L'année 2011 est déclarée comme année des patients et de leurs droits par les pouvoirs publics.
Dans  son programme 2009-2011, la HAS a inscrit,  quant à elle,  un objectif visant à renforcer la transparence et la qualité de l'information médicale. Elle montre ainsi  sa volonté de poursuivre ses travaux en termes  d'information  du public sur la qualité des soins en établissement de santé d'une part et sur l’information médicale et son impact sur la relation soignant/soigné, d'autre part.

Le professeur Jean-Luc Harousseau, président de la HAS lors du colloque de lancement   de " 2011, année des patients et de leurs droits" le 4 mars dernier,  a réaffirmé  le rôle de l'institution en terme d'information  publique, promotrice de qualité des soins. Cette volonté est notamment illustrée par la création d'une Commission information publique sur la qualité des soins et la qualité de l'information médicale, présidée par un membre du Collège.

Dans ce contexte,   Monsieur Christian  Saout,  président du Ciss1 – Collectif interassociatif sur la santé – nous fait part de ses réflexions sur  la réponse apportée  par  la certification aux attentes des usagers.

 

1) HAS – L'Institut LH2 à la demande du CISS a procédé à la quatrième vague d'interrogation des Français dans le cadre du Baromètre des droits des malades en février 20112. Cette enquête démontre entre autre, un recul de 5 points par rapport à 2010 sur l'information relative à la qualité des soins, comment analysez-vous cette diminution ?

Christian Saout – Probablement parce que la formulation de notre question est assez globale et qu’il y a eu quelques grosses affaires altérant le regard que posent nos concitoyens sur la qualité des soins en général, comme avec le Médiator. Sur la longue distance, il y a encore des questions non résolues : l’information sur le médicament, celle sur le prix des consultations et des actes de soins, notamment en chirurgie classique et dentaire ; l’information sur la maladie et ses modes de prise en charge ; la lisibilité du parcours de soins et la coordination de ces soins dans un contexte de plus en plus marqué par la pluridisciplinarité des interventions face à des maladies ou des polypathologies au long cours ; la comparabilité de l’offre de soins qui malgré des outils de plus en plus pointus ne se diffuse guère faute de point focal. Dans ces domaines, il y a encore des efforts à faire, à côté de ceux qui ont déjà été accomplis pour la sécurité et la qualité des soins. Il faut sans doute aussi prendre en compte la baisse de la couverture des frais liés à la maladie qui commence à provoquer de l’inconfort pour certains, des reports ou des renoncements aux soins pour d’autres, ce qui a vraisemblablement amené à formuler plus de réponses négatives que par le passé.

2) HAS – Quelles sont les attentes des usagers sur les prestations et les performances  des établissements de santé dans lesquels ils sont susceptibles d'être pris en charge ?

Christian Saout C’est la question du bien-être lors du séjour, plus ou moins long, en établissement qui se pose aujourd’hui. Après plusieurs décennies d’efforts sur la sécurité et la qualité, il y a encore sûrement des marges de progression. Mais on a un peu oublié la vie, tout simplement, dans un service ou dans une prise en charge. Pour reprendre un langage bien connu, du côté du « cure » le compte y est, mais c’est le « care » qui est trop absent. C’était tout l’intérêt de l’année « 2011, année des patients et de leurs droits » d’avoir mis dans l’agenda politique le débat sur la bientraitance en établissement. Malheureusement, cela n’a pas été suivi d’effet. On a aussi oublié le lien santé-social, particulièrement pour nos aînés : d’un côté la prise en charge sanitaire et de l’autre l’accès aux droits sociaux. Trop souvent encore, pour ces mêmes personnes, la prévention n’est pas intégrée, comme la prévention des chutes au domicile. Quand la maladie est là, ce qui fait défaut c’est le lien soins-prévention-social. Des parcours de soins prévoyant le double lien prévention-social devraient nous y aider. Mais, il ne servira pas à grand chose de recommander des parcours si les patients n’en sont pas destinataires et s’il n’y a pas de « manager » de parcours à leurs côtés. Il ne s’agit pas de créer de nouveaux métiers : dans les métiers existants, il ne manque pas de réserves pour permettre au patient d’y choisir un « référent-parcours », pour  peu que nous comprenions collectivement l’intérêt de cette mission et son nécessaire financement, largement gagé par les économies qu’une telle dynamique peut procurer.  

3) HAS – Vous avez contribué à la  V2010, à votre avis, 10 ans après son lancement, la certification permet-elle  aux  usagers d'opérer leurs choix dans  l'offre de soins qui leur est proposée ?

