Dépistage du cancer du col de l'utérus
Dépistage du cancer du col de l'utérus en France en 2010 :
- 17,5 millions de femmes de 25 à 65 ans concernées par le dépistage du cancer du col de l’utérus;
- Plus de 6 millions de frottis cervico–uterin (FCU) réalisés chaque année;
- Des coûts médicaux directs de dépistage et de prise en charge du cancer du col de l’utérus de 332 millions d’€ dont 225 millions d’€ pris en charge par l’Assurance maladie;
- Une couverture insuffisante avec 51,6 % des femmes pas ou trop peu souvent dépistées (situation de sous-dépistage) et 40,6% des femmes trop fréquemment dépistées (situation de sur-dépistage).
Pourquoi la HAS a-t-elle travaillé sur le dépistage du cancer du col de l’utérus en France ?
Compte tenu de la vitesse d’évolution de ce cancer, de l’existence de lésions précancéreuses curables, de tests de dépistage et de diagnostic acceptables par la population ainsi que de stratégies de traitement disponibles et d’après les critères de l’organisation mondiale de la santé, ce cancer se prête tout à fait au dépistage.
De plus, plusieurs organismes internationaux recommandent d’organiser le dépistage de ce cancer et, depuis 2003, le conseil de l’Union européenne recommande aux états membres de mettre en place un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus.
La Direction Générale de la Santé (DGS) a saisi la HAS en 2009 afin qu’elle compare les bénéfices et les risques des différentes stratégies de dépistage envisageables ainsi que les conditions de leurs mises en œuvre. Les travaux de la HAS se sont fondés sur des simulations d’impact épidémiologiques et économiques des stratégies proposées ainsi que sur une analyse des améliorations possibles en matière de qualité du dépistage.
Quelle est la situation actuelle en France ?
En France, en 2010, il n'existe pas de programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus. Le dépistage est aujourd’hui avant tout spontané et individuel.
Il est actuellement recommandé de réaliser un FCU tous les 3 ans à partir de 25 ans et jusqu’à 65 ans, après deux FCU normaux réalisés à 1 an d’intervalle chez les femmes asymptomatiques ayant ou ayant eu une activité sexuelle.
Au cours de l’état des lieux réalisé par la HAS, plusieurs problèmes ont par ailleurs été identifiés :
- plus de la moitié des femmes concernées qui ne se font pas ou suffisamment fréquemment dépister tandis que d’autres bénéficient d’un suivi trop rapproché;
- il existe de fortes inégalités territoriales dans la pratique du dépistage;
- enfin, la HAS a identifié les principaux freins à la participation au dépistage. Les freins liés à la patiente sont nombreux (freins d’ordre comportemental, psychologique mais également socio-économique ou d’accès aux soins pour les femmes en situation de handicap par exemple) et interviennent souvent simultanément. Il existe également des freins liés aux professionnels et aux questions d’accès aux soins (géographique, physique et économique). Sur ce dernier point, la HAS constate que l’accès aux praticiens exerçant en secteur 2 (honoraires libres) n’est pas possible pour une part non négligeable de la population et plus particulièrement celle en situation de sous dépistage.
Quelles sont les recommandations de la HAS ?
La HAS recommande la mise en place d’un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus en France. Ses recommandations visent prioritairement à favoriser l’augmentation du taux de couverture global de ce dépistage et dans le même temps à en corriger la structure afin de lutter contre les inégalités d’accès à la prévention et de santé et de limiter le surdépistage dont les conséquences en termes d’investigations inutiles potentiellement délétères sont importantes.
Ses recommandations s’articulent autour de 4 axes majeurs :
- Un dépistage s’appuyant sur ses acteurs traditionnels
La HAS rappelle la place déterminante des gynécologues médicaux, gynécologues-obstétriciens, médecins généralistes, sages-femmes et anatomo-cytopathologistes dans ce dépistage. Elle souhaite clarifier le rôle de chacun de ces professionnels en termes d’information et d’incitation au dépistage, de synthèse des informations ainsi que de réalisation et interprétation des prélèvements.
Elle place le médecin traitant au cœur du dispositif en recommandant que, pour chacune de ses patientes, le médecin traitant effectue la synthèse des informations transmises par les professionnels de santé concernés (dans le respect des obligations déontologiques et légales), incite à la participation au dépistage, prescrive un test de dépistage ou réalise lui-même le prélèvement, et s’assure de la bonne prise en charge en cas de test positif.
La HAS recommande que le dépistage reste fondé sur la réalisation d’un frottis cervico-utérin (FCU) à partir de 25 ans et jusqu’à 65 ans, tous les 3 ans (après deux FCU normaux réalisés à 1 an d’intervalle) chez les femmes asymptomatiques ayant ou ayant eu une activité sexuelle.
Enfin, dans des conditions garantissant leur qualité, la HAS envisage également une diversification des effecteurs et des lieux de réalisation des FCU, notamment une possible implication des infirmiers dans le cadre de protocoles de coopération entre professionnels de santé.
- Une démarche d’assurance qualité concernant toutes les étapes du dépistage
La HAS recommande la mise en place effective d’un système d’assurance qualité du dépistage fondé sur les recommandations européennes et françaises disponibles. Ce système devra concerner toutes les étapes du dépistage (de l’information et du prélèvement au suivi des résultats). Dans une perspective d’équité pour les femmes dépistées, la HAS recommande la mise en place d’un contrôle de qualité interne dans toutes les structures d’anatomo-cytopathologie, accompagné d’un contrôle de qualité externe. Enfin la HAS rappelle qu’en France le système de Bethesda est seul recommandé pour formuler le compte rendu cytologique, quelle que soit la technique de prélèvement.
