Comment les établissements de santé vivent les décisions de la HAS ?

Article HAS - Mis en ligne le 13 juil. 2012 - Mis à jour le 12 juin 2019

Fatalité ou opportunité, comment ces décisions sont-elles perçues par les établissements ? Comment communiquent-ils et comment s’organisent-ils ? La certification constitue-t-elle un levier pour la mobilisation des acteurs hospitaliers au service de la démarche qualité d’un hôpital ? Pour la HAS, ces modalités de suivi donnent à l’établissement de santé l’opportunité de montrer sa réactivité et sa dynamique dans la résolution des problématiques identifiées et de démontrer l’impact des démarches de certification.

À ce sujet,  Monsieur Laurent Flot-Arnould,  directeur, le Docteur De Varax, président de CME et Madame Catherine Roux, directeur des affaires générales et de la qualité nous font part de leur  expérience au centre hospitalier de Mâcon suite à une décision de surseoir à la décision de certification. Après visite de suivi à 12 mois,  la politique adoptée a permis de lever 19 décisions et de transformer une réserve majeure et trois réserves en recommandations.

 Centre Hospitalier de Mâcon :  728 lits et places MCO, SSR, SM, SLD et HAD

1) Comment avez-vous vécu ces deux dernières années et peut-on dire que c’est une satisfaction ?
Les deux dernières années ont été assez difficiles à vivre pour l’ensemble du personnel lors de la décision du collège de la HAS de surseoir à la décision de certification. Au bout de ce parcours chaotique et incertain, nous sommes satisfaits d’avoir pu lever les réserves majeures ainsi que la plupart des réserves et certaines recommandations. Il était important pour nous que l’établissement soit certifié et que l’on aborde la prochaine visite de certification en 2014  dans les meilleures conditions possibles.

2) Quels grands enseignements tirez-vous de cette procédure que ce soit en terme de management de l’établissement que sur le plan de la conduite de la démarche qualité et gestion des risques ?
Les grands enseignements que l’on peut en tirer sur la démarche qualité et la gestion des risques pourraient être les suivants :

  • la nécessité de mener les démarches qualité de manière pluridisciplinaire. En effet, si ceci a toujours été préconisé par la Haute Autorité de santé, les exigences du manuel de certification V2010 ainsi que les nouveaux enjeux liés à la sécurité des soins rendent incontournable cette forme d’approche ;
  • la qualité et la sécurité des soins est l’affaire de tous, médecins, soignants, administratifs, techniciens et non pas seulement de la direction qualité.

En ce qui concerne le management de l’établissement, cette expérience renforce la nécessité d’aborder tout nouveau projet avec une approche qualité afin de ne pas commettre des oublis en termes d’organisation, d’ergonomie ou de gestion des risques.

3) Comment avez-vous perçu  et analysé la décision de la HAS à l’issue de la visite de certification du centre hospitalier de Mâcon ? Comment éviter un effet de démobilisation du personnel ? Quelle communication emploie-t-on dans cette situation que ce soit vis-à-vis du personnel que des représentants des usagers ?
La réaction immédiate fut le choc et la sidération avec un sentiment mêlé de colère. En effet, la communauté hospitalière vivait jusqu’alors avec un sentiment d’appartenir à un établissement dynamique, vertueux et peu suspect de non qualité. La situation de l’établissement n’était déjà pas facile avec la mise en œuvre de deux plans de retour à l’équilibre qui impactaient tout particulièrement le fonctionnement et les projets  à venir. Et maintenant, c’était la certification ! Certaines décisions nous sont apparues justes, en particulier la réserve majeure sur le management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse alors que d’autres nous ont paru particulièrement sévères, notamment la réserve majeure sur l’information du patient en cas de dommage lié aux soins.

La réaction à chaud passée, nous avons essayé de dédramatiser et considéré le sursis comme une seconde chance  même si le travail à accomplir nous semblait colossal dans un délai aussi court. Les professionnels ont eu une réaction d’orgueil, les résultats de la certification n’étant pas le reflet de la prise en charge des patients au centre hospitalier de Mâcon. Une vigilance particulière a porté sur le risque de démobilisation du personnel.

