Entretien avec Pierre-Jean Lancry, Directeur Général de l'ARS Basse-Normandie
Pierre-Jean Lancry, Directeurs Général de l'ARS Basse Normandie.
1- HAS – En termes de régulation de l'offre de soins, est-ce qu'une logique de qualité peut s'intégrer dans une logique de territoire ?
Pierre-Jean Lancry – Parmi les objectifs assignés aux ARS lors de leur création figure le développement d'un système de santé de qualité, accessible et efficient.
Plusieurs indicateurs de suivi entre le niveau national et les ARS ont été mis en place dans le cadre du Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de Moyens signé avec chaque ARS, dont le taux de réserves et de recommandations issues de la procédure de certification HAS des établissements de santé. Au-delà des modalités et des dispositifs d'évaluation de la qualité du service rendu, très différents d'un champ à l'autre (sanitaire, médico-social, ville), l'ARS a une responsabilité dans la qualité des prestations délivrées par les professionnels de santé des trois champs.
C'est la raison pour laquelle la régulation du système de santé au niveau régional s'appuie naturellement sur l'évaluation du service rendu, et la qualité est naturellement prise en compte dans l'approche territoriale de l'organisation de l'offre. Les rapports de certification font l'objet systématiquement d'une analyse détaillée et comparative. Le cas échéant, les équipes de l'ARS suivent l'avancement des actions avec l'établissement, et peuvent mobiliser des acteurs externes issus d'autres établissements pour appuyer les actions engagées.
Mais la régulation porte également sur la coordination entre eux de chacun de ces trois champs (hôpital, ville et médico-social), et devra être complétée par une évaluation de la pertinence des soins. En Basse Normandie, l'ARS a souhaité inscrire plusieurs établissements dans le cadre du projet CLARTE1 qui vise à développer des indicateurs de qualité et de sécurité des soins. En matière de gestion du risque, les contrôles sur place de la pertinence des prescriptions de molécules onéreuses ou dispositifs médicaux en sus participent également à cette démarche qualité. Citons également le projet de déployer à terme des diagrammes de Monnet2 au sein de maisons de retraite, afin d'engager des actions territorialisées contre le développement de résistances aux antibiotiques chez le sujet âgé en hébergement collectif, qui associera professionnels libéraux, établissements médico-sociaux et établissements de soins.
2- HAS – Comment intégrez-vous concrètement les décisions de certification dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens ?
Pierre-Jean Lancry – Un guide national relatif à la contractualisation et aux CPOM est attendu pour juin 2011. À ce stade, la gestion des CPOM des établissements n'a pas fait l'objet d'évolutions majeures par rapport aux fonctionnements antérieurs à la création des ARS.
Pour le moment, les résultats des certifications ne font pas l'objet d'une intégration systématique au sein des CPOM :
- la qualité constitue un élément du diagnostic de l'établissement au sein du contrat socle, et le positionnement des points forts/faibles mis en évidence dans les décisions de la HAS peut être repris au sein du contrat ;
- une décision de la HAS ne donne pas lieu systématiquement à un avenant CPOM. À noter toutefois que les décisions récentes (et notamment celles défavorables : réserves, réserves majeures, visites de suivi...) donnent lieu à réunion avec l'établissement concerné, pour faire un point d'avancement des actions engagées par l'établissement, avec possibilité d'appui technique et/ou politique au besoin ;
- des avenants CPOM sont conclus avec les établissements bénéficiant de financements au titre du Fonds de Modernisation des Établissements de Santé (circulaire décembre 2010 et 22 avril 2011 sur le déploiement d'outils de gestion des risques liés aux soins). Les critères de priorisation des établissements à ces financements sont issus de l'exploitation des rapports de certification grâce notamment à l'outil développé en Basse Normandie (voir infra).
3- HAS – Les cellules performance se mettent en place au sein des ARS, comment utiliseront-elles les résultats de certification ?
Pierre-Jean Lancry – Le choix de l'ARS Basse Normandie a été de constituer une Direction de la performance, qui au-delà des cellules performance décrites par le niveau national (suites des travaux issus de la mission Ritter) intègre l'ensemble du secteur statistiques de l'ARS, la gestion du risque (en lien avec l'Assurance Maladie), la qualité (sur les trois champs : sanitaire, médico-social et ville), le médicament (le coordonnateur de l'OMEDIT3 est intégré à la Direction de la performance), les systèmes d'information (le chargé de missions système d'information est intégré à ce service, avec le suivi des dossiers de SIH des établissements, H 2012, la télémédecine, le GCS Télésanté...).