- Un renforcement du dispositif actuel
Parce que trop de femmes de la tranche d’âge cible (25 – 65 ans) ne bénéficient pas encore du dépistage prévu, que les conditions de suivi des femmes dépistées peuvent être améliorées et qu’il est actuellement difficile de repérer les femmes non dépistées et sur-dépistées, la HAS souhaite renforcer et compléter le dispositif actuel de dépistage. Elle propose ainsi qu’en plus de l’action des acteurs traditionnels du dépistage, soient prévus une invitation individuelle des femmes non dépistées et un contrôle du suivi des femmes présentant un FCU positif.
Elle propose également d’adapter et de préciser les circuits et les systèmes d’informations afin d’assurer la rationalisation des pratiques des professionnels et compte tenu des enjeux financiers d’envisager des mesures permettant de limiter le sur dépistage.
Enfin, la HAS recommande que les performances et l’impact du dispositif soient évalués globalement, en particulier au plan économique et en termes de réduction des inégalités territoriales et sociales de santé.
- Une adaptation aux spécificités territoriales et des populations
Pour répondre aux fortes inégalités constatées selon les territoires et les populations, la HAS rappelle la nécessité d’actions de renforcement spécifiques.
Elle insiste sur l’importance d’actions de sensibilisation, d’information, de communication et d’incitation dont l’objectif est d’augmenter la participation au dépistage de femmes aujourd’hui non dépistées. Elle préconise notamment une implication des acteurs associatifs locaux.
Enfin, la Guyane est le seul territoire particulier (comme les DOM ou les zones urbaines sensibles par exemple) où une adaptation du dispositif de dépistage est nécessaire.
Qu’appelle-t-on dépistage organisé ?
Dans un cadre organisé:
- le dépistage est proposé systématiquement à l’ensemble d’une population cible alors que dans un dépistage individuel, la proposition de dépistage s’effectue à l’occasion par exemple d’une hospitalisation ou d’une consultation médicale.
- la participation reste volontaire. Le dépistage s’inscrit dans une politique dont les modalités ont été préalablement définies (tranches d'âges, fréquences, procédures) et s’appuie sur une équipe responsable de la gestion du programme.
Un programme de dépistage est caractérisé par la planification et la coordination de l’ensemble des activités qui constituent le processus de dépistage (développement, mise en place, suivi et évaluation de tous les aspects du programme) de l’identification de la population cible, au diagnostic de la maladie et au traitement des individus atteints. Quel que soit le thème de santé concerné, un programme de dépistage repose toujours sur une population cible bien définie ; une stratégie de recrutement ; une gamme de services (dépistage, suivi et traitement); un système d’assurance qualité; un système d’information et une évaluation.
En règle générale, les programmes de dépistage organisé ont un impact supérieur au dépistage individuel, en particulier en termes de participation totale, d’amélioration de l’équité, d’une probabilité plus élevée de toucher les populations les plus à risque et du fait de la mise en place de mesures d’assurance qualité.
Deux vaccins sont disponibles en France. Ont-ils une incidence sur cette stratégie de dépistage ?
Les 2 stratégies de prévention sont complémentaires.
Les femmes actuellement âgées de 25 à 65 ans n’ont pas été vaccinées contre les 2 génotypes de papillomavirus humains impliqués dans la genèse d’une partie des cancers du col de l’utérus. Pour elles, le dépistage du cancer du col de l’utérus reste l’unique stratégie de prévention de cette pathologie.
Les femmes plus jeunes auront, pour certaines, bénéficié de la stratégie vaccinale.
Il existe en effet aujourd’hui deux vaccins dirigés contre deux génotypes de papillomavirus humains (HPV types 16 et 18), impliqués dans la genèse d’environ 70% des cancers, et commercialisés en France depuis 2006 et 2007.
Toutefois, ces vaccins ne protégeant pas contre tous les cancers du col de l’utérus, ils ne peuvent se substituer, à un dépistage régulier. Les institutions sanitaires concernées, dans tous leur avis, ont insisté sur la nécessité de ce dépistage. Par ailleurs, des questions subsistent sur l’efficacité vaccinale hors contexte des essais cliniques ainsi que sur la durée de protection. Par ailleurs, la couverture vaccinale est à ce jour modeste (moins d’une jeune fille sur 3 en 2009).
Quoi qu’il en soit, l’impact réel de la vaccination sur le dépistage ne sera pas connu avant au moins une décennie puisque sont vaccinées les jeunes filles à partir de 14 ans, les remières vaccinées n’entreront donc dans le dépistage que 10 ans plus tard. La HAS précise, dans ses recommandations, qu’il conviendra d’ici quelques années de définir les modalités de dépistage des femmes vaccinées (test le plus approprié et périodicité).
La mise en place de ce dépistage organise ne va-t-il pas se traduire par une hausse des dépenses de l’Assurance maladie ou une réorganisation sanitaire ?
Pour la HAS, ce dépistage peut être mis en œuvre à moyens constants.
La HAS souligne que la mise en place de ce dépistage organisé répond aux enjeux de rationalisation des moyens mis en œuvre dans le secteur de la santé : les ressources actuellement consacrées par l’Assurance maladie au dépistage individuel permettraient de financer le dispositif recommandé par la HAS.
La HAS rappelle enfin que la situation actuelle ne permet ni d’assurer l’équité des femmes face au dépistage ni de leur offrir une prise en charge de qualité égale. À cette occasion, elle invite les pouvoirs publics à inverser cette situation.