Il a donc été décidé d’aborder les résultats de manière factuelle et d’expliquer pour chacune des décisions les raisons qui ont auguré le choix. Les modifications du manuel de certification avec notamment le fait que les experts avaient désormais une approche standardisée et axée sur les résultats. La dynamique qualité n’étant plus considérée comme un élément premier comme lors des itérations précédentes. Par ailleurs, il a été rappelé que le manuel de certification V2010 a été publié en juin 2009 pour une visite en février 2010. Le délai de mise en œuvre était donc très court. Enfin, les résultats reflétaient certaines problématiques et des débats que nous n’avions pas pu dépasser en interne.

4) Cette décision a-t-elle eu un effet levier sur certains sujets mal maîtrisés dans l’établissement et quelles ont été les principales actions mises en œuvre ?
L’urgence de la situation a conduit naturellement chacun d’entre nous à une remise en question et à réagir rapidement si on voulait saisir l’opportunité du sursis à la décision. Compte tenu des tensions que traversait l’établissement et à l’issue d’un long débat en Directoire, le président de la commission médicale d’établissement et le directeur ont proposé de constituer un groupe pluridisciplinaire dénommé « Groupe action qualité » (Gaq) composé de trois collèges : médecins – soignants, personnels administratifs –techniques – logistiques afin de lever les décisions et la présence obligatoire  de la cellule qualité. La coordination étant assurée par un praticien, la Direction qualité a géré en plus l’accompagnement et le support méthodologique auprès du groupe.

La constitution du Gaq s’est faite sur la base du volontariat mais en intégrant des personnes particulièrement concernées par les réserves majeures. Par exemple, la présence d’un pharmacien nous semblait incontournable. Le travail urgent à mener a permis d’avancer en unissant des forces pour réaliser un objectif commun. Le Gaq a décidé de mettre en place un groupe de travail qui avait pour objectif de créer un support unique de prescription et d’administration. Malgré les oppositions, ce document n’a plus été contesté. En contrepartie, le projet d’informatisation du circuit du médicament s’est accéléré, la plupart des professionnels souhaitant ne pas prolonger l’expérience du support unique.

En ce qui concerne les démarches de pertinence, la crainte du jugement des pratiques quotidiennes provoquait une forme de résistance. La méthode semble aujourd’hui être comprise. Des revues de pertinence sur la prescription du paracétamol par voie intraveineuse ou la pertinence des hospitalisations à partir de l’unité de chirurgie ambulatoire ont été menées. En ce qui concerne la gestion des déchets, là encore il a été possible d’arriver à un consensus et de mettre les moyens qui manquaient pour déployer le projet (augmentation des effectifs de l’équipe de collecte des déchets, sécurisation des locaux à DASRI, rédaction de procédures et amélioration du tri des déchets).

5) La réserve relative à la politique et à l’évaluation des pratiques professionnelles a été complètement levée. Comment avez-vous procédé ?
Un plan d’action de levée de la réserve relative à la politique et à l’évaluation des pratiques professionnelles a été formalisé par le Gaq. Le pilotage de ce dernier a été assuré par un quadrinôme composé d’un praticien, d’un soignant, d’un gestionnaire et d’un représentant de la direction qualité. Ce quadrinôme devait travailler sur les quatre critères relatifs aux EPP impactées par une décision de la HAS. L’objectif prioritaire était de déployer les démarches d’EPP dans l’ensemble des secteurs d’activité.

Dans un premier temps, le quadrinôme a recensé les démarches d’EPP obligatoires dans le cadre de la certification V2010. En parallèle, un courriel a été adressé à l’ensemble des praticiens pour connaître leur souhait de mener une démarche d’EPP, en particulier relative à la pertinence des soins.

Dans un second temps, les démarches recensées ont été présentées, par pôle clinique, lors d’un bureau de CME exceptionnel consacré à la qualité. L’objectif était d’avoir une première approche globale déclinée par pôle des démarches d’EPP obligatoires et souhaitées.

Dans un troisième temps, le quadrinôme a rencontré chacun des trinômes des cinq pôles cliniques. L’objectif était de formaliser un plan d’action par pôle et de prioriser les démarches au regard des enjeux pour l’établissement (notamment ceux de la certification V2010) et pour le pôle.

