche Comprendre le quotidien et la « vraie vie » plutôt que l'excellence ponctuelle donne confiance aux équipes... Guillemet droit

Quelle est votre perception de ce nouveau mode de visite de certification associant audit de processus et méthode du patient traceur ?

Ce nouveau mode de visite a été grandement apprécié par les équipes des différents secteurs visités : bloc opératoire, service de chirurgie, services de médecine. Il est en fait en lien direct avec la réalité du terrain et du quotidien des équipes.
En effet, il y a une véritable évaluation de la réalité – organisation et qualité des soins – et non plus des procédures, modes opératoires ou protocoles décrivant une organisation ou une qualité théorique ou idéale.
Les organisations et la qualité des soins s'appuient sur une transparence, ce qui confère une sincérité aux échanges. Les constats réalisés par les visiteurs de la HAS gagnent en objectivité, voire en pertinence.
Cette expérience de la réalité de terrain est perçue comme une manière concrète de voir et d'objectiver l'organisation et la vie des soignants. Elle est pédagogique, de par le dialogue qui s'est engagé entre les visiteurs de la HAS et les équipes du CHL. Les suggestions, propositions d'amélioration et idées émises par les visiteurs face à des défaillances, dysfonctionnements, problèmes observés lors de la visite, sont bien acceptées par les équipes du CHL. Le mode de visite a engendré beaucoup moins de stress pour les équipes qui ne s'y étaient pas du tout préparées mais qui en étaient informées. Le questionnement des visiteurs sur ce que les équipes font tous les jours a particulièrement été apprécié.
Comprendre le quotidien et la « vraie vie » plutôt que l'excellence ponctuelle donne confiance aux équipes dans la décision finale qui sera émise par les visiteurs sur le niveau de certification.
Le mode de visite permet des réajustements rapides sur les éventuels écarts observés et motive les équipes pour les considérer comme la base de réflexion pour l'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins.                                                  

Concrètement, comment se sont déroulés le parcours « patient traceur », la préparation dans les services et la rencontre avec les équipes de soins ?

Les patients ont été choisis en concertation avec les équipes soignantes en temps réel au moment de la visite du service. De manière générale, les patients retenus avaient une prise en charge complexe. Les patients ont été informés de cette visite par les médecins des services et leur consentement a été sollicité. Aucun n'a refusé la démarche qui a été également expliquée aux familles.

Que pensez-vous du principe de rencontrer un patient et/ou son entourage ? Pour votre établissement, comment cela s’est-il passé ?

La rencontre avec le patient permet d'apporter une dimension réelle, réaliste et humaine autour de cette notion de qualité de prise en charge. Elle permet en plus de valoriser le travail accompli par les professionnels.
Le patient et/ou son entourage ont été à même de se rendre compte de certains dysfonctionnements concernant sa prise en charge et de les relater aux visiteurs de la HAS. Ce point angoisse quelque peu les soignants.
Le patient peut ne pas être entièrement objectif car il lui manque des connaissances essentielles pour juger de la qualité des soins prodigués. L'entretien sur la perception qu'a le malade de sa prise en charge peut être discordant avec la réalité. N'étant pas professionnel de santé, il ne peut donner son avis que sur un ressenti, forcément partial.
Ce risque d'interprétation et de manque d'objectivité pose problème aux soignants. Ils craignent que l'opinion des experts soit influencée de façon négative. Cette crainte est d'autant plus vraie que les visiteurs rencontrent un échantillon restreint de patients. Cet échantillon risque de ne pas être le reflet de ce qui se passe dans tout l'établissement.
Pour autant, les discussions ont permis de relativiser cet impact que les soignants auraient pu craindre comme négatif. Les équipes du CHL espèrent que la qualité de l'expert permet de relativiser les choses s'il y a des écarts notés entre ce qui est dit par les équipes et ce qui est dit par le patient et/ou son entourage.

Dans le cadre de votre démarche d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de votre établissement, utiliseriez-vous cette méthode ?

La V2010, qui reposait sur une autoévaluation puis sur une visite permettant de vérifier l'atteinte de critères qualité référencés et la mise en œuvre d'une politique d'amélioration de celle-ci, n'a pas toujours bonne presse auprès des professionnels de santé du CHL.
L'implication et l'adhésion des personnels sont souvent très compliquées à obtenir en raison du temps à y consacrer. De plus, les équipes ont l'impression croissante d'être la cible d'investigations multiples, avec une composante de suspicion permanendes équipeste. Le nouveau mode de visite semble plus séduisant et supprime la perception de « certification = sanction éventuelle » qu'éprouvent les professionnels de santé.
La proximité d'investigation du nouveau mode de visite – c'est-à-dire les visiteurs au plus près des soignants et au plus près des patients – gagne en objectivité et tend à reconnaître le degré d'investissement professionnel.
Les organisations étant fortement influencées par les comportements humains, le nouveau mode de visite se distingue des méthodes et outils plus techniques tels les indicateurs ou les analyses de processus.
Cela semble rendre le mode de visite moins sujet à contestation et plus propice à l'acceptabilité des mesures d'amélioration. Cette approche structuro-comportementaliste nous paraît par conséquent intéressante à transposer pour établir un diagnostic sur les organisations.

Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leurs auteurs.

Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé

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Lettre Certification & Actualités n°8, Janvier-mars 2013