La cellule performance de l'ARS Basse Normandie constitue par conséquent un ensemble de compétences utilisées dans le cadre des missions menées.
L'élaboration d'un outil d'analyse des rapports de certification HAS (voir infra) a constitué la première étape de l'intégration au diagnostic "performance" qui peut être réalisé par établissement (en complément des aspects de positionnement stratégique et territorial, des aspects financiers...).
4- HAS – Les ARS et la HAS ont des missions distinctes mais concourent au même objectif : améliorer la qualité et la sécurité dans les établissements de santé, comment selon vous renforcer un partenariat efficient ?
Pierre-Jean Lancry – Les objectifs de la HAS et des ARS sont convergents : améliorer la qualité et la sécurité des prises en charge dans les établissements de santé, tout en maîtrisant les coûts.
Sur une base d'objectifs opérationnels communs, il pourrait être développé un partenariat entre la HAS et l'ARS de Basse-Normandie, autour de bases de données, d'outils qualité, etc. à l'échelon d'une région de taille sans doute optimale pour ces coopérations.
Je voudrais citer à cet égard le travail que nous avons réalisé récemment : Méthode d'Analyse Régionale de la Qualité (M.A.R.Q. bn)
Il s'agit de permettre un suivi individualisé, correspondant à une vision analytique de chaque établissement et un suivi régional avec la mise à jour, au fur et à mesure de la réception des rapports de certification HAS.
Ce suivi se décline en 3 principaux points - analyse, objectifs et mise en œuvre - développés ci-après :
Analyse :
- permettre une analyse des points positifs et des problématiques à améliorer, par référence, par critère, par thématique, en fonction des recommandations, réserves, réserves majeures dans les décisions de la HAS (rapports de visites des 3 versions V1 - V2-2007 - V2010)…
- en analysant, soit de façon systémique, soit de façon analytique, les problématiques de la région en matière de qualité des prestations de soins, et réaliser des focus sur une thématique, ou un domaine transversal, ou sur un ensemble d'établissements de même type, ou sur un territoire de santé, ou sur la région…
Objectifs :
- objectiver, évaluer "l'évolution de la dynamique qualité" par établissement de santé et/ou par typologie d'établissement, ou par territoire de santé...
- rechercher par thématique, en effectuant des croisements entre références, critères, etc. (par exemple: la prise en charge du risque infectieux, la gestion des risques, etc. sur l'ensemble des références, des critères, des thématiques).
- cibler et hiérarchiser les priorités régionales, très rapidement.
Mise en œuvre :
- une fiche synthétique, constituée d’une grille de comparaison entre les manuels des V1-V2-2007-V2010, par chapitre, par référence et par critère si possible.
- l'utilisation de codes couleurs, permettant de visualiser l'intensité des décisions de la HAS (recommandation, réserve, réserve majeure), permettant d'intégrer les résultats de tous les rapports de visites HAS.
- tous les rapports d'accréditation (visites V1), de certification (visites V2 ou V2007) ont été enregistrés dans les grilles, avec les décisions de visite ou rapports de suivis, et les résultats des certifications V2010, des établissements situés dans les départements de la Région de Basse-Normandie (Calvados, Manche et Orne).
Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé
1 Projet CLARTE :
signature de l'accord cadre : http://www.sante.gouv.fr/projet-clarte-2010-2012-signature-de-l-accord-cadre.html
et définition du projet scientifique : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-12/ipaqss_projet_scientifique_clarte.pdf
2 Diagramme de Monnet : croisement des données de résistances bactériennes (exprimées en Taux de résistance) et de consommation d’antibiotiques (exprimées en Dose Définie Journalière pour 1000 Journées d’Hospitalisation)
3 OMEDIT : structure régionale ou interrégionale d’appui, d’évaluation et d’expertise scientifique placée auprès de l’Agence Régionale de Santé
Lettre Actualités & Pratiques n° 2 juillet/septembre 2011.