Dans un quatrième temps, un plan d’action global a été élaboré. Celui-ci était constitué de trois types de démarches :

  • les démarches prioritaires pour l’établissement ;
  • les démarches prioritaires pour les pôles ;
  • les démarches à inscrire dans un plan d’action ultérieur.

 

Ce plan d’action a été validé par le Directoire.
Une lettre de mission a ensuite été adressée à chaque chef de pôle pour attester les engagements pris en matière de conduite de démarches d’EPP. Les pilotes des démarches d’EPP ont été accompagnés par la cellule qualité pour la méthodologie de leur démarche. De plus, un kit EPP à destination des pilotes a été constitué afin de faciliter leur mise en œuvre. Ce kit comprend des documents types : compte-rendu de réunion, planification des actions, suivi…

Le centre hospitalier rencontrait un certain nombre de difficultés sur la mise en œuvre des pratiques professionnelles dans le sens où tous les secteurs ne menaient pas d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Par ailleurs, les revues de morbi-mortalité n’étaient pas organisées dans des spécialités pourtant bien implantées dans l’établissement. C’est ainsi 18 nouvelles EPP qui ont été initiées. Le Directoire a été systématiquement concerté sur le suivi et l’état d’avancement du plan de levée des réserves. À chaque Commission médicale d’établissement, le coordonnateur du Gaq a informé les membres de l’état d’avancement du plan d’action.

6) Et pour l’information du patient en cas de dommage lié aux soins qui faisait l’objet d’une réserve majeure ?
Un quadrinôme a piloté cette réserve majeure. Il était constitué de la directrice des soins qui a participé au groupe de travail en charge de l’élaboration du guide de la HAS sur l’information du patient en cas de dommage lié aux soins.  Son apport a été essentiel. La procédure a été rédigée mais surtout l’information des professionnels a reposé sur une sensibilisation au plus près des équipes à savoir que le quadrinôme a présenté la procédure lors de la relève dans les services de soins. Tous les professionnels y compris les médecins étaient invités. Ce sont 59 réunions qui ont eu lieu. En parallèle, des sessions de formation en direction des personnels médicaux et soignants ont été mises en place par le coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins.

7) Quel a été le rôle de l’Agence Régionale de Santé ?
L’ARS a été étonnée de la décision de la HAS au regard de la position d’établissement pivot. Elle a accompagné le centre hospitalier dans la levée des réserves notamment en se déplaçant pour discuter des difficultés que nous rencontrions dans la conduite de notre plan d’action. L’ARS s’est montrée à notre disposition et vigilante dans la préparation de la visite de suivi.

8) Quelles sont les perspectives retenues pour pérenniser cette dynamique ?
L’objectif global est de faire en sorte que chaque professionnel s’approprie la culture qualité et sécurité des soins. Cela passe par la pérennisation du Gaq, la formalisation d’une politique qualité et de sécurité des soins diffusée et partagée par l’ensemble du personnel, une gestion documentaire électronique, le déploiement et le suivi d’un plan d’action.

9) Quels seraient les trois principaux conseils que vous donneriez aux établissements faisant l’objet d’un sursis à certification ?
Il est toujours difficile de donner des conseils dans pareilles circonstances. Chaque établissement ayant sa propre histoire.

 Toutefois, on pourrait préconiser :

  • de faire preuve d’humilité ;
  • d’accepter et d’analyser les décisions ;
  • d’adopter une démarche positive ;
  • de rassembler le plus grand nombre d’acteurs pour partager les actions à mener ;
    d’impliquer étroitement le Directoire et les responsables de pôle ;
  • de continuer à se remettre en question.

 

Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leurs auteurs.

Consulter les déclarations publiques d'intérêt :
>> Consulter la déclaration publique d’intérêt de Monsieur Laurent Flot-Arnould
>> Consulter la déclaration publique d’intérêt de Madame Catherine Roux
>> Consulter la déclaration publique d’intérêt du Docteur De Varax

Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé

Lettre Certification &  & Actualités n° 6, juillet-septembre 2012