Christian Saout Le Collectif s’est volontairement inscrit dans le soutien à la certification et à son évolution au fil des différentes versions car notre histoire est liée aux épreuves que fait subir aux patients la non-qualité et il ne s’agissait donc pas de s’opposer à ce processus même s’il a parfois été mal vécu par certaines parties prenantes.

Pour autant, s’il a été vertueux pour les établissements et les soins prodigués, ce processus n’a pas encore exprimé toutes ses potentialités pour permettre à « l’usager » d’arbitrer au sein d’une offre. Pour de multiples raisons : faible appétence pour la mobilité géographique à l’occasion des soins, confiance dans la recommandation d’un acteur de santé, existence de centres de référence dans des pathologies de plus en plus nombreuses, lisibilité et visibilité des outils publics de l’évaluation de la qualité et de sécurité par rapport à ce que produisent certains magazines ou certains sites. Il est dommage que les différentes sources publiques, qui existent d’ailleurs, ne se potentialisent pas pour produire un site unique d’information sur le choix d’un établissement de santé. C’est regrettable car les assureurs complémentaires ont bien compris cette dimension et commencent à développer des réponses en ce sens. Ce que nous avons tous bien retenu des Rencontres HAS 2010, c’est qu’en tout état de cause nos institutions publiques ont une dette d’information à l’égard de nos concitoyens dans ce domaine, que ces derniers utilisent ou n’utilisent pas ces ressources. La pédagogie de l’information et l’ergonomie de la navigation sur site devraient nous amener à mettre nos concitoyens en situation de consultant « consumériste » vis-à-vis de la santé, comme ils peuvent l’être pour bien d’autres services non marchands.

4) HAS – Vous participez aux Rencontres HAS sur la refondation de la relation soigné/soignant. Selon vous quels  sont les axes d'amélioration à prioriser dans les établissements de santé dans le cadre de l'information due aux patients ?

Christian SaoutProbablement allons-nous conclure nos travaux avec une certaine forme de bon sens : les fondements de la relation soigné-soignant doivent demeurer mais les contours de leur mise en œuvre doivent évoluer pour prendre en compte la volonté d’autonomie du patient, quand c’est son choix, dans un contexte radicalement nouveau avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’information, les  nouveaux besoins de coordination de certains parcours de soins et les fortes attentes autour du bien-être dans la santé.

L’entrée et la sortie sont deux points sensibles du séjour. L’entrée parce que l’on n’y relève pas de façon suffisamment forte certaines attentes : modes de vie, exercice du culte, liens avec l’extérieur, notamment avec les autres acteurs de la prise en charge. La chambre du patient est son domaine privé. Il faut en avoir conscience. L’analyse des plaintes à la sortie révèle combien elle est peu préparée et combien le lien avec la ville est mal fait. D’ailleurs, le questionnaire de satisfaction devrait être rempli « à chaud », sous la forme d’un bref interrogatoire de quelques questions ciblées, et « à froid », à distance de l’hospitalisation, sous la forme d’un questionnaire plus ambitieux, tenant compte notamment des approches de bien être évoquées plus haut.

Ceci étant, il faut aussi penser à des sujets nouveaux comme celui de savoir si un établissement offre telle intervention en ambulatoire où s’il ne le prévoit pas. Pour les hommes et les femmes en activité, c’est un élément d’appréciation important. Les questions de l’accès aux droits dans l’hospitalisation sont aussi à prendre en compte : l’établissement a-t-il  des représentants des usagers susceptibles d’être appelés ? Y a-t-il un médiateur du séjour ? Un résumé simplifié des droits a-t-il donné à chaque hospitalisé l’envie d’aller plus  loin à l’aide du livret d’accueil ? A-t-on prévu des procédures particulières sur des sujets délicats comme la désignation de la personne de confiance et les directives anticipées ?

Le plus important n’est pas de penser que l’on va tout résoudre en une seule fois mais plutôt de se placer dans une perspective d’amélioration au fil de l’eau comme cela a été le cas avec les différentes étapes de la certification. Après la sécurité et la qualité des soins, il faut maintenant envisager de mesurer le respect des critères d’inclusion du séjour dans le parcours de soins, encore plus avec des durées moyennes de séjour qui se raccourcissent, et « l’information sur l’information due aux usagers », avec sagesse car  il ne s’agit pas de tuer l’information par excès d’information mais au contraire de susciter et de renforcer l’autonomie de la personne dans sa capacité à accéder aux informations et à discriminer entre les sources d’information.

Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé

 

1 Le Ciss – Collectif interassociatif sur la santé :

2 Baromètre des droits des malades en février 2011 – le rapport d’étude :