Surdité de l'enfant : que proposer avant l'âge de six ans ?

Article HAS - Mis en ligne le 03 mars 2010 - Mis à jour le 19 mars 2013
Dossier d'information - Questions / réponses extrait du dossier de presse accessible en bas de page

La surdité permanente et bilatérale peut entraîner des retards importants d’acquisition du langage si l’environnement de l’enfant n’est pas adapté très précocement à ses besoins particuliers.

Un groupe de travail constitué de professionnels sourds et entendants, et de représentants des enfants sourds a donc élaboré ces recommandations en vue de répondre à l’un des objectifs de la loi de santé publique du 9 août 2004. Cette loi stipule que l’on doit assurer « une prise en charge précoce de l’ensemble des atteintes sensorielles de l’enfant ».

Avant tout, l’objectif principal de ces recommandations est de favoriser le développement du langage de l’enfant sourd au sein de sa famille, quelles que soient la ou les langues utilisées, le français et/ou la langue des signes française (LSF).

 

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Points clés des recommandations de la HAS

  • Avant l’âge d’un an, il est recommandé de proposer un programme d’intervention précoce à tout enfant sourd et à sa famille, afin de maintenir et développer dès la première année toutes formes de communication entre l’enfant et son entourage, sachant que plus de 90 % des parents d’enfants sourds sont entendants. Il est essentiel d’adapter ce programme aux besoins particuliers de l’enfant et au projet éducatif choisi par ses parents. En effet, « dans l'éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds, la liberté de choix entre une communication bilingue, langue des signes et langue française, et une communication en langue française est de droit » comme le stipule la loi du 11 février 2005.
  • En l’état actuel des connaissances, et en l’absence de consensus entre les acteurs, il n’est pas possible, pour les enfants ayant un seuil auditif >70 dB HL, de recommander un type de programme d’intervention précoce plutôt qu’un autre. C’est pourquoi, nous avons fait le choix de décrire ce qui est recommandé pour chacune des approches possibles. Il existe deux types d’approches précoces correspondant au choix éducatif des parents : l’approche audiophonatoire et l’approche visuogestuelle qui se distinguent fondamentalement sur le fait de stimuler ou non la voie auditive. L’éducation avec « communication bilingue » et donc l’apprentissage de la LSF peut s’envisager dans le cadre des deux approches. Le préjugé selon lequel l’acquisition précoce de la LSF retarderait l’acquisition du français n’est pas scientifiquement validé.

 

Qu’est ce que l’approche audiophonatoire ?

Comme son nom l’indique, l’approche audiophonatoire stimule la voie auditive. Celle-ci est recommandée lorsque les parents souhaitent proposer à l’enfant une éducation avec accès au français parlé.

Sauf cas particulier d’un diagnostic posé avant 6 mois, les audioprothèses doivent êtres posées dans les 3 mois qui suivent le diagnostic.

Dans certaines indications, qui ne concernent pas plus de la moitié des enfants sourds, la stimulation pourra être envisagée dans un second temps par implant cochléaire.

Quel que soit l’appareillage, une éducation auditive et un suivi orthophonique complémentaires sont nécessaires plusieurs fois par semaine.

Si les parents souhaitent une éducation bilingue, le programme d’intervention audiophonatoire proposera alternativement des activités en français parlé et d’autres activités en LSF, comme dans le cadre d’une approche visuogestuelle.

Si les parents souhaitent une éducation exclusivement en français, le programme d’intervention audiophonatoire pourra être décliné sous deux formes :

  • soit un programme dit LPC, où les échanges se font en français parlé simultanément avec le code de la langue parlée complétée,
  • soit un programme en français signé, où les échanges se font en français parlé simultanément soutenu par des signes isolés de la LSF.

 

Qu’est ce que l’approche visuogestuelle ?

Cette approche privilégie la communication par le canal visuo-gestuel ; elle est donc fondée, avant 3 ans, principalement sur une communication en LSF. Le français est appris secondairement et essentiellement par le français écrit.

Afin d’aider au mieux l’enfant et sa famille le programme d’intervention précoce doit proposer dans les lieux d’accueil de l’enfant un espace de jeu, d’activités et de rencontre dans lequel la LSF est utilisée, au minimum 5 heures par semaine.

Il est recommandé d’intégrer dans les équipes d’accueil des professionnels sourds compétents, formés à l’enseignement de la langue et à l’aspect relationnel et éducatif.

Il est nécessaire de proposer à la famille une aide en vue d’acquérir cette langue, en fonction de ses besoins ; il est en particulier utile de distinguer si la famille qui signe déjà utilise la LSF ou uniquement du français signé. L’aide aux parents et frères et sœurs peut prendre différentes formes, par exemple des cours ou des activités en LSF dans les lieux de vie de l’enfant.

 

Quelles informations et quel accompagnement proposer aux parents ?

L’accompagnement des familles est adapté au cas par cas. Il nécessite l’intervention de nombreux professionnels et du réseau social, amis et associations.

Il a pour objectif de transmettre une vision positive des compétences de l’enfant sourd et de son devenir et prend en compte d’abord les besoins d’informations relatives au développement global de l’enfant, comme cela est proposé pour tout enfant : accueillir un enfant sourd au sein de sa famille, c’est avant tout accueillir un enfant.

Afin de permettre aux parents de choisir de manière éclairée leur projet éducatif, il est essentiel de transmettre les informations suivantes :

  • Le niveau de langue obtenu en langue parlée ou en langue des signes dépend principalement de la langue qui sera utilisée au domicile avec l’enfant et de la présence ou non de troubles associés à la surdité.
  • Le niveau de langue parlé obtenu dépend également du niveau d’audition de l’enfant : une très large majorité des enfants sourds ayant un seuil auditif < 70 dB HL acquièrent et utilisent exclusivement une langue parlée. En revanche, les enfants sourds ayant un seuil auditif > 70 dB HL acquièrent et utilisent majoritairement les deux langues même si certains n’utiliseront que la langue parlée et d’autres que la langue des signes.

Il est également vivement recommandé de tenir compte, autant que faire se peut, des délais liées à la période critique de développement du langage, qui existent quelle que soit la langue proposée. En effet, la stimulation et l’éducation auditive proposée avant les 2 ans de l’enfant permet d’atteindre un niveau de langue parlée meilleur que si l’appareillage est mis après 2 ans. Par ailleurs, si la langue parlée n’est pas acquise, proposer la LSF avant 5 ans permet d’atteindre un niveau de langue écrite et un niveau de langue des signes meilleur que si la LSF est proposée après 5 ans.

 

Pour chacune de ces deux approches, une évaluation du développement de la communication et de l’acquisition des langues proposées est recommandée tous les 6 mois jusqu’à 3 ans, puis tous les ans afin de permettre, s’il y a lieu, d’adapter le projet éducatif initialement choisi.

 

Comment prévenir les troubles psychiques et relationnels de l’enfant ?

En soi, la surdité n’a pas de lien direct avec les troubles psychiques. Cependant, elle entraîne des difficultés de communication entre l’enfant et l’environnement dans lequel il vit. Ces difficultés de communication entraînent parfois des troubles relationnels ou des troubles du comportement réactionnels.

Pour permettre un développement psychique harmonieux de l’enfant sourd, il est recommandé de mettre en œuvre le plus précocement possible tous les moyens permettant un mode de communication commun entre parents et enfants. L’acquisition d’une langue commune doit se mettre en place le plus tôt possible, au mieux avant l’âge de 4 ans et en tout cas avant l’âge de 5 ans.

Lorsque des signes d’alerte sont repérés, tels que des troubles du regard, des troubles du sommeil ou une modification brutale ou progressive du comportement, il est recommandé dans un premier temps de contrôler l’audition et de vérifier l’adaptation de l’enfant au programme qui lui est proposé. Puis, selon les troubles observés, il peut être nécessaire d’orienter l’enfant et ses parents vers un psychologue ou un psychiatre, si possible ayant une connaissance de la surdité. Lorsque la langue principalement utilisée par l’enfant est la langue des signes, le recours à une équipe utilisant cette langue est recommandée.